L'inspecteur tordait nerveusement son képi entre ses doigts gantés. Le commissaire le regardait, étonné et suspicieux.

" Dites-moi inspecteur Puchot. Pourquoi désirez-vous être relevé de vos fonctions ? Vous n'êtes pas bien à la préfecture ?

- Hé bien, monsieur le commissaire, bafouilla l'homme.

- Allons ! Vous pouvez parler, je ne vais pas vous foutre de blâme !

- Non, monsieur le commissaire.

- Mais pourquoi cela ? C'est un poste tranquille ici. Recevoir des visiteurs et prendre des dépositions. Parfois, on vous demande pour mener une enquête. Une bonne place !

- Oui, je sais, monsieur le commissaire. Mais...

- Mais quoi ? Soyez clair, inspecteur !, claqua l'officier.

- Ben, il y a beaucoup de visiteurs pour le chef, monsieur le commissaire.

- C'est normal ça. C'est le chef de la Sûreté tout de même."

Comme rien d'autre ne venait et que le commissaire allait renvoyer son inspecteur sans agir davantage, ce dernier réagit violemment.

Il s'effondra littéralement sur le bureau de son supérieur.

" Je deviens fou, monsieur le commissaire.

- Mais pourquoi cela ? M. Lenormand a, certes, une réputation pas facile mais c'est un brave homme tout de même.

- Il y a surtout une visiteuse. Et c'est terrible."

Le commissaire comprit enfin et fronça les sourcils, fâché de la tournure prise par la conversation.

" Une visiteuse ? Ne vous préoccupez pas de ça. Ça ne vous regarde pas inspecteur

- Mais c'est ce que j'aimerais mais la dame en question n'est pas discrète. Elle parle fort et elle hurle. Et mon Dieu. Ce qu'elle dit au chef..."

Le policier se redressa et carra ses épaules, le képi placé sous le bras.

" Bref monsieur le commissaire. Je demande un nouveau poste

- Alors ça ! C'est trop fort, inspecteur ! Je ne saisis pas. Elle ne vous parle pas à vous, et alors ? Quel est le problème ?

- Vous avez déjà essayé de travailler avec une bite en l'air vous ? TOUTE LA JOURNÉE ! Je deviens fou. Je suis marié, monsieur."

Le commissaire acquiesça et saisit un formulaire.

" Bon, je vous cherche immédiatement un nouveau poste...

- Merci, monsieur le commissaire."

Plus tard, dans la Sûreté, une bouffée de parfum et un sourire amusé attirèrent les yeux d'un jeune officier de police.

" Tiens ? Vous êtes nouveau vous ? Où est l'inspecteur ?

- Il a été nommé ailleurs, madame," répondit le policier en se redressant, interloqué par la soudaine apparition.

Une magnifique femme était là et donnait des allures de réception mondaine à ce couloir sombre et humide de la préfecture de police. Elle portait un petit panier rempli de douceurs et de sucreries.

" Hoooo ! J'espère qu'il va bien.

- Certainement, madame.

- Vous allez pouvoir m’aider. S’il vous plaît, inspecteur ?

- Bien entendu madame. Que puis-je pour vous ?

- C'est idiot, voyez-vous. Je suis partie vite de mon chez-moi ce matin et j'ai mon bas gauche qui glisse. Dites moi si vous le voyez."

La cocotte dévoila sa jambe gainée de soie. Effectivement, celui de la gauche glissait trop bas. Il avait dû échapper à la jarretelle.
" Heuuuu.

- Là ? Vous voyez mon bas ? Je tire dessus pour le raccrocher? Cela va ?

- Ho oui, madame.

- Oui, quoi ?

- Cela va très bien.

- Ah merci ! Je suis bien contente. Ce bas est pénible. Je me retrouve toujours les cuisses à l'air.

- Cela doit être pénible en effet, acquiesça le jeune homme dans son uniforme devenu trop serré.

- Hoooo. Mais vous n'êtes pas bien. Buvez un peu d'eau, inspecteur. Je l'ai dit cent fois à Arsène. Il fait trop froid dans ce couloir. On y prend du mal.

- Arsène, madame ?

- M. Lenormand, sourit la cocotte. Il est en réunion mais je passe par l'arrière-boutique."

Elle rit et s'apprêta à entrer dans le bureau, le policier l'arrêta un instant :

" Votre nom, madame. Pour le registre des visiteurs, vous comprenez ?

- Mettez Gabrielle et ça suffira."

Elle entra enfin, non sans terminer sur une flèche du Parthe.

" Vous êtes quand même le troisième inspecteur à changer de poste. Inquiétant."