La musique était agréable. Sur scène, un jeune chanteur se faisait applaudir. Il débutait aux Folies Bergères et s'appelait Maurice Chevalier.

" Il est bien, mon Mo-mo, non ?, demanda fièrement Mistinguett.

- Impressionnant, approuva Gabrielle. Tu l'as bien choisi.

- Je choisis TOUJOURS bien mes hommes.

- C'est une bonne hygiène de vie.

- Il faut choisir, ma Gaby. Pas collectionner.

- Ha ? J'aime beaucoup papillonner, moi.

- Hey, I'm here. I can hear you !, lança une voix fâchée. I'm not a stamp !

- Non, mon tout-beau. Toi, tu es un trophée !

- Gabrielle. You..."

Jim Barnett ne put finir sa phrase, il se faisait embrasser langoureusement par une cocotte séductrice à souhait. Costume d'homme et fume-cigarette, Gabrielle du Plessis jouait les demi mondaines de luxe. Jim se tut, dompté.

" Et encore !, fit Mistinguett, indifférente à la petite scène. Vous allez voir mon ami, l'Amerloque. Il est bath !

- Un Américain ? J'en ai déjà un !"

Gabrielle voulut embrasser à nouveau le privé, mais Jim lui saisit durement le poignet pour l'attirer à lui.

" Don't play with me, girl !

- J'en ai un magnifique.

- You are drunk, Gabrielle, l'admonesta-t-il.

- L'alcool n'a aucun effet sur moi !

- Right."

Jim Barnett sourit et Gabrielle lui fit un clin d'oeil amusé.

Sur scène, Maurice Chevalier terminait son spectacle. On annonçait l'arrivée d'une troupe de mimes venue d'outre-atlantique. Parmi ces artistes burlesques se trouvait une étoile montante du cinéma muet, Charlie Chaplin.

Le spectacle fut si drôle que Gabrielle en pleura dans son mouchoir, la tête posée contre l'épaule de Jim. Ce dernier buvait son gin tout en caressant les doigts de la cocotte.

Mistinguett fumait sans s'arrêter et contait mille anecdotes sur ce Paris artiste et music-hall qu'elle connaissait bien.

" Je vais bientôt commencer comme meneuse de revue ici-même. Ce n'est qu'une question de patience !

- Et de talent, Mistinguett, ajouta Gabrielle, en saluant son amie.

- Une histoire de gambettes surtout. Tu en as de jolies, Gaby. Tu ne veux pas monter sur la scène ?

- Mes jambes sont à moi et à ceux qui payent pour les avoir. Elles ne savent pas danser.

- Gabrielle !, rétorqua l'Américain, scandalisé.

- Je sais ce que je suis et je ne m'en cache pas ! Une cocotte reste une cocotte !

- Je devrais t'emmener rencontrer des gens bien, Gaby, fit Mistinguett. Tu plairais à mes amies.

- Vraiment ? Malgré...

- Au contraire ! Connais-tu l'Amazone ? Natalie Clifford Barney ?

- Non. C'est une danseuse ?

- Non, c'est une femme d'esprit. Elle reçoit du beau monde, tu verras. Tu plairas tout particulièrement à la duchesse de Clermont-Tonnerre."

Gabrielle du Plessis ne connaissait pas Natalie Clifford Barney ni la duchesse de Clermont-Tonnerre.

Mais Jim Barnett, oui. Il en pâlit.

" I'll come along, Gabrielle, asséna froidement l'homme. Most of these Ladies, rue Jacob, are Americans. You wouldn't get anything at all, darling.

- I understand you just fine. Mais tu es bien chic de proposer. Merci, Jim."

Mistinguett se mit à rire en dévoilant ses belles dents que le tout-Paris célébrait.

" Yes. American viragos ! Fearing for your spot, l'Amerloque ?

- No one scares me, Mistinguett. Certainly not women.

- Of course. What was I thinking about ?"