34/2 : Glawdys.
« Tais-toi !» Crie-t-elle à la chienne qui aboie à la mort. Rageusement Ginette referme la fenêtre, s'adresse à son époux vaseux.
« Qu’elle est pénible, demain tu l’attaches dans la bergerie. Fais-le pour ta fille. Elle se plaint toujours d’être réveillée en pleine nuit. »
À peine recouchée, la lumière éteinte, Lili hurle à nouveau. C’est Pierre le cadet, qui se réveille pour lui ouvrir la porte.
« Et bien Lili, qu’est-ce qu’il y a ? Tu as vu un rat ? Allez rentre vite, dépêche-toi »
Il va faire pipi dans la neige. La chienne le bouscule :
« Pousse-toi ! J’ai pas envie de jouer. Allez viens, on rentre.»
En passant dans la lumière de l’ampoule extérieure, il s’aperçut qu’elle traînait l’écharpe de Glawdys dans la gueule.
« Arrête ! Ça va pas non ! »
Il pousse la chienne dans le local à chaussures et lui intime l’ordre de se taire à nouveau. Mais rien n’y fait ; elle tourne en tout sens, gratte la porte, saute sur les bottes. Dans la chambre des parents, Pierre s'engouffre avec son frère Marc-Antoine inquiet lui aussi :
« Papa, descends ! Il doit y avoir quelque chose ou quelqu’un.
— Allez réveille-toi va voir ce qui se passe » renforce Ginette qui enfile sa robe de nuit.
— Pff, fait chier cette chienne. »
Ginette revient affolée :
« Où est passée Glawdys ? Elle n'est pas dans sa chambre et son lit n’est pas défait ?
— Lignac avait son écharpe dans la gueule » lance Pierre.
L’inquiétude s’empare de toute la maisonnée.
Glawdys est coincée dans la glace. La nuit passe, les secours des proches sont mis en place.
La chienne aboie, tire vive la caravane des endormis, trace le chemin vers le lac gelé. Tous trouvent en somme, la fille, en fâcheuse posture. Le plus léger d'entre eux, accroche bien serré son pull de laine passant sous les bras de la prisonnière. Impossible de monter la chercher quoique....
« Essayons. Il n'est pas l'heure de la réflexion » » dit le père, jugeant bien, jugeant vite, l'épaisseur de la glace, scrutant les sauveteurs. Et des hisse et des ho, ainsi glisse hors de l'eau la patineuse congelée, étourdie. Au sortir du trou un grand floc résonne dans la nuit comme le bouchon d'une bouteille difficile à dégager du goulot. De pleurs en rire, les mains prennent vite le corps engourdi. C'est le même sang qui circule dans les veines de ces ombres pressées. Un tiède halo chaleureux poursuivant en retard le groupe réuni, chien devant, nuit à la traîne entre eux tous grandissait l'unique certitude du temps présent.
« Tête sous l'aile, ange déchu, ainsi courbé qu'attends-tu ?
— J'espérais ton passage près de moi plus longtemps Ce ne fut pas pour cette fois. Je reste avec ceux qui me portent Je m'enivre de leur silence vivant. Je me rapproche des mains qui me touchent. »
Le thermomètre indique vingt-huit degrés. Ginette rapide :
« Bois l'eau sucrée ma fille. Déshabillons-la. Couche-toi, ta peau contre ma peau.. Activez la marmite... Je veux d'autres bouillottes dans les draps, vite ! »
Retour du foetus, en son ventre brûlant, les jambes de la mère l'enserrent sans cesser de frotter les siennes, des mollets au pieds, des fesses aux cuisses. Contre son dos des mains s'activent. Une cinquième couverture de laine plus tard, sous les draps bordés, les briques diffusent régulières une agréable chaleur. L'égarée dort contre le sein de sa mère. Comme si de rien n'était, la nuit reprend vite sa place sans les bruits. Le calme revenu, pèse, apaise les êtres.
« Mains au dehors, visage en berne, ainsi figée qu'espères-tu ?
— Je t'imaginai à mes côtés, glissant tous deux sur le miroir neigeux. Je m'imaginai retrouver le plaisir de ton escorte. Il m'appartient de te prévenir tout de suite : je jouis de ma renaissance. »
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