Chapitre 57
- Tu vas voir, le Capitaine Eagal est une bonne personne, il prendra bien soin de toi. Tu vas être bien là-bas.
La mère regarda son enfant avant d'épousseter une troisième fois ses épaules et ses tous nouveaux vêtements. Il n'avait pas l'habitude d'avoir des habits neufs, il avait été tout content de les enfiler jusqu'à ce qu'il voit cet homme arriver. Il était grand, barbue, effrayant. Quand il passa la porte de la cabane de ses parents, son regard croisa celui du jeune garçon. Il prit peur et souhaita se cacher derrière sa mère qui le poussa au contraire vers l'homme.
- C'est lui Evan ? Demanda-t-il d'une voix forte et sèche. La femme hocha la tête poussant le jeune enfant vers lui. Il voulut reculer, mais l'homme le saisit par le bras avant de le regarder sous toutes les coutures. Il avait une poigne ferme et dure qui fit mal à l'enfant, mais il n'osa rien dire. Eagal regarda ses bras, ses jambes, ses pieds et même ses dents avant de le lâcher manquant de le faire tomber.
- Il m'a l'air en bon état. Il obéit ?
Evan leva les yeux vers sa mère, qui répondit par l'affirmative. C'est vrai qu'il obéissait presque toujours, parce qu'il n'aimait pas la voir en colère, mais elle l'était souvent. Quand elle était en colère, elle disait qu'elle aurait préféré avoir un cheval, que ça lui aurait été plus utile qu'un fils. Alors il était triste, mais aujourd'hui sa mère avait l'air joyeuse. Evan aimait la voir sourire.
- Nous avions dit cent pièces ? Je vous en donne deux de plus, il me plaît bien. Je vous rappelle qu'une fois que vous aurez l'argent, vous n'aurez plus de fils. Il sera rayé des registres et n'existera plus pour votre famille. Suis-je bien clair ?
Le jeune garçon observa la mère et le Capitaine se serrer la main sans la moindre hésitation. Puis un sac de pièce entres les doigts, sa mère recula le laissant de plus en plus seul. Il se retourna pour la voir s'éloigner changeant de pièce, il ne chercha même pas à la suivre parce que malgré son jeune âge, il avait compris.
- Allez viens mon garçon, nous avons de la route à faire, ne traîne pas.
Iris regarda son capitaine semblant se remémorer de mauvais souvenirs. Il avait l'air plus agité que d'habitude, peut-être parce que la situation le touché personnellement. Elle se souvenait quand il lui avait raconté un bout de son histoire. Elle n'imaginait pas l'éducation qu'avait pu lui procurer cet homme semblant si sévère, ni le traumatisme de sa vente.
- Je ne m'étendrai pas sur le sujet, car nous n'avons pas le temps. Mais je vous fais suffisamment confiance pour vous dire cela. J'ai fait partie des unités spéciales de l'armée de Sylve. Une unité secrète dont le chef est le Capitaine Eagal. Ils sont chargés de faire régner l'ordre dans le pays en toute discrétion. Eagal recrute ses soldats lui-même, achetant le plus souvent des jeunes enfants à leurs familles ou recrutant des officiers venant de famille importantes pour camoufler son affaire. Le Capitaine Will est l'un d'eux. Les unités spéciales ont accès à tous les documents et archives concernant la population de Sylve. Ils connaissent les moindres secret et ont des techniques leur permettant de récolter n'importe quelle information.
Il garda le silence une seconde laissant son équipe intégrer ses paroles. Iris comprenait à présent son sens de l'observation et de l'analyse. Il était un professionnel, un officier d'élite entraîné depuis sa plus tendre enfance. Cette idée la dérangeait, des enfants vendus à cet homme pat leur propre parent. Elle se demanda si Evan était devenu un orphelin de Sylve de cette façon. Cela voudrait dire qu'il aurait encore ses parents biologiques en vie quelque part dans le pays.
- Vous ne travaillez plus pour lui désormais ? Demanda Louis presque comme une affirmation.
- En effet, cela fait bien longtemps que j'ai quitté ses rangs. Je ne cautionne pas certaines missions de cette escouade. Ils ont tous les droits, ils peuvent faire disparaître une personne gênante en l'espace d'une nuit sans s'inquiéter des conséquences. Eagal est lui-même protégé.
