Quand Madame devient critique d'art...

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Madame Germaine était suprêmement agacée. Cela se voyait à son chignon coulant sur le côté, tressautant aux mouvements saccadés de la patronne.

" Suzy, ma fille ! Tu as deux jours pour nous débarrasser des poussins qui encombrent le One-Two-Two ! Hier encore, monsieur de Rocamadour a failli en écraser un en se couchant sur le canapé ! Cela lui a coupé la chique !

- Madame ! Je vais essayer de les placer, mais c'est que je ne connais pas grand-monde, moi. Il faudrait une ferme !

- Peut-être le marché de Rungis ?, proposa Louison.

- A vous de voir !, claqua Madame. Mais je ne veux plus de ces bestioles ici ! Nous avons bien assez à faire avec les travaux et les chatons de Poulette ! C'est un vrai cirque ici !"

Contente d'avoir trouvé un nouveau sujet de discorde, Madame se tourna vers Gabrielle du Plessis.

" D'ailleurs, ces trois monstres doivent avoir l'âge d'être placés, non ? J'en ai assez de devoir racheter des dessous ! Ils ne cessent de faire leurs griffes sur le satin !

- C'est qu'ils vous aiment, madame !, fit gentiment Margot. Ils font leur sieste dans votre armoire !

- Hé bien, sieste ou pas ! Je veux qu'on m'en débarrasse !

- Et Poulette, madame ?, interrogea durement Gabrielle.

- Non, Poulette reste ici. C'est la chatte du One-Two-Two après tout ! Mais fi de ses chatons !"

Sentant la révolte grondant parmi ses troupes et le risque de mutinerie, Madame Germaine perdit de son autoritarisme pour s'expliquer plus doucement.

" Nous ne pouvons pas accueillir tant de chats. Quatre seraient de trop ! Nos clients aiment Poulette et ses chatons les ont bien amusés, mais quatre gros chats qui occupent les lits et les divans, ce n'est pas possible. Vous devez en convenir !"

Avec regret, Gabrielle hocha la tête.

" C'est beaucoup, en effet. Mais laissez-moi le temps de régler l'affaire des chatons et des poussins.

- Vous avez des idées, Gabrielle ?

- J'en ai toujours, madame. Mais il faut m'en laisser le temps !

- Vous avez carte blanche ! Je ne veux pas que ces animaux soient malheureux !"

On se rasséréna.

Madame s'apprêta à s'asseoir sur le canapé qui trônait toujours au centre du salon du One-Two-Two lorsqu'un cri strident retentit.

Suzy était apparue, affolée.

" Madame ! Quelqu'un nous a fait une mauvaise blague !

- Comment ça, petite cruche ?

- On a déposé un tableau monstrueux ! Là, dans la salle de repos !"

De fait, tout le One-Two-Two se dirigea vers la salle de repos, attenante au salon.

Là, chacun resta figé de surprise, les yeux fixés sur le tableau de Pablo Picasso représentant Gabrielle.

" Mais qu'est-ce que c'est que cette horreur ?, demanda Madame Germaine.

- C'est moi, madame, expliqua doctement Gabrielle. Pablo Picasso a représenté mon essence.

- Ton essence ? Il ne s'est pas plutôt foutu de ta gueule ?, reprit Mathilde.

- C'est quoi la tâche rousse, là ?, interrogea Suzy.

- Gabrielle est une vraie rousse, donc," conclut Corine.

Vicieusement, Gabrielle songea à déclamer des alexandrins, mais elle se contenta de sourire. Elle se savait belle dans les yeux de Picasso et cela lui suffisait.

" Gabrielle, mon petit, il est hors de question que cette croûte envahisse notre lieu de vie. Vous allez lui trouver un emplacement ailleurs vite fait et bien fait.

- A la décharge, peut-être ?"

Elvire souriait en contemplant sa collègue. Gabrielle eut furieusement envie de lui coller son poing dans la figure.

" Je connais quelqu'un qui serait intéressé de m'avoir en peinture."

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