V (partie deux)

6 minutes de lecture

Good thing — Zedd & Kehlani

Fever — Dua Lipa, Angèle

La bambina¹ se trouve sur la table du milieu, près de l'intérieur. Je suis à la fois proche et éloigné de la blonde. Qu'elle n'est pas ma surprise de la voir confortablement installée sur les genoux d'un jeune homme. Ils semblent intimes et fusionnels, vu sa manière de lui toucher affectueusement le bras. Son compagnon lui chuchote quelque chose à l'oreille et elle rit de toutes ses dents. Je l'étudie, prêtant attention à chaque détail. Mon passif m'a appris une chose ; il faut toujours connaître et cerner ses adversaires. C'est de cette manière qu'on découvre leurs faiblesses. Et mon instinct me dicte de me méfier de cette nana. Elle se tient bien droite, ce qui démontre une certaine assurance. Elle est de taille moyenne, sa peau est satinée. Son physique m'apprend qu'elle fait attention à son apparence. La dernière fois que je l'ai vu, elle n'était pas aussi apprêtée. La blouse blanche ne la met pas en valeur et ce jour-là elle paraissait insignifiante.

Un bandeau noir retient en arrière son épaisse chevelure dorée. Je parcours son corps moulé dans une robe verte, arrivant à mi-cuisse et avec un décolleté plongeant, découvrant la vallée de ses seins. Elle dégage un certain charme. Médisant, moi ? Pas le moins du monde.

Dans ses mains, la ragazza² tient un verre, comportant un liquide ambré. Ce n'est pas l'alcool auquel je m'attendais.

— J'y crois pas ! Les Lakers mènent 13 à 9 contre les Raptors ! me coupe Zach dans ma contemplation.

Je me concentre sur la conversation et arrête de scruter la blonde qui vient de se pencher vers une rousse, ses lèvres pleines s'étirent une énième fois.

— Qui vient de marquer ?

— Davis, le numéro trois. Franchement, on dirait des petits poussins avec leurs maillots jaunes argh ! râle notre ami en fixant l'écran de son téléphone.

— J'espère que les Raptors vont les écraser, déclaré-je en avalant une gorgée de mon cocktail.

Depuis l'adolescence, nous sommes fans de cette équipe qui est basée à Toronto dans l'Ontario. Les joueurs sont prodigieux avec le ballon. Le basket-ball est une discipline si élogieuse.

Je ne résiste pas à jeter un œil sur elle. La blonde n'est plus là. Je scrute la foule à sa recherche, mais elle a disparu. Il ne reste plus que son verre vide sur la table.

Irrité, je rejoins précipitamment le bar, sous la stupéfaction de mes amis. J'essaie de faire abstraction des derniers événements. Mes réactions et ma colère sont sans doute excessives, mais mon impulsivité m'empêche d'être rationnel. Je commande rapidement au serveur un soda. En revenant à notre table, je trouve les garçons en grande conversation avec une femme que j'ignore.

— Une balade en mer dimanche prochain ça te dirait ? m'interroge le blond en caressant l'épaule de sa voisine.

— Une telle offre ne se refuse pas, j'assure.

Le père de Zach gère une société de construction de bateaux dans la région. Pour ses vingt-deux ans, suo padre³ lui a offert un bateau à moteur hors-bord. Depuis nous profitons de chaque rayon de soleil pour longer les côtes du Var.

— Je vous prépare une après-midi aux petits oignons, mes petites chenilles ! se réjouit-t-il.

Vraiment ? Qui surnomme ses potes "mes petites chenilles" ? L'alcool lui embrume vraiment le cerveau !

Mes amis poursuivent leur conversation avec l'intruse sans que je n'y participe. Je n'arrive pas à cacher mon ressentiment à l'égard des femmes. C'est viscéral et plus fort que moi. Parfois, il suffit d'une seule personne pour ne plus réussir à faire confiance.

Un rire sonore sur ma gauche et le discours qui suit, retient mon attention.

Dela ! Et si on allait finir notre marathon de The Walking Dead, chez moi ? s'enquiert un homme auprès de son interlocutrice.

— J'adore l'idée, je finis mon verre et on rentre ! répond une voix éclatante qui ne m'est pas inconnue.

