Ce jour-là, madame Germaine est arrivée, le chignon en déshérence et les gestes nerveux.

" J'ai une idée !"

Cela provoqua un lever d'yeux général et une collection de sourires contraints.

" Certainement, madame."

Mais madame avait des idées et lorsque madame avait des idées, il fallait les appliquer.

" Mes filles, vous allez écrire de la poésie pour nos invités."

Quelques toux saluèrent discrètement cette nouvelle lubie de notre hôtesse.

" De la poésie, madame ? fit une voix, plus hardie que les autres. Est-ce bien raisonnable ? Nos clients ne sont pas précisément là pour écouter de la poésie mais pour se faire sucer la...

- Gabrielle ! Vous avez raison de vous faire remarquer ! Vous allez nous écrire des haïkus !

- Des quoi ?

- Des haïkus ! Et attention ! J'en veux un par jour !

- Mais, madame ! Avec mes clients et mes soins capillaires, je n'ai pas de temps à perdre avec vos co...lub...idées si brillantes soient-elles.

- On dira donc un an de haïkus pour Gabrielle qui fait de l'esprit !"

Quelqu'un eut l'audace de pouffer et madame Germaine la fusilla du regard.

" Et ce sera des sonnets pour Corine. D'autres volontaires ?"

Et ce fut ainsi que Gabrielle du Plessis, de la rue Ménilmontant, se retrouva la plume à la main...