Chapitre 2
A l'occasion d'une grave entorse de cheville, je fus dispensée d'éducation physique. Mon professeur qui ne voulait pas que je prenne froid sur le stade, me confia à sa collègue qui officiait au gymnase ; je reconnus Mademoiselle Verdon malgré un survêtement bleu électrique et des baskets qui crissaient désagréablement sur le parquet.
Elle me fit asseoir dans un coin pendant qu'elle s'occupait de sa classe : des élèves de 4ème qui jouaient au hanball. Les remarques fusaient :
- Tu l'as pas vue, la balle, espèce de gourde !
- Tu vas te secouer, oui ?
- Mais t'es un boulet, toi, pour une équipe !
- Allez, il se presse un peu, le dandy, là !
Ces phrases brutales émanant de la bouche de ma chère Melle Verdon la précipitèrent d'emblée à bas du piédestal où l'avait jusque là tenue ma candeur d'enfant et je suppliais le ciel de ne jamais être parmi ses élèves en EPS (ce en quoi je fus heureusement exaucée).
***
Vincent et moi rejoignîmes un jour le parking ensemble à la fin de nos cours de la journée et je fus stupéfaite de remarquer, suspendu au rétroviseur intérieur de sa peugeot 206... un chapelet. Oui, l'un de ces colliers dont chaque grain correspond à une prière et que nos grands-mères recevaient souvent en cadeau lors de leur communion solennelle.
-Tu es croyant ? demandai-je.
-Oui, bien sûr, me répondit mon collègue. Je vais même à la messe chaque dimanche, et c'est souvent moi qui fais la lecture de l'évangile.
Depuis lors, nous discutâmes souvent de religion et de philosophie dont Vincent était féru...
Conscient de ma surprise, il me dit un jour malicieusement :
-Tu sais, Dieu n'accorde aucune importance à la couleur de nos chaussures !
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