16/2 : Les délices orgiaques de la solitude

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Sébastien, assis sur la chaise roulante, allonge ses heures. Derrière sa fenêtre de l'hospice, il tente de trouver le chemin d'une évasion improbable. Immobile.

Après Tine, il y eut vous et puis toi et d'autres vous. De vos corps, j'en voulais encore et encore. J'aimais ce qui était beau, purement beau, ce qui était bon, excessivement bon. Mais alors ? D'où me vient ce détachement soudain ? Ma présence ici-bas n'eut-elle d'autres fonctions que celle d'user, d'abuser de cet habitacle composé de chair, sang et os, viscères et nerfs ? N'étais-je donc rien d' autre que l'esclave d'un maître exigeant ? Et si sous mon crâne, dur au toucher mou en dessous, se dissimulait la vraie signification de mon existence, quelque peu dévergondée jusqu'à présent, je te le concède Tine ?

Ma vie fut un foisonnement d'événements transitoires, passant par notre promesse abrégée, suivi d'un bouillonnement de modifications souvent improbables, parfois routinières. L'impermanence me ballottait entre les fougues enfantines, l'insouciante adolescente et les résolutions prises à l'âge de raison. J'expérimentais le tout en large, en travers, sans dessus ni dessous. La souffrance m'est apparue lorsque je refusais échecs, mensonges, tristesses. J'avais beau nier l'évidence, la réalité me débordait.

De ce corps mort, je veux m'en débarrasser. J'abandonne volontiers les plaisirs des sens. La jouissance des uns et des autres aurait-elle masqué celle de la pensée profonde ? Éprouverai-je un jour un réel bonheur à penser ? Cette fonction est-elle accessible aux manuels comme moi ?

« C'est l'heure de votre potion, Sébastien »

Se pointe à présent, une porte. Une drôle de porte. Ouverte. Grande ouverte sur l'inconnu. Serait-elle le symbole du cap à franchir ? Je veux le croire. Pour y parvenir, je dois m'extraire, m'extirper de cet amas visqueux, glutineux, graisseux et tout ce qu'on veut. Un travail subliminal qui me demande une concentration totale, une disponibilité calme, silencieuse.

Repos.

Je viens te rejoindre Tine.

Tout s'est-il vraiment passé comme ça pour Sébastien et Tine ?

Fin

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