Le 8e arrondissement comptait plusieurs belles rues et avenues de qualité, les hôtels particuliers foisonnaient. Quelques façades étaient richement décorées de verrières et de peintures murales dans le plus pur style " Art Nouveau".

Un homme de qualité et de culture pouvait s'y loger. Un homme à femmes également. Plusieurs hôtels étaient loués par de riches cocottes. On offrait encore des appartements luxueux aux demi-mondaines en vue.

Au 36, rue Marbeuf, habitait l'explorateur célèbre, Etienne de Vaudreix. Entre deux expéditions, ce dernier multipliait les conférences et les entretiens au sujet de ses voyages.

Le Tibet, l'Afrique, la Sibérie... Les grandes étendues glacées de Laponie ou les sables brûlants du Sahara...

Monsieur de Vaudreix était d'ascendance aristocratique. Beau et recherché, l'homme attirait les regards. Les épaules carrées et la mâchoire forte, il respirait la hardiesse et la puissance.

Gabrielle était fière de marcher à son bras.

Sur son territoire, le chasseur de fauves se montrait discret et attentif.

Cela amusa la cocotte qui se rapprocha de son compagnon.

" Il y a du danger, tesoro ?

- Toujours. Dans ce Paris de sauvages !"

Gabrielle hésitait entre se moquer et s'étonner. Elle opta pour l'attention.

" Toi ? Mon Etienne ? Tu traites Paris ainsi ? Tu connais pourtant de vrais sauvages !

- Justement, ma Gabrielle. Justement. Sais-tu ce que m'a appris Arsène il y a peu ?

- Arsène ? Tiens ? Que t'a-t-il raconté ?

- On a découvert le corps d'une femme démembrée rue Botzaris en début de mois. Tuée par les Apaches.

- Seigneur !

- Je préfère mes "sauvages" à ceux d'ici. Ils sont plus civilisés.

- Je comprends... "

L'immeuble où logeait monsieur de Vaudreix était de qualité. L'escalier, bien entretenu, menait dans de jolis appartements.

Entrer chez monsieur de Vaudreix revenait à visiter le monde en quelques pas. Statuettes africaines, masques inuits, bijoux aléoutes... Gabrielle caressa les seins d'une très belle statue de danseuse nue. Etienne vint se placer vers la femme et commenta en souriant :

" C'est Urvashi, la plus belle des apsaras, elle vient d'Inde.

- Elle est merveilleuse. Elle danse pour les dieux ?

- Et les hommes. Mais ne bouge pas !"

Etienne disparut quelques minutes.

Il revint déposer sur les épaules de Gabrielle une fourrure douce et blanche comme neige.

" Hoooo... Etienne...

- Du renard polaire, ma Gabrielle. Tu aimes ?

- J'adore...

- J'ai bien choisi alors."

La cocotte fila se placer devant un vaste miroir et s'y contempla à loisir.

" Pourquoi dis-tu ça ?

- J'ai offert une peau d'ours polaire à Arsène. Il a beaucoup apprécié. Tu aurais pu en avoir une aussi.

- Etienne, Etienne, Etienne. Une peau d'ours ?

- Tué de mes mains.

- Mon Dieu !, s'affola la cocotte.

- J'en ai une autre dans ma chambre. Si tu veux voir..."

Gabrielle sourit en penchant la tête de côté.

" Mhmmm. Je vais devoir ne garder que la fourrure dans ce cas..."