23 juin - 11 heures

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Madame Germaine n'était pas contente. Elle se tenait assise dans son salon et son chignon pendait tristement sur le côté.

Le salon était tendu de noir et les fenêtres étaient obstruées. Des bougies brillaient et tout était silencieux. Peut-être Madame en faisait trop.

Mais comment le lui dire ?

" Le gouvernement a prévu une cérémonie ?! Nous y allons ?, demanda Suzy.

- Non, claqua Madame. Mais le gouvernement a décidé qu'il fallait fermer les maisons de tolérance pour la bienséance. Je suis outrée ! Notre maison est une maison sérieuse et nous avons magnifiquement décoré pour l'occasion !"

De fait, tout était sombre et respirait le deuil.

" La cérémonie a eu lieu hier, s'exclama Mathilde. Je ne vois pas pourquoi on garde nos crêpes ?

- Les morts du Pluviôse méritent bien ça, sourit Suzy. Et le noir m'amincit !"

Le bruit d'une gifle retentit et Suzy se frotta la nuque en fronçant les sourcils.

" Je suis bien triste pour ces pauvres marins, murmura Margot. On devrait peut-être aller à Calais ?

- Mais vous êtes toutes folles, ma parole !, s'écria Elvire. C'est une terrible catastrophe, mais qu'est-ce qu'on y peut, nous ?"

De fait, le gouvernement était en deuil. Pour l'accident du Pluviôse, un sous-marin français perdu et ses vingt-sept victimes.

Le Pluviôse était un sous-marin exceptionnel, doté de chaudière vapeur et de lance-torpille d'une modernité à toute épreuve. Cependant, le 26 mai 1910, le sous-marin faisait des manoeuvres au large du port de Calais et fut percuté par le paquebot le Pas-de-Calais.

L'accident avait eu lieu en mai et on était en juin. On venait à peine de récupérer les cadavres grâce au courage du médecin-major Jean-Marie Savidan. L'homme avait plongé sans relâche pour ramener un à un ses compagnons d'infortune.

Paris avait organisé des funérailles nationales.

Et le One-Two-Two devait fermer ses portes dans ces tristes circonstances.

" Savez-vous ce qui me soulage dans cette affaire ?," lança madame en redressant son chignon.

L'objet en profita pour glisser de l'autre côté.

On attendait avec politesse la suite et Madame Germaine foudroya du regard Gabrielle du Plessis.

" Au moins les clients ne voient pas votre joue, Gabrielle ! A-t-on idée de se présenter avec un visage de boxeur ?!"

De fait, Gabrielle affichait une joue marquée et un hématome enlaidissait son oeil.

On la contempla avec compassion. Sauf Elvire qui plissait les yeux en faisant des calculs savants.

" Ne vous avisez pas de tirer des plans sur la comète, lança simplement la cocotte enlaidie. Je ne serai pas laide aux yeux de mes amants !

- Votre Américain, peut-être, Gabrielle, fit Madame en haussant les épaules. Mais les hommes de goût...

- Mes hommes sont tous des hommes de goût, madame.

- Si tu veux, ma Gaby, proposa gentiment Suzy, je te le maquille ton oeil et on n'y verra que du feu !

- Chiche ?!"

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