Chapitre 21

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À bord d'une navette MOCH en vol au dessus de Pacifia, en direction de Seed, capitale dalkienne, Utopia, 11 avril 1993, environ 7h00

Jack Lorage était dans une navette MOCH en destination de Dalkia. Comme lui avait dit Naturia, les MOCH avait accepté de le reconduire dans sa patrie d'adoption et comme d'habitude lorsqu'il empruntait un transport aérien, il était angoissé.

Avant de partir, il avait prit soin de prendre avec lui une de ses bouteilles d'eau que distribuaient les militaires à Adrième. Il l'avait mise dans son sac et ce fut en voulant la prendre pour en boire une gorgée qu'il tomba sur quelque chose qu'il avait oublié : un morceau de papier plié en quatre, sur lequel était écrit un numéro de téléphone, ainsi qu'une adresse.

Anata, pensa Jack qui avait complètement oublié cette jeune Komitose rencontrée presque trois ans plutôt dans le TransPacifique. Il se souvint alors de la promesse qu'il lui avait faite, celle de reprendre contact avec elle pour prendre de ses nouvelles. Deux choix s'offraient alors à lui. Le premier était simplement de lui téléphoner. Le second était de lui rendre directement visite, chez elle à Médila. Cette deuxième option nécessitait toutefois qu'ils n'avaient pas déjà dépassé la ville, auquel cas il ne se voyait pas demander aux MOCH de faire demi-tour.

—On est où ? demanda Jack à Grant Kodyn, qui l'accompagnait.

—Toujours au dessus de Pacifia.

Jack attendit quelques secondes avant de se lancer.

—Ça vous dérangerait de me déposer à proximité de Médila ? J'ai quelque chose à faire... Je prendrais le TransPacifique pour regagner Dalkia plus tard. Je voudrais rendre visite à une amie... que je n'ai pas vu depuis plus de deux ans.

—Pas de problème... je comprends, répondit le chef des Commandos MOCH en se levant de son siège pour aller s'adresser aux pilotes. Changement de cap... on va à Médila.

—Bien reçu, répondirent les deux pilotes. Cap sur Médila.

***

10h15

Arrivé à Médila, la navette MOCH atterrit sur la piste d'un aérodrome. Jack et Grant descendirent de l'appareil. À peine descendu de la navette, Jack prit une grosse inspiration tellement il était heureux d'avoir regagné la terre ferme.

—Merci Kodyn, fit-il après s'être retourné vers son ami.

Le MOCH lui fit un signe de la tête avant de remonter à bord de sa navette. Jack commença son chemin et quelques secondes plus tard, la navette redécolla.

C'était la deuxième fois que le jeune homme foulait le sol katalonien. Mais la première fois qu'il se rendait à Médila. Bien sûr il en avait déjà vu des images à la télévision. Notamment lorsque la HotRace passait par-là. Mais il n'y était jamais allé. La première chose qu'il fit, fut de se diriger vers un kiosque à journaux pour lire les Unes. Sans surprise, elles concernaient l'événement d'Adrième. L'une d'entre-elles avait pour titre "Le Front de Libération Pacifique tombe le masque !". En référence au fait qu'il ne s'agissait que d'une organisation factice, dirigée par le Efdéème.

Jack resta quelques secondes figé devant cette Une en repensant à ce qu'il venait de vivre à Adrième quelques heures plus tôt.

—Vous comptez le prendre ? demanda le marchand de journaux, un Komitose d'apparence assez âgé.

—Non ça va aller. J'y viens d'Adrième... J'ai vu ce qu'il s'est passé, lui répondit Jack avant de s'éloigner du kiosque, laissant le marchand bouche bée.

Le jeune Paranormal ressortit de son sac le petit papier sur lequel Anata avait inscrit son numéro de téléphone ainsi que son adresse :

36, rue des émeraudes, Médila

Après avoir demandé à trois reprises son chemin avant de tomber sur une personne qui arriva enfin à lui indiquer où se trouvait la rue qu'il cherchait, il se remit en route. Et heureusement, Anata n'habitait pas très loin de la où il se trouvait actuellement ainsi que de la gare d'où il pourrait reprendre ensuite le TransPacifique en direction de Seed.

