5 juin - 15 heures
Au Bateau-Lavoir, Jim Barnett sirotait son verre de cognac d'un air désabusé.
Devant lui étaient assis trois hommes à la mine patibulaire. On parlait discrètement et on parlait italien plus qu'anglais.
Evanescente, imprudente, Gabrielle du Plessis apparut. Elle regarda la salle bondée, les hommes farouches et les femmes tarifées.
Elle marcha d'un pas déterminé.
Le détective américain ne la remarqua que lorsque son parfum le frappa. L'Heure bleue !
Lentement, il tourna la tête et vit les yeux clairs de la cocotte joliment vêtue.
" Bonjour, monsieur le détective. On vous cherche chez vous et vous traînez dans les cafés ! Fi !
- Gabrielle ?! What are you doing here ?"
La femme, sans s'inquiéter outre mesure, s'assit à côté de son américain d'ami.
" L'inspecteur Béchoux m'a dit que tu étais là. J'ai pris la voiture d'André et me voilà !
- Laroche's car ?! Here ? You took his car here ?
- Ben oui. Pourquoi ?"
L'inconscience de la femme stupéfia le détective américain. Il y avait des Apaches en ville et aujourd'hui, il y avait peut-être bien pire !
Gabrielle remonta son étole qui glissait sur son épaule nue et avisa tranquillement les trois hommes assis face à elle.
" Bonjour, messieurs. Qui ai-je le plaisir de rencontrer ?"
L'un d'eux, un jeune homme de dix-huit ans, comprit la question et souriant poliment, il se leva.
" Alphonse Capone, at your service, Signora.
- Vous êtes italien ?, demanda Gabrielle, curieuse.
- Brooklyn, New York, like our buddy here.
- Shut the fuck up, Al. You talk too much, claqua le détective.
- How much for this little gem ? The boss would like her.
- She's not for sale. Let's get back to our business. Time's a-wasting."
Al Capone sourit vilainement, ses yeux continuèrent à contempler Gabrielle.
Cette dernière commençait à comprendre qu'elle avait fait une terrible erreur en venant ici.
Son sourire pâlit. Elle ne saisissait rien à la conversation, mais sentait le grand danger dans lequel elle se trouvait.
Et se trouvait Jim.
" Look, the boss sent us here to settle things straight. Seems like you know this bastard, Jim Cosmano, the boss of Mano Nera, quite well.
- In Manhattan, yeah. Here on the other hand... It's Apache territory here. The Five Points Gang has no business in Montmartre.
- Apaches ?!"
Al Capone se mit à rire dédaigneusement. Ses deux acolytes, tout aussi jeunes que lui, ne comprenaient pas toute la conversation, mais ils rirent aussi.
" The pigs caught several of our friends in Little Italy, Jim. The boss is wondering about this sudden efficiency... Your name somehow showed up...
- I was in NY few months ago. The old Kelly didn't seem to be worried.
- Is that so ? Well, today, the boss would like to know more.
- What is he afraid of ? The Vice Commission ? Those mormons are only interested in shutting brothels down."
Al Capone secoua la tête, amusé et dépité. Les flics de Chicago n'étaient pas tous des branques, ces porcs travaillaient et tous n'étaient pas corruptibles. L'année 1910 était dure pour les gangsters. La Commission des Moeurs de Chicago, créée le 15 mars de cette année, n'était qu'une arme de plus contre les criminels qui pullulaient à New York.
La seule chose positive était que la justice ne pouvait pas condamner les criminels, vu que les menaces d'extorsion n'étaient pas des preuves utilisables contre eux. Ils n'en étaient pas les auteurs et les victimes témoignaient rarement.
Al Capone poursuivit :
" It's more about the Mano Nera. He's pissed. He want to put a stop to all those extorsions from The Five Points Gang. Jim Cosmano, that rat, demanded 10 grands or he'd blow up the Colosimo's Cafe. That doesn't fly, obviously.
- I get it. Kelly's pissed off. But Torrio shot Cosmano a few months ago, didn't he? Can't he finish the job and smoke him for good?
- Ah, I'm not the only one who speaks too much ! You should shut up as well, Jimmy Boy. No one said anything about Torrio. The pigs have nothing on him. No lead whatsoever. As for the rats, they're rattling Colosimo's cage but have nothing.
- You're telling me you crossed a fucking ocean to grill me about the Mano Nera? Ah! I'm touched, really, Al. Send my regards to your boss."
A son tour, Jim Barnett se mit à rire, sa main vint se poser sur celle de Gabrielle. Il serra les doigts de la cocotte pour la rassurer.
Gabrielle ne disait rien, elle regardait les trois hommes et en avait peur.
" We need more, Jim. Here, a love letter. Have a look. You'll understand what we need from you.
- I know, thanx.
- You have 3 days. We sail back on the Lusitania.
- Godspeed, Al Capone."
Le jeune bandit se leva et d'un claquement de doigts, il fit lever ses deux comparses. Il se pencha au-dessus de la table et contempla Jim.
" - Read the newspapers tomorrow, Jimmy Boy. You pal Cosmano is going to shit his pants.
- He's not my pal, Al, but I'll make sure to read the papers."
Al Capone, agacé, tmightourna sa tête vers Gabrielle et lui sourit à nouveau.
" And about your hotty, think about it. It's serious.
- Oh, I know, Paul Kelly and the Five Points Gang are to be taken seriously.
- Indeed. See you soon, Sweety pie."
Les trois hommes quittèrent le Bateau Lavoir.
Gabrielle resta figée de peur.
Elle vit alors Jim Barnett lever la main et plusieurs hommes quittèrent l'ombre pour suivre les trois membres de la mafia.
Jim Barnett sourit en finissant son verre.
" Our Apaches are might a hot mess compared to those American gangsters, but they're touchy. Let's hope Al is ready to rumble."
Lentement, la cocotte se blottit contre l'Américain. Ses mains jouèrent avec le revers de la veste du détective.
Jim Barnett se laissait caresser. Il sentit la cocotte sortir la lettre de sa poche.
" - Just a request for some random intel, my Gabrielle. Nothing important."
" Give us Cosmeno "
La lettre comportait un symbole qui intrigua la cocotte. Une main noire.
" Tu sais où se cache ce Jim Cosmeno ?, demanda-t-elle.
- Haven't got a single clue. But I can figure it out quite easily. Kelly's a morron. It was stupid to send me his henchmen.
- Qui sont ces gens, Jim ?
- Criminals. We fight between rival gangs in NY. Kelly's gang vs. Cosmeno's gang.
- Et si tu ne dis rien ?
- Well, then I might have to go for a little while, Darling. Apparently, I've got things to do in NY City.
- Et si tu ne dis rien, Jim ? Que va-t-il se passer ?
- They'll try to kill me."
Gabrielle poussa un cri d'horreur et saisit les mains de son bel Américain.
" Joseph Petrosino was my friend. They messed with the wrong guy !
- Joseph Petrosino ?
- A cop. A really good one. He dedicated his life to his fight against the mob. It costed him everything and he was killed last year in Sicily.
- Mon Dieu, Jim !
- That's my life, Baby girl. And this letter... It painted a target, not only on my back, but also on my friends'. I'll leave tonight and fix that once and for all."
Gabrielle serra l'homme fort dans ses bras et murmura tristement :
" Alors je vais t'offrir un jeton pour cette nuit, mon Jim.
- Just one ? What about ten ?
- Chiche ?"
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