Le vernissage

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L’archère se laissa tomber dans le canapé convertible refermé. Elle aspirait à se retrouver seule un moment et faire une sieste.

— Vos robes sont arrivées, indiqua Zemu en traînant un portique dans la pièce.

Cherchant désespérément un moyen d’être tranquille cinq minutes, Marxia prétexta une envie pressante, ce qui n’étonna nullement le yéti.

La porte battante des WC se referma sur elle, mais son désir de solitude ne fut pas exaucé. Un homme se tenait devant un des lavabos. Marxia lui jeta un coup d'œil en se plaçant à une vasque voisine. L’individu s’activait, semblant avoir été pris sur le fait. La demi-elfe s’aspergea le visage d’eau, enlevant par la même occasion le surplus de maquillage de la séance photo. L’homme ne tarda pas à partir, laissant tomber un objet dans sa précipitation. L’archère se baissa pour le ramasser et se trouva bien étonnée. Elle retourna rapidement dans la salle de repos, sur la porte de laquelle une feuille imprimée indiquait maintenant “ loge des artistes ”.

Poise était de retour et venait d’enfiler la tenue envoyée par Félicia, la styliste rencontrée à Eros sur Charme. La fée avait travaillé en un temps record, créant des vêtements qui collaient mieux à leurs personnalités. L’elfe noire portait une combinaison longue aussi foncée que ses cheveux. L’extrémité des manches se terminaient par des détails de dentelle de la même couleur. D’élégantes petites chaussures vernies complétaient la tenue. Elle s’inspecta dans le miroir sur pied mit à leur disposition.

— Waouw, c’est vachement mieux que la dernière fois.

Pour la première fois du voyage, elle paraissait satisfaite des habits qu’on l’obligeait à porter pour un événement.

— Ça te va très bien, releva Marxia, triturant toujours l’objet trouvé sur le sol des toilettes.

Les yeux de sa binôme tombèrent dessus.

— C’est un nez ? demanda-t-elle, surprise.

Marxia le lui montra. Il s’agissait bien là d’un appendice nasal, parfaitement reproduit jusqu’aux poils dans les narines.

— Mais qui pourrait porter un faux nez ? questionna l’archère. Encore une perruque, si tu as trois poils sur le caillou, je comprends, mais celui-là n’est pas hyper esthétique en plus.

Poise lui prit le fac-similé des mains et réfléchit.

— Il y a deux solutions : soit quelqu’un ne veut pas être reconnu, soit une personne a vraiment un énorme complexe avec son pif.

— Ou quelqu’un a volé l’identité d’un autre, proposa Marxia.

L’elfe noire fronça les sourcils, inquiète.

— Il faut qu’on prévienne Zemu. Ce n’est peut-être rien, mais il vaut mieux rester prudent.

La demi-elfe sortit rapidement sa propre tenue de sa housse. Si le yéti la trouvait non-habillée, il risquait de se mettre en rogne et de ne pas vouloir l’écouter. Respecter son emploi du temps millimétré passait avant tout le reste.

Elle enfila rapidement sa robe de laine couleur sable, tissée de fil d’or, ses collants et les longues bottes marrons qui épousaient parfaitement la forme de ses mollets.

— Ce que tu es classe, fit remarquer Poise.

Sa binôme lui sourit et elles sortirent de la pièce à la recherche de leur chapperon.

Arrivées dans la pièce de réception, elles se rendirent compte que la tâche n’allait pas se révéler aisée. Les invités se poussaient du coude en les désignant. Beaucoup cherchaient à leur parler ou à les prendre en photo. Les aventurières continuèrent à sourire poliment, tentant de ne pas freiner la cadence.

— On ne va jamais y arriver, grinça Poise en voyant une élue locale les apostropher de loin. Où est Zemu ?

Des yétis en costume, il y en avait des dizaines, mais pas trace de celui qu’elles cherchaient.

— Il doit être avec Donny, indiqua Marxia une fois qu’elles furent débarrassées de la politicienne.

Dans la marée des convives, elle repéra soudain l’homme des toilettes.

— C’est lui, souffla-t-elle à Poise. Regarde, il vient de piquer le bracelet de la femme au tailleur corail.

D’un geste habile, le voleur fit disparaître le bijou dans sa manche.

— Heureusement que tu as des yeux d’elfes, en plus de parler aux chats. Il faut trouver quelqu’un du service d’ordre.

Poise allait jouer des coudes pour se rendre à l’entrée du bâtiment quand on la retint par le poignet. Surprise, elle dévisagea le vieil homme qui l’immobilisait.

— Lâchez-moi, s’énerva-t-elle, je vous signerai un autographe plus tard.

Une femme aux cheveux rose vif s’interposa pour lui bloquer le passage.

