14 juillet - 9 heures

3 minutes de lecture

Tout le One-Two-Two était présent, avec cocarde au chapeau et jarretière tricolore. On applaudissait, on chantait .

Les troupes défilaient au son de la Marche des Allobroges et chacun en reprenait les paroles :

Allobroges vaillants !

Dans vos vertes campagnes,

Accordez-moi toujours asile et sûreté,

Car j'aime à respirer l'air pur de vos montagnes...

Madame Germaine, très républicaine, portait une cocarde dans son chignon et cette dernière glissait peu à peu sur la nuque, sous la passion que mettait Madame à chanter.

Les filles, malgré leur nuit blanche passée à danser au son des flons-flons des bals populaires, faisaient bonne figure et affichaient leur patriotisme.

Un peu trop pour certaines qui exhibaient leur jarretière aux couleurs de la France. Suzy, par exemple, avait déjà reçu deux gifles et trois propositions indécentes.

Que Madame s'est empressée de noter pour plus tard.

Paris était pavoisée et les principaux monuments étaient décorés de délicats motifs faits d'ampoules électriques. Paris se voulait moderne, en plus d'être républicaine.

Des estrades avaient été disposées sur les places et les carrefours, pour les orchestres et les fanfares.

La veille, le peuple de Paris s'était nourri de frites, de saucisses et de flons-flons. Il espérait vivre une redite aujourd'hui.

Là, on était sous un soleil maussade, en plein vent venu du Nord, sur la plaine de Longchamp. C'était là qu'avait lieu habituellement le défilé militaire. Cette année-là, il était exceptionnel pour plusieurs raisons. Le roi et la reine des Belges étaient présents et la Belgique se devait d'être éblouie par notre imposante armée, le président Fallières décorait plusieurs régiments, dont les 1ers régiments d'infanterie et d'artillerie coloniale. Des fusiliers-marins étaient venus de Lorient la veille et pour la première fois, la marine participait au défilé du 14 juillet. Enfin, les aérostiers militaires dominaient le ciel de Longchamp, dans lequel des dirigeables et des avions passaient et repassaient.

C'était impressionnant !

Madame Germaine tenait ses troupes et Suzy frappait dans ses mains à chaque beau militaire qu'elle voyait marcher au pas.

" Ils sont mignons ces marins avec leur pompon. On dit que ça porte chance de les toucher ! Vous croyez, madame, que je peux en toucher un ?

- Touche-lui plutôt la bite, asséna sèchement Mathilde, il sera tout content de te laisser toucher son pompon après.

- Pourquoi pas ?, claqua Suzy. Au moins, ça porte chance !

- La bite ou le pompon ?, demanda Louison.

- Le pompon !, rétorqua Mathilde de sa voix pleine de sagesse. Parce que si c'était la bite, vu toutes celles qu'on touche, on devrait être les plus chanceuses du monde !"

Même Madame Germaine pouffa de rire.

Cela attirait les regards des autres spectateurs qui en fronçaient les sourcils.

" Vous n'êtes vraiment pas sortables, les filles ! Un peu d'éducation tout de même !," grogna Elvire.

De fait, Elvire se tenait bien droite et souriait à l'envi.

" Ca, il y en a certaines qui se poussent du col, on dirait..., murmura Mathilde. Ferait mieux de se trouver un protecteur et de foutre le camp du bordel. Moi, je dis ça..."

Elvire était beaucoup moins imposante lorsqu'elle se crêpait le chignon avec ses collègues. Madame Germaine arrachait des rubans en tentant de retenir les deux cocottes qui en venaient aux mains.

Prudemment, Gabrielle du Plessis s'éloigna des belligérantes, son ombrelle bien en main et son ourlet de robe de l'autre.

Elle marcha quelques mètres et s'arrêta, subjuguée.

Un fier capitaine de la Légion défilait à la tête de son régiment. Luis Perenna était là, képi sur la tête, pantalon garance et épaulettes dorées, sur une veste bleue royale.

" Il a de l'allure, ton Hidalgo !, fit Corine en examinant à son tour la Légion Etrangère qui défilait.

- Il est Péruvien, rétorqua doucement Gabrielle, les yeux posés sur son amant.

- Il y a longtemps que le régiment n'est pas venu au One-Two-Two. Tu devrais l'inviter, ma Gaby.

- Pourquoi pas ? Je pourrais lui faire une démonstration de danse javanaise...

- Sûr. Et Suzy dansera la bourrée sans culotte."

Les deux cocottes se mirent à rire en cachant leur bouche derrière leur main.

Un peu de tenue, tout de même !

C'était sérieux un défilé militaire !

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