Il mit seulement quelques minutes avant d'arriver dans la bonne rue. Après quoi il ne restait plus qu'à chercher le numéro. 24, 26, 28, 30, 32, 34 et... 36. Il y était.

Lorsque Jack s'approcha de la maison, il commença à avoir peur. Il n'avait aucune idée de comment Anata allait le prendre. Il lui avait promis qu'il prendrait de ses nouvelles. Mais ça faisait tout de même plus de deux ans. Et puis, il ne savait même pas si elle habitait toujours cette maison. Il n'était même pas sûr de qui ouvrirait la porte. Il prit son courage à deux mains puis frappa. Après quelques secondes d'attentes, personne ne vint lui ouvrir. Alors qu'il s'était fait à l'idée qu'il n'y avait personne et qu'il s'apprêtait à partir, le bruit d'une clé se fit entendre, celui qu'il y avait lorsque l'on tournait une clé dans la serrure. La porte s'ouvrit.

—Jack ? demanda la personne, une jeune Komitose vêtue d'un jean et d'un t-shirt jaune.

—Anata ?

—Je ne m'attendais pas à te revoir... Tu en as mis du temps.

—Oui je... je suis désolé. Tu es seule ? Enfin je veux dire... Je ne te dérange pas ?

—Non pas du tout. Et oui je suis seule. Mes parents ne sont pas là. Je t'en prie, rentre.

Le jeune homme fut étonné de la sympathie de la Komitose qui se montrait compréhensive malgré qu'il ait mis presque trois ans avant d'aller la voir. Il entra chez elle, ou plutôt chez ses parents. Il s'agissait d'une maison assez simple décorée selon la culture des humanoïdes à la peau bleue qu'étaient les Komitoses. Les objets de décoration étaient assez abstraits et les courbes étaient très présentes.

Mais ce fut un tableau accroché au mur du couloir de l'entrée qui attira particulièrement l'attention du jeune homme. Pour le coup il n'était pas abstrait et il pouvait alors y voir un Komitose tenant dans ses mains une épée de couleur bleue.

—Qu'est-ce que ça représente ? demanda Jack intrigué.

—Ça représente une scène de la mythologie Komitose, lui répondit Anata. Une très vieille légende qui raconte comment un puissant guerrier armé d'une épée magique a réussi à repousser une légion de géants. C'est une reproduction d'un tableau réalisé par un Humain, Geoff Duclerc, un Impérial il me semble, qui s'intéressait à notre Histoire.

Une épée magique, se dit Jack qui repensa à cette "épée de l'Amour" que lui avait montré Naturia au Pays des Rêves. Serait-ce possible que ce soit cette épée qui était représentée sur le tableau ? Si c'était le cas alors ça signifierait que la scène représentée était vraie. Mais Naturia lui avait également parlé d'une autre épée, celle de la Haine.

—Et dans cette légende, reprit Jack. Est-ce qu'il existe d'autres épées magiques ?

Anata regarda Jack d'un air interrogateur et surpris, se demandant pourquoi il semblait aussi fasciné par ce tableau.

—Je ne sais pas, lui répondit-elle. Pourquoi ?

—Nan pour rien, termina Jack. C'est juste que je trouve le tableau très bien fait... et je ne doute pas que l'histoire qu'il illustre doit être passionnante elle aussi.

—Toi tu as l'air d'être intéressé par notre culture... Si tu veux, je pourrais te raconter des tas d'histoires.

—Pourquoi pas. répondit le Paranormal avec sourire.

Anata conduisit Jack jusqu'au salon et l'invita à poser ses deux sac et à s'asseoir sur un fauteuil en cuir noir, puis lui servit un un café au chocolat, comme celui que Jack avait commandé dans le Trans Pacifique presque trois ans plus tôt. Ce qui le fit d'ailleurs sourire.

—Du café au chocolat... Tu t'en est souvenu.

—Ouais... J'avoue que moi aussi maintenant, j'apprécie. C'est pourquoi j'en achète quasi tout le temps.

Ils burent une première gorgée puis Anata reprit.

—Je croyais que tu m'avais oubliée.

—Non, mentit Jack qui l'avait effectivement oubliée ou du moins pendant un certain temps. C'est juste que ces deux dernières années, c'était un peu spécial. Pour faire simple, j'ai suivi une... formation disons. Et là où j'étais, il n'y avait pas de téléphone et l'endroit était carrément déconnecté du reste du monde.

