La salle d'opéra était plongée dans l'obscurité. Sur la scène, Don Quichotte chantait sa sérénade à Dulcinée.

Quand apparaissent les étoiles, fredonnait-il, et tout le public vibrait aux accents tragiques de la voix du vieux chevalier fatigué de courir après les moulins.

Une tenture se leva et deux mains vinrent se poser sur des épaules masculines. Une bouffée de parfum perturba à peine le spectateur.

" Chut !, murmura l'homme. Chialapine mérite qu'on l'écoute."

Un rire discret résonna et une bouche vint se glisser tout près d'une oreille.

" On va rester discrets dans ce cas.

- Gabrielle..., soupira-t-on.

- Vous m'avez manqué, mon prince."

L'homme sourit, amusé, et tendit la main pour désigner un fauteuil à ses côtés.

" Je n'en doute pas. Les chocolats ont été appréciés ?

- Merveilleux."

Gabrielle du Plessis s'assit et de toute sa grâce féline se lova sur le fauteuil de velours rouge. Un doigt vint gentiment caresser la main de son compagnon.

" Vous m'avez manqué, répéta la cocotte.

- Gabrielle ! Ne me mentez pas.

- Mais je ne mens pas !"

Le doigt remonta sur la main et glissa doucement sous la manche du prince Sernine.

" Vous vous faites rare, votre Altesse.

- De quoi avez-vous donc besoin pour venir me chercher ici-même ?

- De l'amour ?

- Gabrielle, Gabrielle, Gabrielle..."

Le prince Sernine rit et sa main caressa tendrement la joue de Gabrielle.

" Sérieusement ?

- Vous pouvez m'écrire un haïku ? J'en ai besoin."

Sernine sourit et la main descendit plus bas, touchant le bord du décolleté de la cocotte.

" Qu'avez-vous fait de mon recueil ?

- J'ai été grillée."

Le prince Sernine rit encore et se laissa tomber dans son fauteuil.

" Ma pauvre Gabrielle... Je vais vous aider."

Gabrielle saisit la main et la porta à ses lèvres pour l'embrasser. Elle en profita pour mordiller le bout de l'index.

" Mon doux prince...

- A une seule condition ?

- Dites-moi...

- Restez avec moi pour la fin de ce magnifique opéra.

- Tout pour vous, mon ami."