Chapitre 8
Ça faisait quelques minutes que Jack suivait cette rivière éternelle. L'eau était claire et scintillante. Tellement claire que l'on pouvait apercevoir le fond. Il n'y avait aucun poisson et selon un panneau que Jack avait vu quelques minutes plus tôt, l'eau était potable. Mais par blocage culturelle, il ne lui serait pas venu à l'idée de goûter cette eau. Sauf s'il mourrait de soif, par instinct de survie.
La rivière était dans une forêt dont les arbres abritaient d'étranges murmures. Jack ne les comprenaient pas et partait du principe qu'il ne s'agissait que d'hallucinations auditives provoquées par le vent. Même si d'un autre côté, il était conscient que l'endroit était tellement spécial qu'il aurait très bien pu s'agir de véritables murmures.
Le jeune paranormal finit par arriver sur une petite clairière dans laquelle se tenait une silhouette féminine contemplant le ciel. Il comprit qu'il s'agissait sûrement de Naturia. Elle lui donnait l'impression de ne pas savoir qu'il était là.
Jack s'en approcha jusqu'à être à environ trois mètres derrière elle. Cette dernière sentit sa présence puis se retourna, dévoilant son visage. Il s'agissait bien de Naturia, la jeune elfe qui avait invité Jack ici, au Pays des Rêves. Elle était petite, environ un mètre trente, un mètre trente-cinq, elle avait la peau blanche, légèrement rosée, des yeux noires, un corps assez mince, vêtue d'une jupe de couleur violette, des bottes de la même couleur, une veste rose sans manches portée sous un châle couleur vert kaki. Elle avait également ce même chapeau rose qu'elle portait lorsqu'elle rendit "visite" à Jack dans cette tente. un chapeau qui rappelait la forme d'une fleur renfermée.
Elle paraissait si jeune. Une quinzaine d'années tout au plus. Ça collait avec ce que Kesselius lui avait raconté il y a quelques heures.
— Vous êtes la fille de mes rêves ! s'exclama Jack qui n'en revenait pas de voir en face de lui celle qu'il croyait avoir vu en rêve.
La jeune elfe le regarda avec étonnement, inclinant légèrement la tête vers la droite.
— Enfin je veux dire... vous êtes celle que j'ai vu dans mon rêve à Dalkia, lorsque vous m'avez demandé de venir vous rejoindre, compléta Jack.
L'elfe sourit. C'était la première fois que quelqu'un la vouvoyait. Au Pays des Rêves tout le monde se tutoyait.
— Tu peux me tutoyer Jack.
— D'accord, c'est juste que je n'ai pas l'habitude avec les gens que je connais à peine.
L'Elfe attendit quelques secondes avant de reprendre.
— Tu es sûr que c'était un rêve ?
— J'étais dans un campement MOCH, répondit Jack. Les commandos MOCH montaient la garde. Ils t'auraient vu et tu n'aurais jamais pu t'introduire dans le campement.
— Exact. Sauf s'ils m'ont laissé entrer...
— Quoi ? s'étonna Jack. Ils t'ont laissé entrer ?
— Oui Jack... Je connais les MOCH. Grant Kodyn est l'un de mes meilleurs amis. C'est pour ça que j'ai pu m'introduire dans le camp ce jour-là. Tu n'as pas rêvé Jack... J'étais bien réelle. Grant savait que j'étais là. Je lui ai demandé de ne rien te dire.
— Mais ?
— Et là tu te poses la question "pourquoi je ne suis pas intervenue lors de la guerre ?", je me trompe ?
"Incroyable !" pensa le jeune paranormal. C'était exactement la question qu'il allait poser.
— Euh... oui, lui répondit-il timidement.
— J'y ai participé. J'ai même sauvé la vie à l'un de tes amis, Zack McNamara. Le pauvre... il a dû croire que la voix qu'il a entendu était l'effet de ce qu'il venait de boire.