—Ah... je suis désolée. Tu étais où ?

Jack avait anticipé la question. Il ne se voyait pas lui dire qu'il avait été au Pays des Rêves, tout comme il y a deux ans il ne lui avait pas dit qu'il s'y rendait. D'un côté, ça le gênait de devoir lui mentir, mais d'un autre, il savait qu'il le faisait parce que c'était "nécessaire". Il ne voulait pas passer pour un fou dans le cas où elle ne le croirait pas, ou dévoiler l'existence du Pays des Rêves dans le cas où elle le croirait sur parole.

—Pacifia... Au fin fond de Pacifia. Enfin plutôt au centre, dans les montagnes, répondit Jack.

—Je vois. D'habitude, les gens qui y vont, c'est surtout pour la spiritualité. C'est pour ça que tu y a été ? C'était ça ta formation ?

—Euh... non. Non pas vraiment. J'étais plutôt là-bas pour apprendre à aider mon prochain. Tu sais avec la guerre de Dalkia, j'ai vu des gens se faire tuer, j'ai vu des batailles, j'ai même participé à certaines d'entre-elles. Et je me suis dit qu'il serait bon pour moi de développer mon côté solidaire. Me changer les idées après les horreurs que j'ai vues.

Jack n'arrivait pas à croire qu'il réussissait à mentir à l'une de ses amies en lui racontant une histoire aussi farfelue que celle qu'il était en train de lui raconter. Il but une nouvelle gorgée pour faire baisser son stress.

—Et Sylvestria ? La dernière fois qu'on s'était vus tu allais à Sylvestria... Comment c'est là bas ?

—Oh... c'est aussi magnifique qu'on le dit, répondit Jack qui était soulagé que la Komitose ne lui pose plus de questions sur ce qu'il avait fait ces deux dernières années. Même si dans certains quartiers, ça craint parfois.

—Ah oui ?

—Ouais. Le quartier cosmopolite notamment.

—Oui j'imagine. D'ailleurs ça me fait penser. Tu es au courant de ce qu'il s'est passé à Adrième ?

—Ou-oui... J'en ai entendu parler, répondit le Paranormal qui ne voulait surtout pas dire qu'il y était.

—Ça fait bientôt trois ans que le Véerème et le Efdéème se sont déclarés la guerre. Mais jusqu'ici, il n'y avait pas eu le moindre affrontement entre les deux. Mais maintenant que l'on sait que le Front de Libération pacifique était à la solde du Efdéème, les deux pays vont sûrement se faire la guerre. Et j'ai peur qu'elle n'atteigne Katalonia.

—Ouais, je comprends. À chaque fois que les deux se sont fait la guerre, ça ne les a jamais seulement concernés eux.

—Et mon pays n'est pas apte à se défendre contre le Efdéème.

—À vrai dire, très peu de pays le sont. C'est pas pour rien si on considère le Efdéème comme première puissance militaire utopienne juste devant le Véerème lui-même loin devant les autres, dit Jack en prenant une gorgée de son café.

—Je crois que si la guerre arrive ici, je m'engagerai.

Sur ces paroles, Jack avala de travers la gorgée qu'il venait de prendre. Ce que venait de lui dire la jeune Komitose lui rappela ce que lui avait dit il y a à peine quelques heures Bénédicte Caldera : Qu'Olympe, la fille qu'il aimait par dessus tout s'était engagée dans la nouvelle armée dalkienne. Il se mit à tousser à trois reprises avant de répondre :

—Nan... nan, ne fais pas ça.

—Pourquoi ?

—Je ne pourrais pas t'empêcher de le faire si c'est ce que tu veux... Mais j'ai vécu la guerre, avec des amis. Des amis qui font aujourd'hui parti de la nouvelle armée dalkienne. C'est dingue je sais, mais la plupart de mes amis sont... militaires.

Pendant qu'il répondait Jack se rendait compte à quel point ce qu'il disait était vrai. Olympe et son frère étaient militaires après avoir été résistants. Dwayne qu'il avait revu à Adrième, avait lui aussi été résistant avant d'être aujourd'hui dans l'armée dalkienne. Grant Kodyn était le chef de l'organisation paramilitaire la plus connue et la plus redoutable d'Utopia. Même Elena et Naturia qui n'étaient pas à proprement parler des soldats, étaient tout de même liées au monde militaire. Elena parce qu'elle était ingénieure en robotique militaire et Naturia parqu'elle effectuait fréquemment des opérations aux côtés des Commandos MOCH. Seule Anata n'était pas intégrée, de près ou de loin au monde militaire.