En me penchant, je croise son regard intense, d'un bleu givré. On se jauge de longues minutes à travers les fins voilages blancs. Je me concentre sur la blonde, grâce à notre nouvelle proximité. Oubliant qu'elle n'est pas seule. Ses jambes paraissent fines et élancées dans cette robe matière soie. Son visage est si expressif, elle esquisse un sourire dans ma direction. Pour ma part, je fronce les sourcils, ne décolérant pas. Elle ne cille pas malgré mon avertissement silencieux. À quoi joue-t-elle ? Se plaindre de mon comportement auprès de Rebecca n'a pas suffit ? Il est hors de question que je baisse les yeux devant cette manipulatrice. Ma nuque est raide. La bionda⁴ passe une main dans sa chevelure ondulée, dégageant son cou gracieux et fin. À aucun instant, elle ne rompt le contact visuel, blondie se comporte de manière désinvolte.

Son corps se tourne vers moi. La fille croise, puis décroise ses jambes galbées, ce qui fait remonter le tissu vert plus haut sur ses cuisses. Ma gorge est sèche, alors je finis mon verre. Je passe le bout de ma langue à la commissure de mes lèvres, lorsqu'une goutte s'y échappe. Impossible de ne pas remarquer son trouble, il y a cette fièvre. Elle garde la bouche ouverte, ses joues rougissent. La bambina se trouve dans une position de vulnérabilité, et cela me plaît. Il est si facile de décrypter ses émotions.

Notre proximité s'arrête au moment où elle se tourne vers son voisin en hochant la tête et se redresse avec aisance. Elle se dirige d'une démarche chaloupée vers la sortie, accompagnée de cet homme. Je lorgne ses fesses en forme de cœur quand elle passe les portes de l'établissement. Ensuite, la bionda disparaît de mon champ de vision, sans un regard dans ma direction. C'était fugace. Heureusement, mes amis n'ont rien remarqué de la scène.

Une heure plus tard, une notification s’affiche sur mon téléphone, j’y lis un message d’Olivia, une autre de mes conquêtes. Elle me signifie qu’elle est déjà arrivée à notre lieu de rendez-vous. Il est temps pour moi de la rejoindre à l'hôtel qu’elle a réservé. 

Après avoir récupéré la carte magnétique à l'accueil, je me dirige vers la chambre 305. Aucune femme n’a eu le loisir de visiter mon appartement. Et si cela leur déplaît, une autre prendra la place. Je choisis avec précaution celle avec qui coucher, les femmes sont toutes les mêmes, fades et sans intérêts. Pour moi, elles n’ont qu’une utilité; c’est d’assouvir mes désirs. Mes paroles peuvent paraître crues, mais m’être éloigné du sexe opposé m’a évité beaucoup d’ennuies.

Olivia m’attend au centre d’un lit king size, vêtu d’un corset noir en dentelle, qui enserre sa taille fine et d’un porte-jarretelle de la même couleur. L’ambiance est feutrée et tamisée, les meubles sont sombres. Seule la lumière de la lune filtre à travers les longs rideaux gris.

Rapidement, je retire ma veste, tout en la déshabillant du regard. Son rythme cardiaque s’accélère à mesure que je m’approche. La rousse étreint d’appréhension la couverture noire du couvre-lit, tout en se mordant sa lèvre inférieure. Je couve ses yeux bleu clair, ils me font étrangement penser à une autre personne. Pourtant, les siens ne me font pas le même effet, je reste de marbre. Son regard paraît vide.

Je sache de mon esprit cette bouche pulpeuse qui appelle à la luxure et me concentre de nouveau sur Olivia, je défais son corsage et attrape en coupe l’un de ses seins pâle et rond, le bourgeon est d’un rose très clair. Sa peau se couvre de chair de poule à mes caresses.

Nous ne prononçons pas un mot lors de nos retrouvailles et cela m’enchante. Seuls nos gémissements résonnent dans la pièce. 

Quand je relève mon visage de sa poitrine, je capte son regard scrutateur, ses yeux clairs continuent de me perturber, avant ce soir, je n’y avais jamais prêté attention. Déconcerté, je me focalise sur le fauteuil derrière Olivia, un trench beige est posé sur l'accoudoir. 

Je relâche ma prise sur la rousse et fais quelques pas pour m'emparer du vêtement. Une ceinture y est accrochée. Je l’attrape rapidement et reviens sur mes pas, face à ma conquête. Elle ne semble pas comprendre mes gestes. J’enroule doucement le fin tissu autour de son crâne, l’empêchant de m’étudier à nouveau. Un sourire étire mes lèvres. Pour Olivia, c’est un jeu, mais pour moi, c’est juste une manière de reprendre le contrôle.

¹ : La gamine

² : La fille

³ : Son père

⁴ : La blonde

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