Petite fantaisie monstrueuse

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Je ne peux plus crier, j’ai dû déchirer mes cordes vocales tellement j’ai hurlé devant cette horreur.

Je ne peux même plus pleurer, tout ce que mon corps pouvait produire de larmes s’est répandu sous moi.

Le sadique est en train de s’acharner sur ma compagne d’infortune.

Ensuite, mon tour viendra.

Je vais mourir, ici, dans un endroit inconnu sous les coups de couteau d’un monstre inconnu.

Comment est-ce seulement possible ?

Je m’appelle Marie Pastenargue. Je vivais la vie tranquille et douce d’une adolescente sans histoire dans un petit village de Provence, un des rares où les indigènes ne sont pas encore devenus une minorité sous l’invasion des Nord-Ligériens méprisants et friqués.

Je suis ce que l’on appelle une Provençale de souche. Je suis née et j’ai grandi ici, dans ce village, souto lo soulèu e lou Mistrau.

Le cauchemar a commencé il y a quelques jours, très tôt le matin. Le soleil n’avait pas encore gravi les Alpes. J’ai entendu un bruit bizarre, sans y prêter attention. Mal m’en prit. Je fus arrachée de ma couche par les cheveux. Sans pitié, je fus jetée au sol. Je perdis connaissance.

Quand je revins à moi, j’étais attachée à plusieurs autres jeunes filles de mon âge. Nous étions allongées comme des sardines dans un véhicule qui roulait, d’après le bruit et les vibrations.

Nous fûmes transbordées plusieurs fois avant de nous retrouver ici, où tout se termine pour nous. Personne ne nous a donné ni à manger ni à boire.

Notre bourreau n’avait rien d’anormal à première vue et nous nous reprîmes à espérer, mais quand nous le vîmes prendre le couteau, le pire imaginé devint réalité. Nous allions mourir.

Mektoub, c’était écrit, comme disent les Marseillais de la Porte d’Aix.

Il détacha et tira ma voisine par les cheveux, une jolie rousse. Elle me jeta un dernier regard désespéré.

Elle hurla tout ce qu’elle put quand le fou lui arracha le premier lambeau de peau. Je pense que son cœur lâcha. Ce fut sa chance. Il l’écorcha morte et non pas vive. Il sembla contrarié. Il me regarda et je lus dans ses yeux : Toi, t’as pas intérêt à me faire ce coup-là !

Le sadique prit encore le temps de découper sa première victime en morceau, puis il s’approcha de moi avec un méchant sourire. Quand il saisit mes cheveux roux, j’étais déjà plus morte que vive.

Mesdames, Messieurs, la prochaine fois que vous achèterez une botte de carottes pour préparer votre repas, pensez au martyr de ces malheureuses qui meurent écorchées vives sous les coups de votre économe…

P.S. Pastenargue est un des noms provençaux de la carotte (pastenargo, en graphie mistralienne, avec l’accent sur l’avant-dernière syllabe et le « O » final très ouvert, voire quasiment un « E » dit muet. Muet, mais prononcé ;-)

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