— C’est nous, chuchota-t-elle, Damaris et Mirena, de la Brigade d’Intervention Spécialité Espionnage.

Les filles écarquillèrent les yeux.

— Vous pistez le gars au faux nez ? demanda tout bas Marxia.

Mirena se tordit le cou pour s’assurer que l’individu était toujours visible.

— C’est la Musaraigne, on ne peut pas l’arrêter tant qu’on ne sait pas où sont ses complices.

Chiotte alors, pensa Marxia. Ils vont gâcher la découverte de la statue de Donny.

— Qu’est-ce qu’on peut faire pour vous aider ? s’enquit-elle, gonflée d’adrénaline.

Damaris fit mine de les faire poser pour camoufler leurs discussions. Elle appuya sur le déclencheur de l’appareil photo à plusieurs reprises.

La fausse journaliste prétexta de leur montrer le résultat pour leur souffler :

— Gardez les yeux ouverts, ils ne peuvent pas s’empêcher de dérober tout ce qui leur tombe sous la main.

Poise lui demanda de zoomer sur la photographie.

— C’est bien ce que je pensais, ce type là vole un portefeuille.

Le cliché saisissait parfaitement le moment où un homme au costume bleu marine s'emparait discrètement de l’étui en cuir d’un notable. Damaris chercha l’homme des yeux à travers la foule. Le gaillard regardait régulièrement dans la direction des vigiles de l’entrée. Elle évita de croiser son regard.

— Ce doit être Aymar Lefuyard, chuchota-t-elle. Attention, s’il nous repère, on ne le retrouvera plus. En cas de besoin, j’ai un pistolet avec filet électrique dans ma sacoche.

Mirena transmis l’information dans le micro qu’elle portait en guise de pince à cravate.

— Les collègues vont surveiller les sorties du bâtiment. Éloignez-vous, ça va finir par être suspect, ordonna-t-elle aux aventurières.

Le temps filait et la présentation de la statue approchait inexorablement. Masquant leur anxiété, le duo continua de déambuler dans le hall de réception, badinant avec le tout venant.

— Ce gars là avait un toupet mais c’est pour masquer sa calvitie, précisa Marxia à Poise en s’éloignant d’un vieux gobelin.

André Busard va être le plus difficile à démasquer, je ne suis même pas sûre qu’il soit là, pensa l’elfe noire, les paumes moites.

La foule se mit en mouvement quand Migö Lhirsute monta sur l’estrade et tapota le micro. Il entama son discours sous les flashs et les micros qui se tendaient vers lui. Des régisseurs poussèrent la statue dans la pièce pour l’installer sur son piédestal. Le moment de la révélation avait sonné.

C’est là que tout va se jouer, songea Marxia, le cœur battant.

Donny fut appelé au micro pour présenter son œuvre, qui patientait encore sous son drap.

Mirena et Damaris s’approchèrent des filles pour leur annoncer qu’elles faisaient chou blanc.

Un troisième régisseur sortit de la porte de service, une perceuse à la main. Tous les regards restaient fixés sur le discours de Donny Lagouache. L’homme sembla passer totalement inaperçu, sauf pour Marxia, toujours aux aguets.

Pas de perruque, je pense que c’est son vrai nez, une combinaison de travail standard, des chaussures de service… lista-t-elle mentalement.

Ce dernier détail piqua son intérêt.

— Poise, souffla-t-elle précipitamment à sa binôme. Ce type a des santiags ! Comme le gars de la montagne.

Le faux régisseur approchait de son but, il accéléra le pas. André Busard activa la perceuse qu’il tenait fermement, prêt à pulvériser l’odieuse création qui avait ruiné sa réputation.

Sans attirer l’attention, Marxia plongea sa main dans la sacoche de Damaris.

— PLUS UN GESTE ! hurla Poise alors que son amie tirait.

Le filet électrique stoppa net le bandit. La mèche de l’outil s’arrêta à quelques centimètres du drap. Tressautant tel un saumon hors de l’eau, Busard poussa un cri d’outre tombe. La foule se mit à paniquer mais les agents de la milice restèrent calmes : ils restaient deux individus à neutraliser. Chacune repéra sa cible. Elles se frayèrent souplement un chemin parmi les invités et plaquèrent les malfrats au sol. La Musaraigne ne mit pas longtemps à arrêter de se débattre mais Aymar Lefuyard n’avait pas dit son dernier mot. Mirena se trouva attaché avec ses propres menottes alors qu’il filait vers la sortie.

— Là ! Là ! cria Poise en le pointant du doigt.

Marxia fit mouche une deuxième fois. Le voleur s’effondra à son tour, criant par intermittence sous les décharges électriques.

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