Iris marchait devant eux sans se retourner pour vérifier qu'elle était encore suivie. Les deux hommes ne la quittaient pourtant pas d'une semelle et Phil ne cessait de la questionner.

- Tu les as vraiment tué seule... tous les deux ? Demanda-t-il pour la seconde fois, blessé dans son égo. Si le Capitaine Evan n'était pas intervenu, il serait mort très rapidement.

- Tu n'es pas le seul à avoir suivi l'entraînement. J'ai appliqué ce pour quoi on m'a formé.

Elle répondit sèchement à sa question sans le regarder. Le jeune homme remarqua que ses mains étaient serrées en poing, comme quand elle était à cran et sur le point de faire une crise. Alors il décida de lui lâcher la bride pour l'interroger plus tard. Il ne pouvait pas en rester là.

- Que faisons-nous Capitaine ? Demanda Iris quand ils eurent rejoint leur poste initial. L'intéressé l'observa avec les yeux plissés pendant plusieurs secondes tout en répondant. Lui non plus avait du mal à croire en ce miracle.

- Nous attendons qu'on sonne la fin du danger ou que la relève arrive. D'ailleurs, la prochaine fois que vous avez la brillante idée d'attaquer sans l'ordre d'un supérieur et si vous survivez... je vous envoie au trou pour une semaine. Nous n'avons pas besoin de mort inutile sur le camp. Nous sommes déjà très peu.

Il les fusilla du regard avant de s'asseoir les pieds pendants dans le vide. Les deux nouvelles recrues le regardèrent surpris.

- Mais vous étiez absent et ils allaient droit sur le camp, plaida Phil.

- Ne pleurniche pas, tu as eu tort de donner l'ordre d'attaquer. Il y a des feux colorés à allumer en cas de danger. Vous auriez aussitôt obtenu l'aide de l'équipe la plus proche. En voulant jouer les héros tu as mis ta camarade en danger et si je n'étais pas arrivé à temps tu aurais fini en petit morceau.

Iris observait la scène de loin en écoutant d'une oreille toujours sonnée par ce qu'il venait de lui arriver. Même si le capitaine ne lui renvoyait pas d'image positive, il avait raison. Phil avait encore une fois agi sous impulsivité et elle l'avait suivi aveuglément. Après tout, elle n'était pas ici pour penser des plans mais bien pour se battre.

- Si vous aviez été à votre poste, je n'aurais pas eu à prendre cette décision.

Iris ne put s'empêcher de lâcher un rire nerveux tout en observant ses mains noircies.

- Le petit morveux va passer quelques jours au trou pour réfléchir à la façon dont on parle à son supérieur, rétorqua Evan sans même le regarder. Le jeune officier leva la main pour répliquer mais se reteint pour finalement capituler. Il n'avait pas envie de se faire encore plus remarquer et cet homme venait de lui sauver la vie. Il s'appuya sur un arbre pour refouler sa colère et la digérer, puis il décida de se concentrer sur Iris semblant toujours absente.

La jeune femme, elle aussi, combattait ses émotions et ses souvenirs. Elle ne savait plus trop ce qu'il s'était passé dans la forêt quelques minutes plus tôt et comment elle avait pu tuer ses sorciers. Si elle l'avouait elle serait sûrement révoquée pour folie et traumatisme. Alors elle préféra s'inventer une histoire parfaitement plausible. Le premier sorcier l'avait attaqué et elle avait pu planter son couteau enflammé sur sa tête, avant de tirer une flèche dans le second. Elle avait eu simplement beaucoup de chance.

Le temps passa dans un silence de plomb, Evan observait le paysage et les deux autres faisaient de même. Ils n'avaient pas grand-chose à se dire de toute façon. Finalement au bout de plusieurs heures de calme, une équipe de trois personnes arriva pour les remplacer. Evan les salua brièvement avant de leur faire un point sur la situation. Ils ne parurent pas surpris que des sorciers aient été aperçus. Ils hochèrent simplement la tête avant de saluer le Capitaine. Ce dernier indiqua d'un signe de tête à son équipe de le suivre. Phil et Iris ne se le firent pas dire deux fois pour ne pas avoir plus d'ennuis qu'ils n'en avaient déjà récolté.

