4- Pommerit-Le-Vicomte

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J'abordai maintenant ma dernière étape plus que quarante kilomètres à faire. Arrivée à Lancieux près de Saint-Brieuc, je vois des gens courir affoler. Je descendis rapidement de ma bicyclette et me trouvai en face d'une petite cabane attenant à une maisonnette. J'entrouvris la porte y glissai rapidement mon vélo. Quatre vaches étaient là qui ruminaient paisiblement. Je regardai par le trou de la serrure. Je voyais les Allemands qui regardaient par les fenêtres cassant les carreaux pour s'emparer des bicyclettes, s'ils en voyaient. Mon sang n'en fit qu'un tour. Pourvu qu'ils n'ouvrent pas la porte de mon étable. J'étais morte de peur. Au bout d'une demi-heure, le calme est revenu. Je sortis de mon antre. La dame de la maison était devant moi, en pleurs. Des Allemands avaient pris sa bicyclette que son fils mort à la guerre lui avait achetée quelque temps auparavant. En effet, je voyais les Allemands fuir, plus chanceux à bicyclette, les autres à pied. Une fois de plus, j'avais sauvé mon moyen de transport.

Je contournai donc Saint-Brieuc, un samedi habituellement jour de marché, noir de monde. Aujourd'hui, pas un chat dans les rues et pour cause ! Je pris la direction de Lanvollon et croisai les doigts pour garder mon bol, pour les quelques kilomètres qui me restaient à parcourir. Je roulai très prudemment et toujours l'oreille aux aguets. Au bout de quelques kilomètres, j'aperçus avec un battement de coeur, le clocher de Pommerit ! Quelle joie !

Subitement surprise, j'aperçois à une centaine de mètres des maisons, avec trois des leurs étendus de tout leurs long sur le capot avec devant eux, leurs fusils prêts à tirer. Ils n'avaient plus qu'à appuyer sur la gâchette. Ils n'allaient tout de même pas me tirer dessus, si prêt du but ! J'accentuais mes coups de pédales et arrivai juste à temps, pour mon vélo dans le Pantexo. (Grand champ derrière chez ma mère ). Je couchai mon vélo dans le champ de blé, et je vis le camion passé devant la maison, continuant son chemin. Ouf, j'étais sauvée encore une fois. Jusqu'au dernier moment. Ils m'auraient effrayé. Ma bonne étoile m'a accompagnée jusqu'au bout.

J'entrai enfin dans la maison, ma mère était à la fenêtre, regardant le camion passer. Elle était tellement surprise e me voir, elle eut du mal à me reconnaître. J'étais tellement bronzée. Puis, ce fut le goûter. Le bavardage et les histoires sans fin. Il était dix-sept heures. Le samedi six août mil neuf cent quarante-quatre. J'avais mis une semaine, pour faire mon chemin. J'étais arrivée saine et sauve, après tant de péripéties. Il faut croire que le destin plaidé en ma faveur. A cet effet, il me revint en mémoire, la fable de Lamartine et dont je me suis toujours souvenu : La vie et le destin,. Elle incite à la méditation :

La mort à des rigueurs à nulle autre pareille

On a beau la prier

La cruelle qu'elle se bouche les oreilles

Et nous laisse crier.

Je n'ai jamais eu d'aussi longues et belles vacances. J'ai un peu honte de l'avouer. Une fois arrivée, je ne pouvais plus repartir. Il n'y avait pas de haine, pas davantage de courriers. Je ne pouvais donc faire savoir au bureau que j'étais de retour. Je décidai de reprendre la route début septembre et de partir de Guingamp. J'espérai d'avoir plus de chances de trouver un transport quelconque sur Paris. En effet, mon idée était bonne, puisque j'ai trouvé un camion Américain allant sur Rennes. Peu de temps après, ils s'arrêtèrent sur le bord de la route, pour déjeuner. Ils m'invitèrent à ce déjeuner improvisé. Ce n'était que des boîtes de conserves bien sûr. J'étais tombée sur des Yankees charmants. Ils m'avaient quand même soulagé de cent trente kilomètres. C'était appréciable. Je suis arrivée à Paris, trois jours après., contente de retrouver mon appartement après toutes ses péripéties.

Le lendemain, je me présentai à mon bureau comme d'habitude. J'ai été accueillie avec des cris de joie ;

⌐ Venez voir une revenante !!!! Madame Joly est là !

Tout le monde m'assailli de questions. J'avais en face de moi, des visages maigris, par des années de privation. Moi qui me présentais avec des hanches bien garnies, les bras potelés, j'en avais presque honte. C'était presque de la provocation.

On avait quand même, tout à fait perdu espoir de me revoir, car on avait mis de côté, ma prime de Libération. Un billet de mille francs et une tablette de chocolat au lait.

Ma bicyclette et moi, nous avions terminé sans encombre, notre périlleuse aventure.

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