—Et tu sais, reprit Jack... Faire la guerre au Efdéème, il faut vraiment être courageux... voire téméraire.

Anata mit quelques secondes à répondre. Le temps de réaliser ce que venait de dire Jack. Il avait raison. Lui, avait vécu la guerre contre le Efdéème. Il savait donc très bien de quoi il parlait.

—Toi qui les a vu à l'oeuvre pendant la guerre de Dalkia. Il sont vraiment aussi puissants qu'on le dit ?

Jack aurait aimé lui dire que "non" pour la rassurer, si toutefois ça aurait pu la rassurer. Mais ça aurait été lui mentir. Une fois de plus. Et ça aurait pu l'encourager à s'engager dans l'armée katalonienne. Cette fois-ci Jack devait lui dire la vérité.

—Oui. L'armée dalkienne s'est retrouvée balayée en quelques jours seulement. On n'était pas assez nombreux. Le Efdéème avait l'avantage numérique et technologique. Mais le Véerème lui, il a les moyens de battre le Efdéème. Et il a quelque chose que le Efdéème n'a pas.

—Quoi ? demanda Anata.

—Des alliés.

Le Véerème pouvait en effet compter sur presque toute la planète. Le Nord-Véerème et l'Empire étant ses plus fidèles alliés, il pouvait également compter sur le soutiens de Dalkia et la plupart des pays elfiques. Dans ce conflit, soit les pays étaient rangés du côté du Véerème, soit ils étaient neutres. Aucun n'était partisan du Efdéème. Et comme le disait Jack, c'était probablement ce qui pouvait faire pencher la balance en faveur du Véerème.

—Tu crois qu'ils ont des alliés suffisamment puissants pour leur donner l'avantage ?

—J'ai vu l'armée Impériale à l'oeuvre à la fin de la guerre de Dalkia... Ils se débrouillent plutôt pas mal. Et l'armée Nord-Véerème... bah disons que... j'ai entendu dire qu'elle avait plutôt bien réagi à Adrième contre le Front de Libération.

—Oui enfin... en tout cas, j'espère que la guerre n'arrivera pas jusqu'ici, insista Anata en terminant sa tasse.

—Oui. Et j'espère qu'elle n'arrivera pas non plus à Dalkia, ajouta Jack en terminant lui aussi sa tasse de café au chocolat. On s'est à peine remis de notre dernière guerre... Il manquerait plus que ça qu'ils reviennent nous emmerder.

Anata esquissa un léger sourire.

—Je suis vraiment heureuse que tu sois revenu. Tu comptes retourner dans les montagnes pacifiennes ?

—Non. Là je retourne à Dalkia voir une amie. Ensuite... Ensuite je ne sais pas, répondit Jack qui une fois encore lançait une réponse limitée par l'envie de ne pas dévoiler la vérité sur ce qu'il faisait et sur ce qu'il allait faire.

—Si tu n'y retournes pas, reprit la Komitose. Tu pourras peut-être me téléphoner plus souvent.

—Oui... pourquoi pas. Tu n'as vraiment pas d'autres amis ?

—Si... bien sûr que si. Mais tu es le seul Humain à en faire parti.

—Ouais... Tout comme tu es la seule Komitose à faire parti des miens.

Jack se leva et endossa son sac à dos et prit le second de sa main droite, pressé par le temps.

—Je suis désolé... Mais je dois y aller. J'ai un train qui m'attend. J'aimerais retourner chez moi le plus vite possible.

—Oui je comprends, lui dit Anata en se levant à son tour pour le raccompagner.

Avant de sortir, Jack repassa devant le tableau. Il y rejeta un rapide coup d'œil avant de sortir de la maison.

—Au revoir Anata. On se reverra, ne t'inquiètes pas. Et cette fois-ci, je te promets que tu n'auras plus à attendre deux ans et demi.

—J'espère bien, fit Anata sur un ton moqueur. Bon retour à Dalkia.

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