Souvenir # ?% ~ ???

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Nous étions en train de jouer à des jeux de société dans la grande salle de loisirs quand cela arriva. Ce fut terrible, le pire sentiment et le pire souvenir de mon existence.

D’un seul coup, toutes les lumières du sous-terrain s’éteignirent, des cris se mirent à résonner de partout. Je ne compris pas tout de suite ce qu’il venait de se passer, j’étais bien trop paniqué et angoissé par mon environnement pour regarder au dedans.

Quand la vérité me frappa enfin, ce fut au centuple. Je contemplai alors mes mains vides, et les larmes refusèrent de couler.

J’avais mal, si mal, et pourtant je ne pleurai pas.

Je sentis l’énergie me quitter. Thœ et Kwo… Leur présence… Elle avait disparu.

Plusieurs jours après, les lumières furent rallumées et la vie nous revint. Enfin, elle leur revint. Moi, je restai là, allongé sur le sol froid et humide.

– Wèthwo… me murmura Thœji, agenouillé près de moi. Ça va ?

–…

Je regardai mes mains.

– Non, ça ne va pas, répondis-je après inspection.

– Oh, je suis désolé, pleurnicha-t-iel en me lovant dans ses bras.

Dzaè se joignit à nous bien qu’iel ne fut jamais vraiment tactile. Il sembla qu’iel pleurait.

Alors pourquoi pas moi ?

Les jours qui suivirent furent étranges. De vieilles insécurités me revinrent sans raison. Je me mis à ruminer des questions existentielles. Je tournai en rond entre les thermes, la salle de loisirs et mes appartements. Je ne parvins pas à me poser pour faire quoi que ce soit, comme si mon cœur risquait de s’arrêter si je le faisais.

Autour de moi, le chaos régnait également. Les insurgés ne semblaient pas pouvoir retrouver la paix. Iels étaient devenus paranoïaques et complotistes. Leur haine des conseillers, déjà très proéminente, ne fit que croître. Certains voulurent quitter la base pour aller les retrouver, d’autres s’enfermèrent dans leurs quartiers… Des groupes de parole s’organisèrent durant lesquels iels exprimèrent leur peine, mais émirent également des hypothèses quant à la disparition de nos parents, à l’absence plus que longue de nos adelphes, à la « véritable motivation de Thoujou », s’iel en eut une…

Depuis le départ de certains d’entre nous pour cette folle entreprise, nous n’étions plus vraiment les mêmes. À présent, l’on pouvait sentir le doute chez à peu près tous. Le doute du chemin à suivre et le malaise d’être laissés de côté – aussi bien en tant que non participants à la révolution, qu’en tant qu’insurgés, de manière générale.

En effet, quel sentiment plus naturel pour nous que de ne nous sentir chez nous nulle part ? Bien que la base soit notre nouvelle demeure, nous nous doutions qu’elle fut temporaire et, pourtant, essayions de nous y adapter, de nous y sentir bien, de recréer un simulacre de « comme avant ». Mais le « comme avant » était un sentiment si personnel, si changeant et si… idyllique, que nous n’étions pas parvenus à le produire parfaitement.

C’était à cela que servaient toutes ces lumières chatoyantes, ces étoffes, cette musique : tant à faire taire nos rancœurs et nos peurs qu’à tenter d’appartenir. Nous nous occupions à diverses choses pour oublier et simuler un semblant de vie. Dans l’ensemble, c’était plutôt réussi. Mais, cependant… il y en avait qui n’étaient plus des nôtres. Il y avait une gangrène silencieuse dans cet édifice de pierre souterrain et, en ces sombres heures, elle commença à discrètement ronger mon esprit.

Je ne m’en rendis pas compte. Je me mis à y penser régulièrement à mon insu. J’avais l’impression de faire et d’être comme d’ordinaire. Même si j’étais bien plus silencieux, je n’y trouvais pas d’incohérence. Après tout, n’étais-je pas le discret du groupe ?

Cependant, à mesure que j’avançais dans la base, mes pas semblèrent plus lourds.

« Et si ma venue ici n’avait que pour objectif de me condamner ? Ici ou là-bas, je n’ai jamais compris le but de mon existence. Le comprendrai-je un jour ? Et, si non, que deviendrai-je ? »

À mesure que je perdais la notion du temps, je commençai à me sentir frigorifié.

« Mon corps ne m’a jamais paru confortable et je n’ai jamais fait preuve de grandes capacités intellectuelles. Ô, Thœ et Kwo, pourquoi m’avez-vous fait ainsi ? »

À mesure que je repensais à mes parents, le vide dans mon cœur se creusa.

« Pourquoi m’avez-vous abandonné… ? J’ai peur. Je ne sais pas ce que je vais faire ! »

À mesure que les voix autour de moi se faisaient plus sourdes… je ne contemplai plus que le silence…

Mon esprit lui-même devint silencieux, et mon horizon s’éteignit.

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