Evan, encore contrarié de l'accueil de sa réunion auprès des Capitaines, retourna vers son campement de très mauvaise humeur et tard dans la nuit. Il aperçu au loin le feu, surveillé par deux de ses officiers. Au moins, il n'avait pas à leur apprendre comment s'occuper d'un campement. Ils avaient planté les tentes de la bonne façon formant un cercle autour du feu afin de pouvoir les enflammer en cas d'urgence. Les chevaux avaient été nourris et il pouvait sentir l'odeur d'une soupe. Cela eut pour effet d'apaiser un peu son humeur massacrante, il comptait sermonner les deux fugitifs mais leurs efforts combla son envie.  

Phil et Louis étaient en pleine conversation quand il vint prendre place autour du feu. Les deux hommes se turent immédiatement avant de le saluer. Evan vit Louis se crisper légèrement sans pour autant prendre la fuite.

- Reprenez votre discussion, je vais manger et partir dormir. 

Phil se leva aussitôt pour lui servir un bol de soupe. 

- Avez-vous pu trouver une équipe volontaire pour nous accompagner ? Demanda alors le froussard en évitant toujours son regard. Le capitaine prit une cuillère de soupe chaude, profitant de la chaleur de cette dernière pour le réchauffer un peu.

- Ravi que cela t'intéresse malgré que tu sois parti avant la fin. Mais non, aucun de ses trouillards ne nous accompagnera. Cela nous retarde un peu plus. Nous devrons donc passer par le camp 21 pour recruter une équipe. 

- Je comprends Capitaine, je suis désolé d'être parti durant la réunion mais...

Louis se stoppa en voyant le regard de Phil. Le chef d'équipe ne souhaitait pas qu'il en dise plus sur les difficultés d'Iris. Il avait peur que le Capitaine tourne cela en dérision.

Mais l'homme les surpris une fois de plus en prenant la parole.

- Mais Fleurette était contrariée et mal à l'aise, je comprends. Je n'aurai peut-être pas dû la brusquer ainsi. 

Les deux officiers se lancèrent un regard surpris d'entendre pour la première fois une émotion traverser la voix de leur Capitaine. 
Phil en profita alors pour expliquer les raisons de la fuite de leur camarade.

- Iris n'aime pas qu'on la touche. Elle dit qu'elle déteste cela mais je pense que c'est une vraie peur chez elle. Hors elle pense n'avoir peur de rien. 

Evan hocha la tête, il avait remarqué ce comportement chez son soldat. Son courage ne lui avait pas échappé surtout lors de son combat avec les deux sorciers, elle était prête à reprendre les armes. Iris était la seule à ne pas le questionner sur le plan à suivre, où son projet de capture. Elle fonçait tête baissée. Il songea aussitôt qu'il devrait être vigilant sur cela. Les soldats avec trop de bravoure faisaient rarement long feu dans des combats plus stratégiques. 

Le Capitaine but de nouveau une gorgée de soupe. Il se remémora ses premières années en tant que soldat. Il avait lui aussi été mobilisé de force au sein de son orphelinat. Son père et sa mère l'ayant abandonné alors qu'il n'avait que 4 ans. La pauvreté de sa famille les avait poussés à prendre cette décision. Il n'était alors pas assez âgé pour se souvenir de cette époque mais pourtant la blessure était bien là au fond de lui. Une déchirure si grande qu'il avait du mal à s'attacher aux personnes en général. Il avait très vite compris qu'aimer était le premier pas vers la souffrance et la perte. C'est pour cela qu'il était devenu avec les années l'un des meilleurs officiers de Sylve et le plus jeune Capitaine de l'armée Sylvienne. Pourtant, il avait dû travailler sur lui pour mettre de côté son esprit combatif, et vaillant, qui avait failli lui être fatal dès son premier combat. 

