Chapitre 29
- La mort de l'officier Gabriel Astran prouve que cette mission est bien trop dangereuse pour être acceptée. Ce garçon aurait pu vivre s'il n'avait pas été envoyé aux alentours du camp 24, une zone infestée de sorcier. Nous sommes suffisamment attaqués de toute part pour aller nous mettre en danger dans les terres ne nous appartenant plus. Evan plissa les yeux en entendant parler un vieux capitaine du camp 23. Il devait sûrement avoir le double de son âge et des cernes plus grands que le pays de Sylve. Le jeune capitaine l'observa d'un œil tout en croisant ses bras sur sa poitrine. Il esquissa un demi sourire.
- Cela fait combien de temps que vous et votre équipe n'avez pas mis les pieds dans une bataille ? Je suis d'ailleurs surpris, nous sommes tous des éclaireurs pourtant nous ne faisons rien à part nous terrer dans nos camps en attendant la mort. Elle viendra de toute façon, bien assez tôt... surtout pour vous.
Amy s'étrangla avec sa salive en essayant de se retenir d'éclater de rire. Elle donna un coup de coude à son ami pour le calmer, mais il l'esquiva avant de se lever. Il s'adressa directement au Leader, ce dernier avait peut-être une dizaine d'années de plus que lui. Sa jeune expérience dans son rôle était évidente, mais cela était peut-être en sa faveur. Il fallait qu'il trouve les mots justes.
- Encore une fois, je répète la même chose. Nous ne pourrons gagner cette guerre en nous cachant. Nous savons à présent que les sorciers peuvent parler. Il nous suffit d'en capturer un, de le torturer jusqu'à ce qu'il nous révèle tous ses secrets. Le plus important pour l'instant et de récupérer le camp 24 et 25. C'est un point stratégique pour l'ennemi, c'est d'ailleurs pour cela qu'il la choisit. Mes soldats sont entraînés pour. La mort du jeune Gabriel a été le malheureux déclencheur d'un état d'esprit combatif et prudent. Depuis deux semaines, ils s'entraînent jour et nuit. Sa coéquipière prit le relais en demandant la parole. Le Leader Wise l'autorisa à parler d'un signe de la tête. Evan n'avait cessé de scruter ses réactions, pour l'instant, il avait plutôt l'air très intéressé. Il était l'un des plus jeunes leaders du pays, l'avantage principal était qu'il était beaucoup plus aventureux que les anciens.
- J'ai été longtemps septique, mais Evan est un soldat aguerri avec de l'expérience. Il a un taux de réussite de 90 %. Son équipe lui voue une entière confiance tout comme moi. Les derniers événements m'ont donné envie de réussir cette mission. Nous devons cesser de subir et passer à l'offensive. Les récentes découvertes ne peuvent être ignorées.
Elle se tut avant de s'installer dans sa chaise. Wise la dévisagea quelques instants tout en lissant ses longs cheveux. Les autres militaires présents, continuèrent de chuchoter entre eux faisant s'élever dans l'air un léger brouhaha. Evan lui, ne parlait pas. Il regardait droit devant lui certain que sa mission allait être finalement acceptée. Il était hors de question qu'il en soit autrement pour lui. Son équipe avait trop travaillé, ce jeune homme était mort pour cette mission. Il ne fallait pas que ce soit en vain. De plus les jours d'Iris semblait compter. Il ne prenait pas comme elle a la légère l'avertissement de leur ennemi. Ces cicatrices allaient finir par la tuer.
- Bien, j'ai entendu vos arguments tous plus longs les uns que les autres. Le Capitaine Evan remporte ce duel. Je veux sortir de cette boucle infernale, qui nous enferme dans nos camps, nous laissant sans cesse dans la peur. Utiliser un mort pour empêcher cette mission serait une erreur, si le taux de mortalité a baissé sur le camp 23, c'est parce que nous ne faisons qu'attendre. Je n'ai pas l'intention d'attendre plus longtemps la mort. Vous avez mon autorisation et vous pouvez réquisitionner tous les effectifs et le matériel nécessaires. Mais je souhaite que ce sorcier capturé, passe par notre camp.
Iris vit la porte du cabanon s'ouvrirent. Une flopée de Capitaine sortirent en bavardant bruyamment. Elle avait passé presque une heure à attendre Evan, pourtant, ce fut le dernier à sortir. Il ne prit d'ailleurs pas la peine de la saluer, passant devant elle à toute vitesse. C'était sa façon à lui de l'inviter à le suivre, ce qu'elle fit immédiatement. Ils marchèrent ainsi pendant plusieurs minutes, perdus dans leurs pensées respectives. Iris avait une idée bien en tête depuis le matin. Elle souhaitait retrouver sa liberté, mais elle n'arrivait pas à aborder le sujet avec son supérieur. Ce dernier était déjà entrain de repenser son plan d'attaque et le nombre d'officiers dont ils auraient besoin.