- Vous aurez une garde comme celle-ci deux fois par semaine en plus des jours de pluie. Bien sûr, sauf quand nous partirons en mission... dans un avenir lointain étant donné vos lacunes évidentes et votre incapacité à suivre des ordres simples.

Il les toisa un part un avant de leur donner de nouvelles instructions pour le reste de la journée.

- Vous allez ranger et nettoyer vos armes, ainsi que votre nouveau cabanon. Croyez-moi il y a du travail. Toi, Fleurette... tu viendras me voir une fois ton travail terminé. Quant à toi... l'insubordonné, tu commenceras tes trois jours de trou ce soir. Aucun repos ne sera toléré tant que vos tâches ne seront pas terminées. Faites passer le mot au reste de votre équipe, enfin... s'ils ont survécu.

- Oui Capitaine !

Ils répondirent en cœur, puis ils le regardèrent s'éloigner vers l'allée des haut gradés. Il avait pris le soin de leur laisser ses armes avant.

- Quel peau de vache celui-là ! Ils nous ont pris pour ses mulets ou quoi ! Gronda Phil en attrapant les armes d’Evan pour essayer de les soulever. Iris le vit grimacer, il avait une blessure ouverte sur le bras, il ne devait pas porter cela.

- Je vais m'en occuper. Dépose tes armes au cabanon et va à l'infirmerie, dit-elle en soulevant à sa place le paquet. Il grimaça mais ne protesta pas. Sa plaie était profonde et très douloureuse.

Iris se dirigea vers leur cabanon en se demandant si leurs amis étaient, eux aussi, rentrés en vie. C'était bien la première fois qu'elle se posait cette question et cela serait sûrement son quotidien à présent. En arrivant devant la porte, des voix familières la rassurèrent immédiatement.

À peine eut-elle passé la porte que deux grands bras l'entourèrent et la soulevèrent du sol. Elle hurla aussitôt en se débattant.

- Lâche-moi immédiatement Al ! Je déteste ça !

Elle lui envoya un cou de pied bien placé et l'étreinte s'ouvrit aussitôt.

- Ravie que tu sois vivante, sinon je n'aurai jamais assisté à cette scène, rigola Sam en tapotant l'épaule d’Al qui se tordait de douleur à genoux sur le sol.

Iris la fusilla du regard avant de s'accroupir devant son ami.

- Excuse-moi Al, tu sais qu'il ne faut pas m'approcher comme ça...

Il hocha la tête en affichant un sourire crispé.

- T'inquiète pas Iris, je me suis emporté... on a entendu parler de cette attaque sur deux officiers de la 345. J'ai eu la peur de ma vie... où est Phil d'ailleurs ?

La jeune femme s'allongea sur le premier lit qu'elle trouva avant de pousser un soupir de soulagement. Tout son corps était engourdis et elle ne demandait qu'une seule chose : dormir.

- À l'infirmerie, il a été blessé pendant l'attaque, mais rien de grave…

Un grand silence se fit et elle sentit les deux regards de ses camarades se poser sur elle. Mal à l'aise, elle tourna la tête vers eux en grimaçant devant leur expression.

- Fais pas ta princesse, ne nous oblige pas à te supplier de tout nous raconter ! Grogna Sam en venant s'asseoir près d'elle.

Iris n'avait pas du tout envie d'en parler pour l'instant, alors elle trouva une parade infaillible.

- Je dois voir Evan, il m'a convoqué et m'a demandé de vous dire de nettoyer les armes et le cabanon avant toute autre activité. J'y vais !

Elle désigna les deux artilleries sur le sol avant de bondir vers la sortie.

- Tu nous raconteras tôt ou tard ! Cria Sam en essayant de l'intercepter au passage. Mais la jeune femme malgré la fatigue restait rapide et vive, elle esquiva sans peine son amie avant de filer par la porte en trottinant. Sam et Al se lancèrent un coup d'œil.

- On fait à la courte paille pour leurs armes ? Proposa Al en lui montrant les deux brins d'herbe qu'il avait dans la main.