13 mars - 10 heures
Suzy courait dans tout le bordel en vociférant :
" QUI A PRIS MES EPINGLES A CHEVEUX ?"
Les filles se coiffaient toutes dans leur chambre respective. Mathilde, énervée de toute cette agitation, claqua en plein couloir :
" Mais qu'est-ce qui lui arrive à cette dinde ?
- Janine n'est plus là, répondit Louison.
- Et alors ? La gamine est dans une pension. Elle n'y peut rien !
- Oui. Mais c'est Janine qui s'occupait du rangement !"
Mathilde haussa les épaules et replaça correctement les plumes de son déshabillé.
" Je ne comprends pas. Suzy ne sait pas ranger sa piaule ?
- C'est Janine qui la coiffait !
- Misère ! Suzy va ressembler à des radicelles de poireaux. Elle va être magnifique."
Les filles pouffèrent tandis que Suzy passait, en chemise et mules à pois.
" Vous n'avez pas d'épingles ? Je ne les retrouve pas.
- Si, fit simplement Mathilde.
- Et ?
- Dans mes cheveux.
- ESPECE DE..."
Madame se montra, rouge de rage :
" Mais qu'est-ce que c'est que ce cirque ?
- C'est Suzy ! Elle veut en foutre une à Mathilde, madame !, expliqua une Louison, pâle de peur.
- Mais pourquoi donc ?"
Gabrielle, lasse et migraineuse, s'exclama :
" A cause d'épingles à cheveux, madame.
- Je ne comprends rien à toute cette volaillerie. Apprêtez-vous ! Ces messieurs ne vont pas tarder ! Suzy ! Coiffe-toi, tu ressembles à un bichon mouillé.
- Mais madame, fit Suzy au bord des larmes. Je n'ai plus d'épingles."
Madame soupira et retira ses propres épingles, son chignon dégringola et chacune resta saisie devant l'apparition. Madame Germaine avait des cheveux qui lui descendaient jusqu'aux genoux. Avec des reflets roux.
" Suzy ! Faites un effort ! Rangez vos affaires !
- C'est Janine, madame. Normalement, elle m'aide.
- Elle n'est plus là ! Cette petite pimbêche a écrit ce matin pour m'expliquer qu'elle ne reviendrait pas. On lui a, paraît-il, offert une place de dame de compagnie. Cette petite grue !"
Gabrielle souriait, toute contente de ces nouvelles. Les autres filles firent mine de plaindre madame. Mais toutes étaient heureuses de savoir la jeunette sauvée.
" Une dame de compagnie ! Ca sait à peine lire et ça devient dame de compagnie ! On aura vraiment tout vu !"
Madame s'apprêta à partir, encore plus en colère qu'à son arrivée. Mais, elle aperçut Gabrielle.
Se frappant le front, elle lui jeta une lettre dans les mains.
" D'ailleurs, la gamine vous a écrit, Gabrielle. Essayez de lui mettre du plomb dans la cervelle pour la faire revenir ici. Dame de compagnie, je t'en foutrais !
- Bien sûr, madame."
Gabrielle retourna à ses soins capillaires et ouvrit l'enveloppe. Une petite lettre parfumée à la violette apparut.
Quelques mots avaient été griffonnés, dans un lacis de râtures.
" Madame,
Je vai bien. Ici, on me fais travailer le français. C'est pas facile, mais j'essaille de faire de mon mieu. Les dames sont gentiles avec moi et on m'a trouvé une plasse de dame de compani. Je ne reviendrai pas. Je pense a vous. Vous ête la plus gentile du Ouane-Tou-Tou.
J'espère que vous avez choisi le beau monsieur qui sent bon. Il est le mieu.
Janine"
Gabrielle sourit, la journée s'embellissait.
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