25 avril - 12 heures
Sous son immense chapeau, enveloppée dans son voile blanc, la cocotte jouait les archéologues. Le prince Sernine lui tenait la main et lui montrait les trésors antiques.
Ici se trouvaient les restes d'un jardin-péristyle, ici on apercevait les eaux du lac derrière les colonnes encore debout.
Ici une femme préparait le pain pour nourrir ses enfants.
Ici on priait les dieux lares pour apporter la paix sur la famille.
Ici...
Le prince Alexeï Sernine regardait sa compagne et parlait de vie quotidienne et de foyer des temps antiques.
Gabrielle du Plessis prenait garde à ne pas glisser sur les pierres recouvertes de végétation et sa main serrait les doigts de son amant.
Ici...des familles avaient vécu...
" Tu n'as pas de famille, mon Alexeï ?"
Sujet épineux !
Le prince tourna ses yeux clairs sur le lac et médita quelques instants.
" Je suis de la famille du Tsar.
- Alexeï Sernine, prince russe, attaché de l'ambassade du Tsar à Paris. Je sais, tesoro."
L'homme contempla la femme qui s'assit sur une pierre plate, toute chaude du soleil, et il lui sourit, éludant sciemment la question précédente.
" Sais-tu comment mangeaient les Romains, [моя звезда] moya zvezda ?
- Avec beaucoup de grâce ! Comme ceci !"
Gabrielle se redressa et prit un air compassé. Cela fit rire le prince qui s'approcha d'elle et la força à s'étendre sur la pierre plate, il s'allongea à ses côtés.
" Comme ça ! Redresse-toi sur un coude et voici !
- Les Romains mangeaient couchés ?!
- Oui. Et leur dîner s'appelait la cena, il se prenait en fin de journée et durait trois heures.
- Mhmmm. J'imagine bien comment devait se terminer leur repas dans ce cas."
Gabrielle saisit les épaules de son compagnon et le força à s'approcher encore plus d'elle pour l'embrasser.
" Je suis sérieux, moya zvezda. J'ai appris du grand archéologue Ludwig Curtius. Lors de mes séjours à Rome et à Pompéï.
- Tu es trop savant pour moi, mon cher. Je suis juste sous le charme.
- Gabrielle !
- Je ne plaisante pas ! Raconte-moi encore la vie à Rome !"
Le prince embrassa encore Gabrielle, fort et ardemment.
" Ils utilisaient un lit en bois, en marbre ou en bronze, le lectus triclinaris, sur lequel ils plaçaient des coussins et des couvertures."
Gabrielle se mit à rire et murmura :
" Je me disais aussi. Rester couché ainsi sur de la pierre, ce devait être une torture pour le dos de ces dames...ou de ces messieurs...
- Je ne sais pas... Certainement...
- Il faut essayer !"
Les oiseaux, si calmes habituellement, fuirent les arbres des Grottes de Catulle, alarmés par les soupirs de la sainte et les cris de la fée.
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