7 juillet - 19 heures

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Le salon de l'Amazone, Natalie Clifford Barney, était toujours aussi sombre, les parfums capiteux et les lourds voilages accentuaient cet atmosphère de temple oriental.

D'ailleurs, la danseuse Mata-Hari était présente et faisait une démonstrastion de danses javanaises, dans lesquelles elle finissait totalement nue.

Devant un parterre de dames.

Gabrielle du Plessis était envoutée, comme tout le reste de la salle. A ses côtés, Colette applaudissait à tout rompre.

" Tu vois, Missy ? Comme elle est toujours aussi merveilleuse ? Cette chère Mata-Hari ?"

Un imposant personnage, une femme vêtue en homme et plus virile que beaucoup de ces derniers, approuva.

" Elle est splendide."

Colette se tourna vers sa compagne et l'embrassa passionnément.

" Missy, prends garde à ma jalousie !"

Missy, de son vrai nom Mathilde de Morny, sourit en caressant tendrement le menton de la belle Colette.

" Tu ne risques rien, ma douce.

- Je sais, Missy. Je sais. Tu m'aimes trop pour ça !"

Missy ne répondit rien et reporta son regard fatigué sur la scène.

" Après toutes ces semaines de tournée en province, je suis bien contente de retrouver notre cher Paris. Mais je préfèrerais retourner dans notre manoir, Colette.

- Quelques jours de patience, monsieur le marquis !"

Missy secoua la tête, elle savait déjà quelle dose de patience il lui faudrait pour vivre au côté d'un feu-follet comme Colette.

" Tu as enfin acheté ton manoir, Colette ?, demanda Gabrielle, curieuse.

- Oui ! Depuis le 21 juin, nous sommes propriétaires du manoir de Rozven à Saint-Coulomb en Bretagne. Le jour de mon divorce d'avec Willy ! Tu imagines ?

- J'imagine surtout la gueule de Willy ! Te voilà libre, propriétaire et aimée ! Vive la vie !"

Colette serra dans ses bras son amie Gabrielle du Plessis et lui asséna :

" Fais-en de même, Gaby ! Choisis-toi quelqu'un de bien et épouse-le ! J'aimerais tant pouvoir épouser ma Missy. Hélas, la loi ne le permet pas !"

Mathilde de Morny s'inclina, heureuse d'entendre cet aveu de la part de sa chère Colette.

" Peut-être un jour, ce sera possible, mon enfant terrible.

- Espérons ! Tu devrais venir, Gaby, s'enthousiasma Colette. Les meubles et la décoration sont adorables ! Le goût de Missy est tout juste idyllique !"

Cette dernière saisit la main de Colette et l'embrassa du bout des lèvres.

Gabrielle était pensive, elle voyait son amie, l'inoubliable Colette, enfin heureuse et bien aimée. Elle songeait à sa propre situation.

Trop d'amants, trop de mondanités, trop de dettes et des enfants dans l'équation ! Elle ne pouvait pas espérer se marier avec un beau parti.

" Mata-Hari est exceptionnelle !, conclut Gabrielle pour ne pas s'appesantir dans son vague-à-l'âme.

De fait, Mata-Hari, dans son costume de prêtresse javanaise, se tortillait et ses mouvements devenaient reptiliens. Impressionnants !

Puis, une main caressa le bras de Gabrielle.

" Vous devriez la rejoindre, Gaby. Vous savez danser, vous aussi !

- Cléo de Mérode ?! Vous ici ?!

- Je n'ai pas résisté à assister à une dernière représentation de Mata-Hari ! Notre amie ne quitte plus beaucoup son château de la Dorée à Esvres.

- Je comprends !, assura Colette. Une fois que sa place est faite, on préfère y rester. Je me souviens de Mata-Hari à ses débuts. Tu l'as vue, Missy ?

- Oui. Au musée Guimet, on avait reconstitué un temple hindou et Mata-Hari dansait pour le dieu Shiva. Elle finissait nue !

- Elle est réellement une prêtresse javanaise ?, interrogea Gabrielle.

- Demandez-le lui, ma chère. Nous n'avons jamais vraiment su la vérité."

Gabrielle du Plessis reporta ses yeux sur la scène où la prêtresse se déhanchait, sa silhouette élancée, sa peau mate, ses cheveux de jais, son regard sombre, sa bouche sensuelle... Tout était captivant et attirait les applaudissements du public.

" En tout cas, qu'elle soit prêtresse née à Java ou fille de camelot néerlandais, c'est une bien belle femme," affirma Colette.

Cléo de Mérode prit d'autorité Gabrielle par la main et l'attira sur la scène.

" Mata-Hari, ma chère. Je vous présente mon élève, Gabrielle du Plessis. Accepterez-vous de danser avec elle ? Ne serait-ce qu'une seule de vos danses ?"

La prêtresse releva la tête et examina la nouvelle venue, de ses yeux ténébreux et inquisiteurs. Un sourire étrange naquit sur ses lèvres.

De sa voix rauque, elle murmura :

" Êtes-vous prête à vous offrir à Shiva ?

- Oui."

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