Gabrielle du Plessis défilait, la voilette de son chapeau se soulevait dans le vent et sa robe formait une large corolle de fleur autour de sa taille.

Gabrielle était belle et le savait !

Elle marchait de toute la grâce d'une reine, le front haut et la posture droite.

Un homme, tout aussi fier, la tenait à son bras et souriait aux passants.

" Dix francs que Gamin gagne la première !, s'exclama Gabrielle en calant son ombrelle contre son épaule.

- Dix francs ? Je t'en prie, Gabrielle ! Un peu de tenue !, la rabroua André Laroche.

- Vingt francs ?

- Ma Gabrielle, ce serait de l'argent perdu ! Gamin ne gagnera pas.

- Comment peux-tu dire une chose pareille ? Gamin est un bon cheval !

- Oui, ma Gabrielle ! Il l'est ! Mais le sol est trop lourd pour lui et il n'a pas eu assez d'entraînement pour ce genre de course. "

Gabrielle prit un visage scandalisé et remonta d'un geste sa robe pour avancer plus vite.

" JE vais parier dix francs sur Gamin car J'AI confiance en lui.

- Mais oui, ma Gabrielle. Vas-y ! C'est de l'argent gagné pour les autres."

Gamin, le cheval de l'écurie Laroche était beau. Un pur-sang bai que son jockey en titre, Georges Pieux, faisait défiler devant les journalistes. L'animal renâclait et piaffait joliment.

Cela faisait reculer les journalistes et sourire ces messieurs.

Laroche s'avança sans peur et caressa l'encolure de l'étalon trop nerveux. Gabrielle le flatta à son tour, appréciant la beauté du cheval.

" Comment va Gamin aujourd'hui ?, demanda l'industriel.

- Bien, monsieur Laroche. Il a hâte d'en découdre !, affirma le jockey.

- C'est bien, Gamin ! Il a bien couru ces derniers temps."

Le cheval se pencha et ses naseaux vinrent fouiner contre la veste de M. Laroche. Ce dernier sourit et exhiba un morceau de carotte.

" Gourmand Gamin ? Tiens et montre à la jolie dame comme tu es fort !"

L'étalon grignota la carotte et Laroche fit reculer Gabrielle. Un homme s'approcha d'eux et s'exclama :

" Il est fort, oui, mais le sol n'est pas bon pour lui. Georges fera de son mieux pour le guider, mais Gamin n'a pas l'habitude.

- Oui, tu as raison, Jean, approuva Laroche. Et je sais aussi que son entraîneur l'a très bien travaillé."

L'homme sourit et secoua la tête.

" J'ai fait ce que j'ai pu. Gamin est dans une excellente forme. Le reste le regarde !

- Nous verrons bien !"

L'entraîneur de Gamin, Jean Bariller, s'éloigna.

Chacun s'installa dans les gradins.

Les femmes portaient leur plus belle tenue et discutaient des chevaux, les hommes fumaient en devisant des dernières nouvelles, le public était calme et attendait patiemment le début de la course.

Une course de fond, sur un terrain lourd, 1 600 mètres à parcourir et seize engagés. Deux chevaux furent déclarés non partants et enfin, le départ fut donné !

Gabrielle du Plessis était parmi le public, avec son chapeau, sa voilette et son ombrelle. Elle gesticulait et scandait le nom de son cheval préféré.

André Laroche riait et lui tenait la taille. D'un tout petit trop près. Un léger parfum de scandale !

Cinq minutes suffirent pour terminer la course et Gabrielle était dépitée.

" Troisième ?

- C'est déjà beau ! Gamin est jeune et de bonne famille. Il gagnera l'année prochaine. Il lui manque la maturité et l'expérience !

- Et une Cocotte ?, taquina Gabrielle.

- Et une Cocotte ! Gamin est trop nerveux pour son bien !"

Gabrielle du Plessis embrassa M. Laroche, puis lui murmura dans l'oreille :

" On va lui en trouver une dans ce cas.

- Peut-être en a-t-il déjà trouvé une..."

La cocotte se mit à rire tandis que l'homme la serrait fort dans ses bras.