Quand une cocotte part en vacances...

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Madame Germaine s'époumonait en vain. Tout partait à vau-l'eau. Autour d'elle, le chaos régnait.

Il fallait dire que la chaleur devenait étouffante. Les filles ne se risquaient plus dans le salon qu'en tenue d'Eve et plusieurs incidents avaient eu lieu avec divers livreurs et facteurs.

D'ailleurs, on notait avec étonnement le nombre de lettres et colis mal livrés. Les facteurs se trompaient souvent d'adresse.

Ensuite, les travaux avançaient à une vitesse remarquable, à un point tel qu'on se demandait s'ils ne reculaient pas. Madame Germaine s'en était plainte déjà plusieurs fois.

Quant à la paille, elle était toujours là, on en trouvait dans toutes les armoires. Le seul point positif était que Gabrielle avait réussi à placer tous les poussins et deux chatons.

Il ne restait que Poulette et son ultime chaton. On risquait fort de l'adopter si cela continuait ainsi.

Enfin, le pire qui pouvait arriver au One-Two-Two se produisait, comme il se produisait tous les ans. Les vacances d'été vidait la capitale et les clients se faisaient rares.

Il se passait des jours sans voir quelqu'un et les jetons ne circulaient plus.

Bref, Madame Germaine s'arrachait les cheveux et son chignon coulait tristement dans sa nuque.

" J'ai une terrible nouvelle à vous annoncer, mes enfants," annonça ce dimanche de juillet, la patronne désespérée.

On cachait de son mieux les sourires réjouis, on savait déjà ce que Madame avait de si grave à dire, en réalité, on l'attendait depuis longtemps déjà. Comme disait Mathilde, la patronne se faisait capitaliste et rognait tous les ans sur les congés de ses employés.

" Comme tous les ans, le One-Two-Two est en perdition. L'été est une mauvaise période, comme vous le savez, et cette année ne déroge pas à la règle."

Pauvre Madame Germaine ! On approuvait gravement du chef. Louison et Margot avaient déjà leurs valises de prêtes, des jours qu'elles attendaient l'aval de la patronne pour partir quelques jours à la campagne. Chez la mère de Margot.

Corine les accompagnait, elle avait besoin de calme et de repos.

" Il va nous falloir être forts et fortes ! Je suis obligée de fermer le One-Two-Two pour deux semaines."

Voilà c'était dit. Madame Germaine, sous le coup de l'émotion, dut s'asseoir sur le divan et quelques larmes coulèrent de ses yeux.

Compatissante, Elvire vint lui offrir un mouchoir. On avait envie de se moquer de celle qui, sans prévenir Madame, avait déjà son billet de train pour Nice avec un de ses clients réguliers, le prince de Moldavie.

" Deux semaines suffiront à régler tout ce cirque ?, s'exclama Mathilde. Parce qu'il n'y a quand même plus de cloisons dans le salon, ça fait jaser.

- On m'a promis de terminer les travaux pour dans deux semaines, affirma Madame en se redressant. Je me suis occupée personnellement du chef des travaux."

Mathilde se tut, domptée. On admirait Madame, si sûre d'elle et de son autorité.

" Qu'allez-vous devenir, les enfants ? Je peux vous faire une avance sur le mois, mais je ne peux pas me permettre beaucoup plus. Avec les travaux..."

On rassura Madame. Chacun et chacune avaient mis de côté pour ces jours de congé. Ou avaient trouvé un régulier pour se voir offrir des vacances. Le One-Two-Two était un établissement de qualité et les clients étaient tous plus ou moins riches et bien placés.

Suzy, par exemple, partait dans les bagages de Monsieur de Jussac. Surtout dans ceux de Raphaël de Jussac. Lentement mais sûrement, le père et le fils se partageaient la même maîtresse. Madame de Jussac ne trouvait rien à y redire, elle était aux eaux avec son amant.

Antonin et Jérôme rejoignaient leur ancien compagnon, Romain, pour un séjour en Italie. On s'apprêtait à déguster de la gastronomie italienne. Qui n'a pas rêvé devant les tableaux de la Renaissance ?

Madame Germaine s'était reprise, elle gérait les départs maintenant. Elle voulait être sûre de retrouver toute sa petite troupe pour fin juillet.

Puis, il ne resta plus qu'elle et Gabrielle à errer dans le salon dévasté par les travaux. Madame la regarda, étonnée.

" Et vous, ma petite ? Vous qui êtes toujours dans les lits des uns et des autres, vous n'avez personne pour vous emmener en vacances ?

- Hé bien, madame... Pour l'instant, je ne sais pas..."

Madame Germaine tapota gentiment la main de sa pensionnaire.

"Bah, vous verrez ! Il y aura bien un de vos hommes qui vous prendra en charge.

- J'espère Madame. Sinon, je resterai à Paris à faire du vélo."

Une heure plus tard arriva un monsieur Lenormand, fatigué mais souriant. Le redoutable chef de la Sûreté portait un canotier et une veste légère.

Il saisit la cocotte par la taille et lui murmura dans le creux de l'oreille.

" Il te faut longtemps pour préparer ta valise ? Je t'emmène à la mer, ma toute belle."

Dix minutes suffirent.

Et Madame Germaine se retrouva toute seule dans son royaume abandonné.

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