Vague à l'âme

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Etait-il possible de lui faire plaisir? Murée dans son silence, les yeux cernés, tristes et hagards, elle fixait un point dans le jardin. Elle avait voulu bousculer ses habitudes pour nous suivre. Le temps des vacances, là où elle voulait être : près de sa petite-fille. Sans doute croyait-elle pouvoir supporter le changement d'air et tous ces légers tracas qui sont occasionnés par la promiscuité et le partage d'un espace commun. Elle avait voulu transformer sa vie d'ermite en une vie sociale animée, mais en avait-elle réellement envie?

Nous en étions là de notre réflexion tandis que le fauteuil roulant glissait souplement sur le dallage trempé de pluie. L'hiver était tombé sur notre tête, se mêlant au blanc de nos cheveux. Le froid glacial envahissait nos membres comme une seconde peau trop ajustée. Un vent de nostalgie nous parcourait le dos à l'évocation des souvenirs d'antan, bons ou mauvais. Ces instants perdus qui avaient façonné ce que nous étions devenus.

Etait-il possible de stopper le processus implacable qui la poussait vers l'issue prévisible de la perte d'autonomie?

Un zeste de mélancolie tomba dans le cocktail amer de la fatalité. Elle nous souriait. Mais, dans combien de temps perdrait-elle jusqu'à l'évocation de nos prénoms ?

Elle luttait contre notre protectionisme et ce combat pour la non-capitulation la rendait farouche et agressive. Elle souhaitait marcher alerte et intrépide, oubliant pour un temps, son corps lourd et douloureux. Ses genoux grinçaient et ses jambes de plomb rendaient sa démarche claudiquante.

Son souffle saccadé rejetait des "et ben" par millier...

Quel était ce sentiment dérangeant d'impuissance qui étreignait mon coeur d'un étau angoissant de culpabilité ? De quoi étais-je coupable dans l'absolu? De vouloir en prendre soin envers et contre tous, de me perdre dans cette quête au risque de mettre en péril ma relation de couple et mon entourage familial?

Avais-je seulement le droit moral de la laisser sombrer dans la pénombre, au seuil des jours déclinants de sa vieillesse ? N'avait-elle pas pris soin de moi, enfant, alors que j'étais moi aussi, vulnérable?

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