— Tu as sauvé la vie de Zack ? demanda le jeune homme surpris de ne pas en avoir entendu parler auparavant.
— Oui. Il venait de quitter le campement établit par le Véerème, peu avant votre départ pour Seed... Il était très affecté par la mort de son meilleur ami.
— Jason..., répondit Jack en regardant le sol.
— Sur son chemin, reprit Naturia, il est tombé sur un commando de l'ombre. Heureusement pour lui, j'étais là.
— Mais pourquoi ne pas avoir combattue avec nous ? je veux dire, aux yeux de tous le monde ?
— Je travaille souvent avec les MOCH. Mais nous avons des méthodes et des buts différents. Eux ce sont des mercenaires, ils ont une formation militaire. Moi c'est différent. Je faisais confiance aux MOCH pour aider Dalkia. Moi je n'étais pas là pour faire la guerre mais pour te retrouver Jack.
L'elfe vit à la tête de Jack qu'il attendait plus de précisions.
— Je savais que le Efdéème était à Dalkia pour te retrouver, compléta Naturia. Je ne voulais pas que tu tombes entre leurs mains. Lorsque j'ai entendu que des prisonniers résistants s'étaient échappés du centre pénitencier de Sqenia, avec parmi-eux deux paranormaux, je savais que tu en faisais parti. Lorsque vous êtes ensuite tombés sur les MOCH, Grant m'a immédiatement appelé pour me dire que tu étais parmi eux.
— Donc il savait que j'avais des dons avant même que Hal ne lui dise...
— Exactement.
— D'où le fait qu'il n'avait pas du tout l'air surpris en apprenant la nouvelle, comprit Jack.
Pour Jack, c'était incroyable. Comment les commandos MOCH pouvaient connaître et être amis avec la gardienne du Pays des Rêves ? Elle n'avait pas du tout l'allure d'une MOCH.
— Comment vous vous êtes connus toi et les MOCH ? Le Pays des Rêves ne semblent pourtant pas du tout être un endroit qui leur ressemble.
— C'est une longue histoire... et nous ne nous sommes pas rencontrés ici. Mais disons qu'un jour, j'ai sauvé toute une escouade MOCH et qu'à présent, pour me remercier, ils protègent ce Pays.
— Ils vous protègent ? Je n'ai pourtant pas croisé un seul MOCH depuis que je suis arrivé.
— C'est normal. Ils ne sont pas au Pays des Rêves mais à la frontière. Aucune force armée n'est acceptée dans ce pays. Aucune arme non plus d'ailleurs. Nous sommes le dernier endroit sur Utopia à ne jamais avoir connu la moindre guerre. Aucune armée n'a jamais foulé notre sol.
Sur le coup, Jack s'en voulait d'être entré au Pays avec une arme. Un pistolet rangé dans l'un de ses deux sacs. Il prit soin de ne rien dire et continua la conversation.
— Et donc... les MOCH viendront vous défendre le cas où, un jour, vous vous ferez envahir, c'est ça ?
— Oui. Mais heureusement pour nous, je ne vois pas qui pourrait avoir l'envie de nous envahir...
"Bah je sais pas moi..." pensa Jack. "Quelqu'un qui découvrirait que tu as été présente à la guerre de Dalkia et qui connaîtrait l'emplacement du pays des Rêves...". Ce qui l'amena à poser une autre question.
— Et qui d'autres connaît l'emplacement du Pays des Rêves ? On m'a dit que l'emplacement était connu par certains pays mais qu'il serait gardé secret.
Naturia était étonnée de voir à quel point Jack s'était renseigné sur l'endroit où il se trouvait. En effet, comme on avait pu lui dire, le pays était connu par quelques autres nations qui ont décidé de garder l'emplacement secret afin de le protéger.
— C'est exact oui. Pacifia nous connait puisqu'il nous entoure. mais il y a aussi l'Empire et le Nord-Véerème, qui nous ont découvert par pur hasard il y a quelques décennies.
