Scène I
Une dizaine de spectateurs discutent devant une scène improvisée au fond d’un bistrot. Sur la droite, derrière un comptoir, un barman, devant, sur des tabourets, 2 femmes et un homme boivent un verre.
Venant d’un vieux juke-box, on entend en sourdine la chanson de Manfred Mann :
Ha! Ha! said the clown (Ha! Ha! A dit le clown)
Is it bringing you down, (Est-ce que ça te déprime)
That you've lost your chance (D’avoir loupé ta chance)
Au centre, sur l’estrade, une actrice est assise sur une chaise. À ses côtés, un acteur debout tapote le micro.
L’acteur dit - Un peu de silence je vous prie, le spectacle va commencer.
À gauche, les spectateurs continuent leur conversation. Sans se préoccuper du brouhaha, l’acteur commence à jouer, et peu à peu, le silence se fait :
L’acteur -Il était une fois, dans un pays lointain, trèèès lointain, il y a longtemps, trèèès longtemps…
L’actrice - En fait, non, c’était une autre fois, dans le champ du voisin et la semaine dernière.
L’acteur - Admettons, en tout cas il y avait une fille superbe, avec tout ce qu’il faut où il faut et même mieux que ça, genre ***** (En aparté, je préfère ne pas donner de nom pour ne pas rendre les autres jalouses, mais je suis sûr qu’elle se reconnaîtra).
L’actrice – Je me le demande ?
L’acteur - Bref, Marion se promenait dans le champ avec ses gros sabots…
L’actrice -Non, elle portait des escarpins dorés.
L’acteur - Je reprends, Aurore se baladait à travers champs en mini tailleur rose fuchsia, avec rien dessous, comme d’habitude…
L’actrice - Mais non ! Elle ne va pas se balader le cul à l’air, en tailleur, avec des escarpins dans un champ, ça devait être un autre jour !
L’acteur - Bon sang ! Mais c’est bien sûr ! Quel nul cet auteur ! Donc Suzanne qui fumait comme un pompier en soufflant la fumée par les naseaux, suivait la voie ferrée qui longeait le champ du voisin…
Un spectateur l’interrompant – Murmures indistincts !
L’acteur - Pardon ? Ah oui, les boissons sont à commander au comptoir… et à payer bien entendu.
Reprenons, Nora, survolée par une escadrille de chauves-souris tentait désespérément de sortir de ce sang…
Un autre spectateur - Qu’est-ce que c’est que cette histoire de sang ?
L’acteur - Comment ? Mais non le sang ça ne veut rien dire j’ai bien dit CE CHAMP ! Poursuivons, Agapé déguisée en fleur, une rose, allez savoir pourquoi, tentait d’attirer les papillons afin de compléter sa collection, mais ah ! ah ! ah ! lorsqu’il n’était que chenille, le papillon se méfiait déjà et lui dit « tu te passeras d’Anthocharis Cardamines vilaine chasseresse…
L’actrice - Attends, elle ne peut pas être vilaine, tu as bien dit au début une fille superbe !
L’acteur - Donc, une superbe fille, quoique pas très grande, Mignonne Pastèque, qui passait par là s’approcha des farfadets…
Une spectatrice – Ils sortent d’où ceux-là ?
L’acteur - Pardon ? Comment ils sont arrivés là ? Mais je sais pas moi, ils ont pris un taxi ou le métro, c’est pas important, ils sont là c’est tout. Bon, ne perdons pas le fil, Laeti croise donc les sept farfadets sur sa route, un fantasme est en train de se réaliser, sept lutins, ce sont sept paires de mains qui se baladent sur tout son corps. Elle qui voyait des nains partout, elle va pouvoir les…
L’actrice - Attendez, ce n’est pas le texte ça, on n’est pas dans une mascarade olé, olé ! C’est du sérieux, du costaud, du tatoué.
Bronca des spectateurs qui voulaient connaître la suite…
L’acteur - Allez, on reprend, Tara avec son joli chapeau de paille tressée sortait du champ…
L’actrice - Mais non, si elle sort du champ on ne la voit plus…
L’acteur - Reviens Tara ? Hé Tara … Trop tard, elle ne reviendra plus, elle est partie…
Une spectatrice – Hel est toujours ici.
L’acteur - Quoi ? Elle est encore ici ? Qui êtes-vous ?
La spectatrice - Je suis Hel !
L’acteur - Elle ? C’te bonne blague !
La spectatrice - Je suis Hel ! H.E.L.
L’acteur - Hein ? C’est votre nom H.E.L., elle est bien bonne…
La spectatrice - Je ne vous permets pas…
L’acteur - Mais non ! J’ai pas fait d’allusion déplacée !
La spectatrice - Alors excusez-vous !
L’acteur - OK, je retire…
La spectatrice - C’est trop facile !
L’acteur - Comment ? Évidemment, je m’excuse, je retire ce que j’ai dit, vous n’êtes pas bonne ! Oh ! et puis ça suffit maintenant, j’ai un texte à jouer, laissez-moi déclamer en paix. Où en étais-je donc, ah oui, Claire est montée dans le train, elle descend à la prochaine, mais Guignol a peur que le gendarme y soit et lui propose de l’accompagner pour ne pas se faire remarquer, il ne sait pas que Salynes va lui administrer une correction pour avoir joué avec "l’ortografe"…
Un spectateur - Et d’où sort ce guignol ?
L’actrice - Il ne sort pas, il était dans le train !
L’acteur - Oui ! Suivez enfin ! Prenez le train en marche si vous voulez, mais arrêtez de m’interrompre à tout bout de champ…
Une spectatrice – Ah ! On y revient !
L’acteur - Comment ça, on y revient ?
La spectatrice - Dans le champ !
L’acteur - Mais pas du tout ! C’est une expression, c’est tout. Alors Evangéline prend Guignol par la main après qu’il a reçu sa correction et le fait passer devant le gendarme qui discute avec Gnafron et Madelon…
Un spectateur - Qui c’est encore ceux-là ?
L’actrice - Vous ne connaissez pas le théâtre de guignol ?
L’acteur - Laissez tomber ! On vous racontera plus tard, pour l’instant Aude traînant sa valise se dirige vers la sortie et nous aussi.
Les acteurs quittent la scène et vont s’installer sur les tabourets laissés libres devant le comptoir.
Applaudissements !
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