4 juillet - 18 heures

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Gabrielle du Plessis était heureuse. Elle en oubliait tous ses soucis, d'argent, d'espionnage, d'enfants. Pour se perdre dans les yeux si clairs de son amant.

Ses doigts retrouvaient la douceur du tweed et les muscles si durs du bras. Une main vint saisir la sienne pour l'amener jusqu'à une bouche.

" Tu ne risques plus rien ?, interrogea la cocotte, inquiète.

- Nothing at all. I'm safe now.

- Je suis tellement heureuse de te revoir, Jim.

- Indeed."

Gabrielle sourit, amusée et déjà agacée, de retrouver l'orgueilleux Jim Barnett.

Le privé était enfin de retour de son New-York, le visage fatigué et les poches pleines de billets.

" Et Al Capone ? Et la mafia ? Et..."

Barnett posa un doigts sur la bouche de Gabrielle et la guida jusqu'à lui :

"Shhh, baby girl. It's over, I'm here now.

- Je t'aime trop pour te perdre, Jim. Tu m'excuseras de m'inquiéter pour toi.

- Don't worry too much though. I'm a big boy."

Il fit glisser la main de Gabrielle jusqu'à son entrejambe. A big boy indeed.

Un piano endiablé jouait des mélodies entraînantes. La femme écoutait, impressionnée.

"Jelly Roll Morton!, sourit Jim. It says "inventor of jazz" on his business cards. He's a bit full of himself."

Venant de Jim Barnett, cette affirmation fit rire la femme. Le regard noir que cela lui valut de la part de l'Américain redoubla son amusement.

"What?

- Nothing, darling. Rien du tout ! Parle-moi de lui !

- Jelly? He plays in a brothel in New-Orleans, at Hilma Burt's. In the District.

- Tu vas dans les maisons closes, toi ?," taquina Gabrielle.

Jim Barnett se pencha et embrassa sa compagne pour faire disparaître son sourire réjoui.

"I have to. My affairs, you know. But I only enjoy it at the One-Two-Two."

L'Américain se décala sur la banquette pour prendre tout contre lui Gabrielle. Cette dernière se laissa faire, heureuse de retrouver son "bad boy".

"My pal Jelly came with me for two reasons. One, he wanted to meet you in the flesh.

- Jim, Jim, Jim...

-And two, he needed to get away from the cops.

- Il a des ennuis ?

-You're so cute. A Negro playing jazz in dive bars and clubs... It's bound to stir the pot. But shut up and listen! He's extraordinary!"

De fait, Gabrielle découvrait les accents du jazz et les compositions les plus connues de Jelly Roll , « New Orleans Blues », « Frog-I-More Rag », « King Porter Stomp »... Des musiques au rythme syncopé qui donnaient envie de danser.

" Alors qu'en dites-vous, Gabrielle ?, demanda une femme en s'asseyant près des deux amis.

- J'aime beaucoup cette musique, madame.

- Appelez-moi Gertrude, mon chou, rétorqua-t-elle en riant. Nous sommes contents de vous avoir pour fêter dignement le 4 juillet !

- Le 4 juillet ?, demanda stupidement Gabrielle.

- Argh! Independance Day, Gabrielle! The US Bastille Day!, grommela Jim. Today, we should be eating corn on the cob, burgers and French fried potatoes. What do you say, Gertrude?"

Gertrude Stein rit et sa compagne, Alice B. Toklas répondit dans un français sans aucune faute :

" Nous avons de la tarte aux pommes et des ailes de poulets frits.

- That's what I'm talking about!

- Mais nous n'aurons ni les défilés, ni les feux d'artifice, Jim. Il va falloir s'en contenter.

- That'll do.

- Raconte-moi comment va New-York," interrogea Gertrude Stein.

Gabrielle contemplait le salon du 27, rue de Fleurus, dans le quartier de Montparnasse. Un salon résolument moderne, tenu par Gertrude Stein et son frère Léo. Le tout-Paris artistique y venait et les tableaux y changeaient de main. Gertrude Stein protégeait les Cubistes, elle aimait Matisse, Braque, Picasso... Pour sa part, Léo préférait les impressionnistes. Les Américains s'y réunissaient et créaient une petite communauté dans laquelle les étrangers de passage étaient bien accueillis.

Aujourd'hui, des amis étaient attendus pour fêter le 4 juillet et partager un repas traditionnel. Au son du jazz.

" Tiens, Gabrielle ? Cela fait longtemps que je ne t'ai vue, guapa, s'étonna un nouvel arrivant.

- Ho ?! Pablo !?, fit Gabrielle en se levant pour saluer Picasso.

- J'ai fini ton portrait. Tu es l'essence de la femme.

- Merveilleux," assura Gabrielle, inquiète de cette essence de la femme.

Surtout pour la partie rousse qui ne pouvait décidément pas être ses cheveux.

Gertrude Stein lança, intéressée :

" Pablo, il faudra me montrer ce tableau. Je suis curieuse de voir madame du Plessis avec ton prisme.

- Avec joie. Je vous l'apporterai demain."

Jim Barnett reposa son verre de gin et claqua durement :

"You're going to show me first! She's my quintessential woman!

- Of course, Jimbo, s'amusa Gertrude Stein. Of course."

Gabrielle rougit en se souvenant du tableau sur lequel elle posait, nue, étendue sur un canapé, les bras en l'air et une petite tache rousse au milieu...

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