Paradoxe

Chaque jour se ressemble. Chaque jour, une voix me murmure la même chose avec une conviction incroyable. Vindicative, elle fait vibrer mon corps des coups issus d'un baroud déloyal. Ma conscience se heurte aux principes du rationnel.

Il est 7h57 et mes yeux sont déjà ouverts, occupés à scruter un plafond terne pourtant si attrayant. Trois minutes, c'est le temps qu'il me reste avant de devoir enclencher le mécanisme. Ces trois minutes durent des heures quand je suis pressé et passent comme un simple clin d'oeil lorsque je veux en profiter. Quel intérêt ? Tu vas te lever comme tout le monde pour marcher parmi eux afin de faire comme eux, poser ton cul sur un fauteuil et oeuvrer pour un monde que tu execres ?

Le doute plane et mon téléphone émet un son bref, annonciateur d'un réveil brutal. Je le coupe avant que celui-ci ne retentisse. Les mains derrière le crâne, je laisse le doute m'envahir pour encore quelques minutes. Quel est l'intérêt ? Je pourrais te le prouver, échaufauder une équation rapide entre le plaisir et son opposé pour te prouver que le compte n'y est pas.

Le velux qui perce mon plafond m'offre un bref répit. Mes prunelles captent un nuage et permettent à mes moi de contempler en paix les cieux sans s'affronter. Tu devrais profiter de ces minutes de rabais pour te rouler une clope. Je sais pertinemment qu'elle me froissera l'estomac et que son goût n'aura rien d'agréable. Je suis addict et je le sais. Pourquoi te refuser un tel plaisir ? Allons plus loin, pourquoi appeler la cigarette de la drogue ? C'est la seule relation dans ta vie qui affiche clairement ses intentions. Elle veut te tuer et elle te le dit, elle est franche la maligne. J'ai l'air d'avoir envie de crever peut-être ?

Plus courte, plus intense, dit-elle en ricanant. Puis, regarde ces décervellés observer leurs téléphones toute la journée.. Regarde les boutiques, les affiches, la musique, le sexe. Tu te drogues toutes les minutes.

Elle n'a jamais totalement tort, cette petite voix. Nous l'appellerons sceptique pour éviter de lourdes répétitions. Je pense pourtant qu'elle souffre d'un complèxe de supériorité démesuré. Sûrement la réaction à ma propre modestie. Si tu es modeste, c'est parce que tu as peur d'effrayer les autres que tu considères plus faibles. Sceptique, sûrement. Tarée, encore plus sûr. Pourquoi serait-ce faux ? Je sais pertinemment que bien des personnes sont plus intelligentes que moi, alors, ferme bien ta gueule.

Qu'est-ce que l'intelligence ? Tu te crois intelligent parce que tu remets ton univers en question ? L'intelligence, ça ne serait pas la capacité à s'adapter ? Peut-être encore le simple fait de résoudre des équations mathématiques indéchiffrables. Tu t'interroges sur des facteurs impossibles à modifier, ou presque. Car même si c'était possible, tu ne ferais que l'écrire sans avoir d'autres motivations que celle de d'accroître la motivation des autres pour changer les choses. Le plus souvent, je ne sais pas quoi lui répondre. Je me contente de faire potasser ses palabres dans ma caboche. Encore une pseudo-modestie. Je ne changerai rien.

Je sursaute soudainement, craignant que mon dialogue intérieur ait duré bien trop longtemps. Car après tout, je ne dois pas être en retard au travail.

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