SolarLife
« Ça bouge !
- Et cela bougera encore longtemps. Encore un bon anniversaire à toi ! »
Marie ne regarda même pas son père sortir de la chambre, elle jouait avec son nouveau cadeau : un SolarLife. Le SolarLife, c'était LE truc à la mode chez les jeunes. Une petite boite dans laquelle un soleil entier fonctionnait. Un protosystème pour être exact. Il n'y avait pas encore de planètes et encore moins de vie. Seule une vaste masse gazeuse et poussiéreuse, avec en son centre une boule lumineuse.
Marie activa l'interface. Un hologramme sortit de la boite, montrant tout ce qui se passait à l'intérieur. À la vue de cette masse difforme, elle y mit son doigt. Comme les poussières tournaient autour du soleil, son index faisait office de barrage. La matière s'aggloméra jusqu'à ce qu'il devint trop difficile pour Marie de la retenir. Elle retira son doigt. La matière avait formé une petite boule, petite boule devenant au fil du temps une petite planète à force d'accumuler de la matière telle une boule de neige.
Puis elle traça un deuxième sillon, puis un troisième et ainsi de suite. Au bout de l'après-midi, elle avait créé une petite dizaine de planètes, des petites, des grosses, des gazeuses et des telluriques. Tout n'était pas parfait, rien n'était fini, mais déjà son système prenait vie devant elle. Elle décida de le laisser se reposer toute la nuit. Elle se coucha et, toutes lumières éteintes, regarda son système gravitationnel avant de s'endormir.
Le lendemain matin, à la première levée de paupière, son premier réflexe fut d'examiner son système. Il était maintenant net et propre. Plus aucune poussière qui trainait. Tout avait été attiré par les planètes. Mais plus que cela, il n'y avait pas que des planètes, il y avait aussi des astéroïdes, des comètes et des lunes. Les imperfections des sillons avaient engendré tout ce que ce système dynamique à N corps pouvait créer. Marie pouvait maintenant passer à l'étape suivante de ce jeu.
Elle choisit une planète et regarda le menu associé. Delete, copy, upgrade... Puis elle trouva le menu « vie », mais celui-ci était grisé. Il y avait un message : « Impossible de créer la vie, planète trop proche du soleil ». Alors Marie sortit des menus, prit la planète entre ses deux doigts et la recula. Dans ce mouvement, tout bougea pour s'adapter. Certaines tournèrent plus vite, d'autres ralentirent. L'une d'elles explosa même en mille morceaux, les forces de gravité étant trop importantes pour elle.
Marie, surprise par cet éclatement, utilisa l'interface pour revenir en arrière. Les morceaux se reconstituèrent sous ses yeux, en même temps que la planète choisie se rapprochait à nouveau du soleil. Elle réessaya vers l'avant et la planète réexplosa. En arrière, en avant, en arrière, en avant. Marie comprit que dans la configuration choisie, elle ne saurait forcer le système. Pour avoir une planète viable, une autre devait disparaître ; alors elle laissa faire et son système planétaire s'enrichit d'une ceinture d'astéroïdes.
Une fois sa planète en place, elle retourna dans le menu de la vie et de l'eau et cliqua dessus. Rapidement, elle put observer l'émission d'un liquide transparent sur sa planète. En utilisant la loupe grossissante, elle pouvait voir évoluer les premières molécules de vie puis, rapidement, les premières bactéries, les premiers vers et ainsi de suite...
Toute la journée, elle s'amusa avec son SolarLife. Tantôt elle aimait ce qu'elle faisait, tantôt pas, mais sa créativité était sans égale. En fin de soirée, elle avait construit un petit écosystème fait d'animaux poilus et mignons. Elle aimait les regarder. Cela l'apaisait. La nuit vint et elle laissa le système tourner durant son sommeil, espérant le retrouver le lendemain comme elle l'avait laissé la veille.
Mais le lendemain, quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle découvrit que la planète entière avait été envahie par des animaux gigantesques. Ils avaient des dents tranchantes ainsi que des griffes. Certains chassaient en meutes, d'autres broyaient leurs proies avec leurs mâchoires surpuissantes. La majeure partie de ces carnivores était quadrupède, d'autres étaient bipèdes. Ces animaux faisaient tant de bruit et tellement peur aux autres que Marie n'aurait su les trouver sympathiques.
Avec sa loupe, elle essaya de comprendre ce qui s'était passé mais ne trouva rien d'anormal. En scrutant un peu, elle tomba sur un petit animal mignon essayant de fuir ces énormes lézards, mais clairement, il n'allait pas y arriver. Sous l'effet de la panique, Marie prit un bout d'astéroïde et le lança sur la bête assoiffée de sang. La vague, dépassant le kilomètre (proportionnellement à la planète), détruisit tout.
Marie était triste. Par sa réaction disproportionnée , dans l'espoir d'aider, elle avait quasi anéanti toute vie sur la planète. Elle aurait pu revenir en arrière mais qu'importe, elle savait qu'il y aurait toujours ces grosses créatures. Non, il fallait tout recommencer, tout reseter. Elle n'en avait pas le courage pour l'instant. Elle éteignit l'interface du SolarLife et alla passer son temps à autre chose.
Le lendemain matin, elle était décidée – voire même convaincue – de recommencer. Elle alluma l'interface, s'attendant à y trouver une planète morte. Mais quelle ne fut pas sa surprise. La petite planète était recouverte, non plus de verdure et d'animaux, mais d'habitations. En l'examinant à la loupe, elle se rendit compte que des bipèdes habillés grouillaient sur la surface. Ils discutaient, parlaient entre eux, directement ou au moyen de petits appareils. Plus Marie les observait, plus elle trouvait que cela ressemblait à son propre monde, à sa propre espèce. Il y avait des communicateurs pareils à ceux de ses parents. Des transporteurs identiques à ceux utilisés par ses parents. « À quoi bon jouer à un jeu aussi réaliste ? » se dit-elle, et elle alla dans les menus pour reseter l'ensemble du SolarLife et ainsi recommencer tout à zéro. Pourtant, juste avant, une idée lui passa par la tête. Elle alla dans le menu recherche et rentra quelque filtre. Directement, l'hologramme zooma sur un coin un peu isolé du monde. Dans une petite banlieue, non loin d'une grande ville.
Là, une petite fille jouait dans sa chambre. Son père qui venait de rentrer du travail lui remit un cadeau en lui souhaitant un bon anniversaire. La petite fille le déballa et sauta de joie lorsqu'elle s'aperçut que c'était ce qu'elle avait demandé, un SolarLife. Elle l'alluma. Un hologramme en forme de nuage de poussière avec en son centre une énorme boule de feu apparut.
« Ça bouge !
- Et cela bougera encore longtemps. Encore un bon anniversaire à toi. »
Marie, en regardant la scène, trouva cela cocasse. Elle alla dans le menu du SolarLife, New, Reset. Mais au dernier moment, elle ne cliqua pas. Elle regarda le ciel par la fenêtre, puis regarda l'interface, puis le ciel par la fenêtre. Elle sortit du menu et dit à voix haute :
« Ne nous reset pas, st'up. »
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