Evan secoua la tête pour revenir dans l'instant présent. Il ne souhaitait pas se souvenir de cette horrible journée meurtrière. 
Le feu crépitait toujours dans son foyer et Phil et Louis avaient repris leur discussion d'une voix plus basse. Il les ignora se concentrant sur son bol de soupe et sur les flammes. Depuis son entrée dans l'armée il était très attiré par le feu, l'élément qui permettait à l'humanité de survivre. Il se demandait d'ailleurs pourquoi ces créatures presque invincibles avaient un point faible que l'homme maîtrisait parfaitement. Il ne croyait pas vraiment en cette croyance, d'un univers qui déciderait pour eux. Cette religion qui dominait Sylves et tous les autres peuples le répugnait. En fait, il ne comprenait pas. Si l'Univers avait un pouvoir décisif, si comme dans les textes le décrivant, il était bon et bienveillant. Pourquoi aurait-il créé un ennemi si puissant pour l'homme ? A cela la réponse des grands maîtres, chef de la religion, était que l'univers avait décidé de les punir pour leur guerres entres peuples, en créant un ennemi pour les remplacer définitivement. Alors l'homme devrait prouver sa valeur en exterminant cet ennemi pour reprendre sa place dans le cœur de l'Univers. Evan ne pouvait pas y croire, toutes ses croyances se contredisaeint et surtout, l'Univers n'aurait jamais choisi le feu comme point faible pour cet ennemi. Si vraiment les sorciers étaient l'œuvre d'une force mystique, cette force les aurait créés sans point faible. 
Pourtant, le feu était bien là et il les avait sauvé de nombreuses fois.

Les flammes dans le foyer s'intensifièrent soudainement sous le regard du Capitaine. Pourtant, personne n'avait rajouté de bois. Peut-être une légère brise venant l'alimenter. Il observa danser les flammes encore plusieurs minutes, elles grandissaient puis retrouvaient une taille plus petite avant de tourbillonner sur elles-mêmes. Le feu était capricieux ce soir, mais toujours présent pour les protéger.

- Les gars ! Oh Capitaine...je voulais juste prévenir Phil et Louis...Iris nous fait une petite crise on dirait. 

Tous les regards se concentrèrent sur Al qui venait d'arriver en courant. Il eut à peine le temps de raconter ce qu'il arrivait à Iris que déjà Phil s'était levé pour trottiner jusqu'à la tente de la jeune femme. Evan se leva doucement jetant un dernier regard au feu, qui s'aimait encore un peu plus produisant des étincelles. Depuis qu'il avait rejoint cette équipe, il n'arrivait pas à passer des temps calmes.

Il se dirigea d'un pas lent vers la tente où tous ses officiers étaient à présent attroupés. 

- Iris, tu fais sûrement un cauchemar, réveille-toi ! Gromela Phil en secouant le corps crispée de la jeune femme. Evan l'entendit hurler et il s'empressa de pousser les deux spectateurs inutiles pour voir s'il devait intervenir. Phil et Sam avaient sorti Fleurette de sa couchette. La rêveuse était agitée, ses membres déambulant au hasard dans l'espace. Elle semblait désorganisée dans son propre corps, et hurlait des mots incompréhensibles.

- Je peux peut-être la gifler ? Proposa Sam en levant sa main, mais elle la rabaissa en voyant le regard de son chef d'équipe et de son capitaine. - Très bien...c'était juste pour aider ! 

Iris poussa un nouveau cri, un cri qui dégageait une immense souffrance. Il traversa l'équipe entière les faisant sursauter en cœur. Evan comprit qu'il devait agir en voyant ses jeunes soldats incapables de prendre une décision, et les joues de Phil se  couvrir de larmes. Il s'accroupit à  côté du corps tremblant de la jeune femme et demanda à Sam d'aller leur chercher de l'eau. Au moins, il en occuperait une. Iris hurla de nouveau en se tortillant dans tous les sens. Le Capitaine balaya rapidement ses membres pour comprendre d'où venait cette crise. Elle avait les yeux bien fermés, sa tête faisait des vas et viens, si fort qu'elle se cognait contre le sol. Ses bras s'écartaient, mais elle les rapprochait aussi de son torse avant de les tirer loin d'elle. 
Elle poussa un énième cri, et il crut entendre des mots: "Coupez-les". 

- Ses cicatrices ! Enlève-lui ses bandages, ordonna-t-il à Phil trop dans l'émotion pour pouvoir agir. Un coup de pied du Capitaine, le ramena rapidement à la réalité. Al se positionna derrière la tête de son amie pour l'empêcher de se blesser, tandis que les deux autres déroulaient agilement ses pansements. 

Louis prit alors l'initiative d'aller chercher l'équipe médicale. Il était très rapide, et enfin utile. 

- Ses marques, elles saignent ! S'écria Al en voyant les cicatrices en forme de doigts ayant marquées son amie couverte d'un sang rouge vif. 

- Quel merdier ! Gronda Evan en trempant les bandages dans l'eau que venait d'apporter Sam. L'eau était bouillante, mais il ignora la douleur pour agir au plus vite. 

- Coupez-les ! COUPEZ MES BRAS ! S'égosilla l'endormie pour la deuxième fois.