Quand une cocotte traîne dans ses plumes...
Languie, étendue, nichée dans son lit, Gabrielle du Plessis paressait. Heureuse et comblée.
Réchauffée, adorée, caressée, elle était nichée entre des bras puissants et amoureux.
Ce matin, la cocotte faisait la grasse matinée et ne paraissait pas au salon.
Ce matin, la cocotte avait de la visite.
On l'embrassait dans la nuque, on la faisait rire.
On lui parlait d'amour en russe, elle souriait et répondait en argot parisien.
On lui promettait monts et merveilles, elle assurait des plaisirs immédiats et enivrants.
La matinée s'écoulait doucement, au gré des soupirs et des craquements de la literie.
Puis, une petite main frappa à la porte de Gabrielle.
Janine apparut, toute gênée de déranger son aînée.
" Un message est arrivé, madame. Il est plus là le beau monsieur ?"
Gabrielle ne put répondre la première, le beau monsieur tendit la main et lança :
" Si, il est encore là !"
Janine se perdit en excuses empressées et disparut de la chambre. Le prince Sernine riait, amusé.
" Elle est bien gentille cette petite. Elle a quel âge ?
- Quatorze ans et c'est pas une catin.
- Bozhe moy [mon Dieu], non ! Elle est trop jeune !
- Et pourtant... Madame y pense !"
Gabrielle se nicha plus profondément entre les bras de son amant, peinée.
Ce dernier se taisait, conscient de la tristesse de sa compagne.
" Arsène peut faire quelque chose ?
- Les cognes ont autre chose à faire qu'à s'occuper des punaises. Voyons qui m'écrit un dimanche !"
Gabrielle se redressa, dévoilant ses seins et son ventre moelleux.
Aussitôt, le prince Sernine vint lui saisir la taille pour lire au-dessus de son épaule.
" Ce n'est pas pour toi !
- Hooo ! C'est d'Arsène ! Que dit-il ce vieil ami ?"
Ils lirent et le riche russe en fut estomaqué.
Deux billets pour le dernier ballet-pantomine en vogue, "la fête chez Thérèse" tombèrent de l'enveloppe, accompagné d'un message plus que succinct :
" Samedi en quinze,
Arsène."
" Voilà que M. Lenormand se découvre une passion pour le ballet ! Où va le monde ?
- Cher ! Vous voilà jaloux. Fi de vous !
- Pas jaloux, moya zvezda. Juste surpris !
- Il est adorable. Il faudra que je passe le remercier..."
Le prince Alexeï Sernine prit la main de la cocotte et l'embrassa amoureusement.
" Il s'agit d'abord de me remercier moi.
- Evidemment... D'abord les altesses, ensuite les chefs de la Sûreté..."
La femme se laissa recoucher sur le matelas. Espiègle, elle ajouta :
" Ensuite les détectives privés américains...
- Que de remerciements tu dois distribuer, ma belle.
- Cela mérite des haïkus, non ?
- Da, da."
Annotations