10 février - 12 heures
Le Savoy était comble et Gabrielle du Plessis souriait, très femme du monde. A son bras se tenait un industriel célèbre et enjôleur.
" Arsène m'a prié de te parler. Il est mortifié et te fait mille excuses.
- Ses cognes m'ont arrêtée en pleine nuit et m'ont gardée des heures dans leurs bureaux glacés. A la question qu'ils m'ont soumise. Frappée et humiliée que j'étais."
André Laroche se mit à rire et embrassa délicatement la main de la cocotte.
" Tu n'exagères pas un peu, ma chérie ? Arsène t'a laissée parce que le devoir l'appelait et il ignorait que les voisins avaient appelé la raille. S'il l'avait su, crois-moi qu'on en parlerait encore."
Gabrielle se laissa attendrir et accepta le baiser sur sa bouche. Les clients du restaurant contemplaient le couple avec effarement.
Laroche commanda du champagne, il s'amusait de la colère de la femme.
" Humiliée, gardée devant des regards hostiles, bafouée que j'étais.
- On t'a frappée et humiliée, Gabrielle ? Vraiment ?, interrogea sérieusement Laroche. Si c'est le cas, il faut le dire à Arsène, il va virer des incompétents. Crois-moi !
- Bon... Frapper est peut-être un mot trop dur... On m'a interrogée gentiment.
- Voilà. Arsène Lenormand est désolé, mon chou. Pardonne-lui !
- On m'a donné un café aussi.
- Voilà. Tu vois ? Tu veux un Rossini ? Avec un dessert ?"
Gabrielle acquiesça.
" Une crème brûlée dans ce cas. J'adore ce dessert.
- J'en prends bonne note. Donc Arsène est pardonné ?
- S'il me fait un nouvel haïku. Peut-être.
- Bon. Considère que c'est fait et oublions cette affaire."
André Laroche, sûr de lui et de son autorité, compulsait ostensiblement le menu.
Gabrielle le regardait en fronçant les sourcils.
Elle trouva la faille.
Souriante, elle s'exclama :
" Il n'y a que l'officier de police qui m'a déshabillée devant toute la brigade qui reste impuni dans ce cas."
Le menu tomba sur la table et renversa la flûte de champagne.
" QUOI ?"
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