Il se leva afin d'être à la hauteur de ses officiers. Leur regard avait changé confirmant qu'ils étaient plus ouvert et à l'écoute. Leur bras quelques instants plus tôt croisés étaient à présent le long de leur corps. Seule Iris restait sur ses gardes, elle avait replié ses bras autour de ses jambes et enfouie sa tête à l'intérieur ne laissant apparaître que ses prunelles noires fixées sur lui.
- J'ai toujours été transparent avec vous, sauf concernant le mystère entourant Iris, je respectais sa volonté. Je vous répondrais toujours avec sincérité si vous me posez des questions. Pour l'instant, nous devons quitter ce camp rapidement. Le sorcier capturé a été rapatrié au camp 19 en toute discrétion, mais le gouvernement ne tardera pas à l'apprendre. Si nous voulons l'interroger, il faut partir dès ce soir. Je vous donne une heure pour décider si vous souhaitez me suivre ou changer de Capitaine et donc d'équipe.
Il lança un regard à Phil, il lui donnait une opportunité de quitter son équipe sans se mettre ses amis à dos. Le jeune homme baissa les yeux, il espérait que ces derniers jours l'aient fait changer d'avis.
- Iris, tu es la seule qui n'a pas le choix pour le moment. Soyez prêt à partir dans une heure.
Il sortit de la pièce n'ayant rien à ajouter. Iris se leva aussitôt pour le poursuivre dans les escaliers menant au rez-de-chaussée.
- J'ai une question, Capitaine.
Ils étaient arrivés dans la salle principale. Evan se servit un verre d'alcool, cela surprit la jeune femme. Il n'avait pas pour habitude de boire, il disait que cela l'empêchait de bien réfléchir et réduisait ses neurones.
- Vas-y je t'écoute.
- étiez-vous sûr qu'il n'y avait aucune chance que je meurs quand vous avez tiré ?
Elle devait le savoir, sinon comment pourrait-elle lui faire confiance à nouveau. Elle avait vu son regard au moment de tirer sa flèche, il n'avait pas hésité, il n'avait pas non plus d'expression dans les yeux. Comme s'il ne ressentait rien en mettant fin à ses jours. Cela pouvait s'expliquer s'il était certain qu'elle ne risquait rien. Aurait-il été capable de la sacrifier ? Sa réponse ne tarda pas.
- Non, comme je l'ai déjà expliqué aucune stratégie n'est infaillible. Mais j'ai décidé de prendre Le risque.
Iris recula d'un pas sentant son corps assimiler ces paroles dures à entendre.
- Je ne suis pas seulement. Une stratégie, un mystère ou un espoir ! Je suis une personne. J'ignore de quoi je suis capable, mais ce qui est sûr, c'est que je n'arrive pas à comprendre que vous ayez pris ce risque.
- Il était calculé, je n'avais pas vraiment le choix Iris. Il n'y avait rien d'autres pour prouver que tu n'étais pas ce dont ils t'accusaient.
- Possible. Mais vous, qui avez passé une année à nos côtés, vous étiez la personne en qui j'avais une confiance presque aveugle. Vous avez enduré avec nous la mort d'Al et pourtant, au moment de tirer.. Vous n'avez pas hésité. La seule peur qui vous animait, était celle de perdre votre petite expérience ou votre énigme ?
Evan bu son verre d'un trait avant de hausser les épaules toujours sans se tourner vers elle.
- Possible. Crois-le ou non, j'avais plus à perdre. Néanmoins, tu es bloquée avec moi pour le moment. Tu verras dans le temps que j'ai agi dans ton intérêt.
- il est gonflé quand même, grommela Sam tout en pliant ses quelques affaires avant de les fourrer au fond de son sac.
- Ça lui ressemble, il n'y a rien de choquant.
Louis était aussi entrain de faire ses bagages, le seul ne s'activant pas était Phil. Il était devant son sac observant ses quelques vêtements de civil qu'il n'avait pas enfilé depuis des mois. Il n'avait pas pris encore sa décision, il attendait le retour d'Iris pour ça. