Un bruit de battements d’ailes tira Phan de sa torpeur alors qu’elle reprenait conscience après s’être évanouie sans raison apparente. Un sifflement strident acheva de dissiper son hébétude et elle tendit le bras. Gyrfal vint s’y poser, sans qu’elle ressente la moindre douleur.
 — Salutations, voyageuse terrestre Phan. J’arrive porteur de mauvaises nouvelles.
 Phan, plongée dans ses pensées, marmonna un vague « Oui ? ».
 — Les voyageurs terrestres que tu pourchasses ont atteint le fort de la démarcation territoriale. Là, ils se sont munis de montures. J’ai réussi à en abattre un de plus, cependant, force m’est de constater mon impuissance face à leur vélocité renouvelée.
 La jeune fille resta muette.
 — Voyageuse Phan, que se passe t il ?
 — Je ne sais pas comment, mais j’ai vu Mira Valerian tout à l’heure. Enfin, je l’ai entendue. C’était bizarre.
 — N’était ce pas le nom de cette voyageuse que tu souhaitais rejoindre ?
 — Si, c’est bien elle. Je n’ai pas réussi à lui transmettre le message ! Qu’est ce que je dois faire ?
 — Jeune voyageuse, puis-je te rappeler...
 — Non ! Je n’ai pas oublié Mao ! Qu’est ce que je dois faire ? Tu dis qu’ils sont à cheval maintenant ? Je ne les rattraperai jamais à ce rythme. Et je n’arriverai pas à passer la frontière. Dis moi ce que je dois faire, toi ! Dis moi !
 Phan, désemparée, fit un brusque mouvement des bras en portant ses mains à son visage. Gyrfal, surpris, quitta prestement son perchoir. La jeune fille continuait à crier et jurer. Un grondement grave retentit soudain dans son esprit. La violence du bourdonnement lui coupa la parole, et elle fut forcée de s’agenouiller tandis que le bruit lui vrillait le crâne de douleur. Ses muscles tétanisés la contraignirent à se plier en deux. Son front vint toucher l’herbe, sa gorge brûlante des cris qu’elle poussait sans les entendre. Après quelques secondes, le bruit disparut. Gyrfal se posa au sol, à côté d’elle.
 — Jeune voyageuse Phan, la colère ne te mènera à rien.
 — C’est toi qui as fait ça ? s’indigna la jeune fille, encore aveuglée de rage et de douleur.
 Elle essaya de bondir sur le faucon. Mais un nouveau grondement la cloua sur place. Toutes pensées englouties dans un tourbillon de douleur blanche, la jeune fille se tordit d’agonie au sol. Le bruit cessa.
 — Es tu désormais calmée, voyageuse terrestre ?
 Abrutie par la souffrance rémanente dans tous ses muscles, Phan regarda le faucon sans le voir.
 — Très bien. Je regrette d’avoir dû t’infliger cela. Mais tu semblais sur le point de perdre l’esprit. Si tu le souhaites, je vais désormais t’accompagner dans ta quête d’une solution à tes problèmes.
 Toujours hagarde, la jeune fille ne répondit pas. Elle reprenait peu à peu conscience de ce qui l’entourait et de ce que Gyrfal lui disait.
 — La question primordiale n’est pas ce que tu dois faire, voyageuse. Mais ce que tu es en mesure de faire. Maintenant, pense à la réponse, qu’es tu en mesure de faire à cet instant ?
 — Je... balbutia t elle, je peux…
 Les larmes lui montèrent aux yeux devant la conclusion qui s’imposait.
 — Je ne peux rien faire...
 — Précisément. Alors jeune voyageuse terrestre, si tu souhaites vraiment mes conseils dans la situation présente, je n’en ai qu’un à te fournir : dors. La nuit amène souvent de bons présages.
 — Impossible... hoqueta Phan. Trop... Trop de choses...
 — Souhaites tu que je t’aide à t’endormir ?
 — Tu... tu peux faire ça ? supplia la jeune fille.
 Gyrfal émit le petit crissement trahissant son hilarité. Une vibration naquit dans l’esprit de la jeune fille, semblable au grondement qu’elle avait entendu précédemment, mais plus doux, plus mélodieux. La tempête déchaînée dans son crâne, mélange de douleur, de chagrin, des sentiments d’impuissance et de doute qu’elle haïssait tant, se calma presque instantanément. Les flots de son esprit se firent paisibles, la mer de pensées étale. Quelques instants plus tard elle sombrait dans un profond sommeil.