- Capitaine ?
La voix de Fleurette le sortit quelques secondes de sa réflexion. Il ralentit un peu pour laisser la jeune femme le rattraper. Elle était d'ailleurs bien silencieuse aujourd'hui, cela l'aurait presque inquiété si elle n'avait pas posé une question.
-Oui ?
Elle hésita se grattant la cicatrice, qui ornait à présent pour toujours sa joue. Il s'impatienta la pressent de parler avant qu'il ne lui pousse des racines.
- je souhaiterais récupérer ma liberté de mouvement. Je vous ai suivi pendant deux semaines. J'ai même patienté des heures devant cette porte durant vos réunions. J'ai compris je n'aurai jamais dû me mettre en danger, je ne le referai plus...
Elle était vraiment très agacée à présent en y réfléchissant de nouveau. Le Capitaine lui avait ordonné de le suivre en guise de sanction pour avoir délibérément pris la décision de suivre un sorcier. Elle devait le suivre toute la journée et la nuit Phil était chargée de la surveiller. Quand ces deux là n'étaient pas disponible, c'était Al, qui prenait le relais. Il avait d'ailleurs prit son rôle très au sérieux, remonté contre la jeune femme de s'être mise bêtement en danger. Phil quant à lui, ne cessait de lui rappeler son insouciance et sa bêtise. Il avait d'ailleurs beaucoup de mal à lui adresser la parole pour aborder un autre sujet. La rancune de ses amis étaient bien plus douloureux pour Iris que de suivre leur supérieur aigri. Ce dernier ricana cyniquement en se grattant le menton. Il l'observa avec précision cherchant à déceler chacune de ses expressions. Passer autant de temps avec elle, avait permis de bien mieux la cerner. Ce qui lui permit de dire la phrase suivante.
- Tu ne penses pas un seul mot de ce que tu viens de dire. Tu aurais au moins pu faire un effort. Continue de marcher.
Il reprit son chemin en vérifiant qu'elle le suivrait. Iris poussa un soupir avant de reprendre sa marche. Il était hors de question qu'elle continue de se faire humilier de la sorte. Elle avait fait une seule erreur et la voici privée de sa vie. Ils arrivèrent dans un cabanon, qui avait été attribué à leur équipe pour préparer leur stratégie. Un air froid et humide y régnait, Evan se pencha sur la cheminée pour la rallumer.
- Je pense que vous êtes tous très hypocrites, répliqua-t-elle attendant que son chef se retourne pour protester. Il le fit, immédiatement, lui lançant un regard intrigué.
- mais encore ?
-Vous me faites de grandes leçons de morales. Mais vous n'avez pas entendu ce sorcier, vous n'étiez pas dans ma situation. Auriez-vous sacrifié la vie d'Amy pour sauver la vôtre Capitaine ?
Il la dévisagea d'un œil calme et détendu. Pourtant, il attendait la suite de cette conversation avec impatience. Cette petite était bien la seule avec son amoureux transi à oser lui tenir tête. Il appréciait cela et comprenait parfaitement comment ces deux là pouvaient s'entendre. Elle avait de bons arguments, son discours se tenait. Mais il était temps qu'il obtienne ce qu'il cherchait avec cette sanction.
- Tu as raison Fleurette, tu marques un point. Mais ton attitude reste inquiétante. Tu n'as absolument aucun instinct de survie. Tu ne réagis qu'en fonction des autres. Ils ne seront pas toujours là, il faut que tu cherches une autre source de détermination.
Il reprit son allumage de feu en soufflant sur un début de flamme sans grande conviction. Le bois était bien trop humide pour le faire flamber. Il entendit Iris s'impatienter derrière lui. Elle avait commencé à faire les cent pas devant un vieux divan miteux sans chercher à s'y asseoir.
- C'est... Faux. Je suis capable de me battre pour moi-même.
Il vit la petite flamme s'intensifier par miracle et crépiter vivement sur le bois mouillé. Il fixa son regard sur le petit feu tout en reprenant la parole.
