Quand une cocotte surenchérit...
Gabrielle du Plessis arborait un sourire charmant, délicieusement orgueilleux. Elle était étendue, alanguie, sur le canapé au centre du salon du One-Two-Two.
Sur ses voilages reposaient Poulette et ses chatons.
Ca ronronnait d'aise, sous les caresses de la cocotte.
Autour de ce hâvre de paix, chacun se mouvait lentement.
Un dimanche tranquille au bordel.
Puis Madame apparut, le chignon calmement dressé et les yeux souriant de joie.
" Mes filles, mes fils. Nous avons fait une jolie recette cette semaine passée. Grâce à nos jetons ! Figurez-vous que j'ai reçu une commande venant de tout un régiment de légionnaires. Rien que des levrettes anales pour Elvire.
- QUOI ? Mais madame...
- Tatata ! Jérôme aussi a des commandes de levrette anale et il ne se plaint pas !
- Oui, enfin bon. Ce n'est toujours pas ma spécialité. Moi, je suis bonne en fellation.
- AH CA ! On en reparlera ! Monsieur de Vaudreix est notre étalon pour cette "activité". On en reparlera !"
Madame Germaine se tourna vers son public et annonça :
" Il y a aussi des commandes pour Suzy. On ADORE le TOURNIQUET DE MENILMONTANT ! On en redemande ! D'ailleurs, M. Laroche a acheté plusieurs de vos jetons pour les offrir à ses amis.
- Merci, madame, minauda Suzy. J'fais de mon mieux !
- C'est TRES BIEN ! Continuez comme ça ! Mathilde, on vous a demandée pour des trios. Croyez-vous que ce soit possible ?"
Mathilde n'eut pas le temps de répondre que Suzy s'écria benoîtement :
" Trois ? Mais où elle va mettre la troisième bite ?
- DANS SON OREILLE ! Réfléchis un peu enfin Suzy. Tu n'es pas si gourde tout de même.
- Non, madame."
Mathilde leva le front et fièrement répondit :
" Pas de problème. Là où il y a de la place pour deux, il y a de la place pour trois.
- Dans ton oreille ? Sérieusement ?"
Le bruit d'une gifle fit se redresser Gabrielle qui paressait toujours sur son canapé.
Madame Germaine frotta ses mains et contempla la cocotte alanguie.
" Et vous, Gabrielle..."
Mais Gabrielle la coupa aussitôt :
" Je n'ai plus de jetons, madame. Il m'en faut des nouveaux et des dorés surtout.
- QUOI ? Des dorés ? Mais c'est très dispendieux ! A quoi bon ?"
D'un revers de main, Gabrielle fit disparaître une poussière imaginaire sur son étole de cachemire.
" C'est que M. Laroche veut toute la collection. A des fins privées, voyez-vous. Et cela fait des émules, madame."
Madame Germaine resta quelques secondes bouche bée, puis elle brama :
" QUELLE MERVEILLEUSE IDEE, MA GABRIELLE ! JE VOUS RETROUVE ENFIN ! Ecoutez tous et prenez-en de la graine ! Notre Gabrielle est un génie ! Vous aurez ça dans la semaine. Comptez sur moi !"
Gabrielle ne put s'empêcher un dernier sursaut de vanité, elle jeta un regard sur Elvire qui se tenait assise, froide et glacée, à serrer les accoudoirs de son fauteuil.
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