— Donc le Véerème et le Efdéème ignorent votre existence ?
— C'est ça. Pour eux nous ne sommes qu'une terre légendaire qui apparaît dans des histoires pour enfants.
— C'est dingue... pourtant, ils ont des satellites et des vaisseaux leur permettant d'explorer le monde dans ses moindres recoins.
— Oui mais ils ne s'intéressent pas à Pacifia. Pour eux Pacifia n'a aucun intérêt. Et comme Pacifia nous entoure, ils ne l'ont donc jamais regardé avec précision au point de nous découvrir.
— Sans doute.
— Mais tu n'es pas là pour parler de pourquoi nous ne sommes pas connus du monde. Tu veux que je t'apprenne à te contrôler et à utiliser tes dons, à te connaître c'est bien ça ?
— J'adorerais, oui. J'avoue que j'ai parfois l'impression d'être un monstre. J'aurais tant voulu être comme les autres. Un garçon ordinaire.
— Tu es "comme les autres"... Parce que dans les "autres" il y a d'autres personnes comme nous.
— Oui enfin tu as compris ce que je voulais dire... j'aurais préféré ne pas avoir ces dons, vivre une vie normale, tu comprends ?
— Avoir des dons ne fait pas forcement de toi un monstre. Tout dépend de ce que tu en fait. Mais on verra ça demain... Tu dois être fatigué et il ne va pas tarder à faire nuit. Tu devrais te reposer.
— Oui... c'est vrai, la journée à été longue.
— Suis moi.
La jeune elfe emmena Jack à l'intérieur d'un étrange bâtiment, accolé à une falaise. De l'extérieur, il ressemblait à une maison féerique telle qu'elles étaient décrites dans les contes. De l'extérieur, elle n'était pas droite, elle formait des courbes. Le toit était couvert de plantes, de fleurs. Il y avait des fenêtres rondes, tout comme la porte.
— C'est là que tu habites ? demanda Jack.
— Oui.
L'intérieur était plutôt simple, même si la déco était à l'image de ce que Jack avait pu voir du Pays des Rêves. Il y avait un mur sur lequel se trouvait une carte, probablement de la région. Cependant, elle était assez insolite. S'il s'agissait d'une carte officielle du Pays des Rêves, son dessin semblait avoir été réalisée par un enfant. Et pourtant, elle était très détaillée.
Dans la pièce, il y avait également une table sur laquelle se trouvait un pot avec une fleur multicolore, la table était entourée de quatre chaises. Un peu plus loin se trouvaient quelques fauteuils et un escalier qui menait à l'étage. Jack n'eut pas l'occasion d'apercevoir une éventuelle cuisine ou autre pièce que l'on avait l'habitude de trouver dans les maisons humaines.
Naturia l'invita à la suivre jusqu'à l'étage où se trouvaient quelques chambres et une salle d'eau. La porte était fermée, mais par le symbole inscrit sur la porte, une goutte d'eau incurvée, Jack supposa qu'il s'agissait d'une salle d'eau.
— Tu peux dormir ici. dit Naturia, c'est ce que vous les humains appelaient une "chambre d'amis".
— Vous n'appelez pas ça comme ça ici ?
— Nous n'avions pas de termes pour désigner ces chambres. Du coup on à repris le vôtre.
Jack se mit à rire.
— Quoi ? qu'est-ce qu'il y a ? demanda Naturia amusée.
— Rien. En tout cas merci... Pour l'accueil. Du coup, on se dit à demain ?
— Oui. N'hésite pas si tu as besoin de quoi que ce soit. La salle d'eau est juste à côté.
— Oui. Merci, répondit Jack avant que la jeune elfe ne le laisse tranquille.
Jack ferma la porte de la chambre et s'allongea sur le lit. Alors qu'il s'attendait à ce que le matelas soit dur, il fut surpris de voir à quel point il était confortable et moelleux. Il ne mit que quelques instants avant de s'endormir profondément.
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