-Vraiment ? Ton premier combat, tu m'as décrit une acceptation de la mort jusqu'à ce que Phil crie. C'est son cri qui t'a poussé à combattre. Là, c'est la mise en danger de son frère qui t'a poussé à te laisser kidnapper. Qu'en est-il de toi ? Qu'as-tu ressenti ? De la curiosité ? De l'orgueil ? De la peur ?
La flamme s'intensifia de nouveau en créant une légère explosion, qui le fit reculer. Le feu avait entièrement prit sa place dans la cheminée. Au même moment, Iris s'agaça.
- Je n'ai pas peur !
- Bien sûr... J'aurai sûrement saisi la main de ce sorcier aussi, mais j'aurai été terrifié. J'aurai aussi eu peur de ces marques sur mon corps, de ces voix dans ma tête et de ces événements étranges circulant autour de moi.
Elle lui lança un regard surpris tout en croisant ses bras sur sa poitrine. Ses pieds ne tenaient plus en place, elle grinçait aussi des dents.
- Je ne comprends pas où vous voulez en venir.
Evan haussa les épaules en venant s'asseoir sur le vieux divan. Un nuage de poussière s'éleva dans l'air quand il y prit place.
- C'est bien ça le problème. Tu n'as pas des réactions dignes d'un officier de Sylve. Tu sembles survoler toute cette étrangeté sans te poser de question. Il est temps que tu réalises ce qu'il se passe. Tout cela n'est pas normal et tes réactions ne sont pas adaptées. Nous ne sommes pas des héros, nous ne nous sacrifions pas. En tout cas pas sous mes ordres. Tu excelles au combat, mais tu as des problèmes à régler. Je ne te laisserais plus foncer tête baissée. Accepte tes émotions, elles te rendent juste humaine. Accepte d'avoir peur, ça te permettra de survivre.
Iris attrapa un verre sale ayant été oublié sur la table. Il vint s'écraser au-dessus de la cheminée, qui flambait ardemment. Evan esquissa un sourire en coin fixant ses yeux sur les flammes. Il ne l'entendait ainsi que très peu grommeler dans son coin. C'était une jeune femme encore, elle était dépassée par ce qu'il lui arrivait. Il ignorait son passé, mais cela devait avoir un lien avec son manque de jugement. Il s'inquiétait pour elle, un changement de comportement serait très long. Heureusement, son esprit scientifique l'aiderait à accompagner cette femme dans ce combat intérieur. Il était lui-même passé par là, il combattait encore.
- Vous voulez que je m'invente des émotions que je ne ressens pas ? Je... Je n'ai pas eu de chance et tout le monde aurait pu tomber sur ces deux horribles monstres. Je suis leur victime, je ne compte pas m'apitoyer... même si je dois passer encore dix ans à vous suivre.
- Cela n'a rien d'une coïncidence, Iris. Tout est liée, aide-moi à découvrir pourquoi toi ? Fouille dans tes souvenirs, ne te cache pas la vérité et dis-la moi. Je suis ton meilleur allié.
Il avait pris une voix plus douce pour tenter de calmer son officier. Elle était sur le point d'exploser, il sentait sa respiration s'accélérer. Elle avait même poser une main sur son cœur pour l'entendre battre. Mais au moins, il savait qu'il avait déclenché quelque chose en elle.
Elle vint s'asseoir en face de lui en tailleur. Ses mains attrapèrent les racines de ses boucles noires, qu'elle tira légèrement.
- La vérité... elle est forcément fausse. Je ne peux pas accepter cette vérité là, Capitaine.
- Tu le dois pourtant, ne t'ais-je pas prouvé que tu pouvais avoir confiance en moi et en ton équipe.
Elle releva aussitôt la tête, ses yeux onyx étaient brillant. Il voyait de légères larmes se faufiler entres ses longs cils. Ses lèvres tremblèrent juste avant qu'elle ne réponde.
- Je ne veux pas qu'ils soient au courant.
- Alors ça ne sera pas le cas.
Il attendit qu'elle trouve le courage de lui dire encore une fois la vérité. Elle n'y arrivait pourtant pas, un combat intérieur avait l'air de se dérouler en elle. Mais il la savait aussi courageuse, il n'eut pas à patienter longtemps avant qu'elle parle enfin.
- Le sorcier, je le connaissais. Et je peux vous assurer qu'il n'est pas mort. Je ne peux pas vous dire pourquoi, je n'en sais rien. Mais je connais sa voix, je l'ai déjà entendu. Je ne sais pas quand... Lorsque nous sommes rentrés, elle raisonnait encore en moi. Mais c'est impossible... N'est-ce-pas Capitaine ?
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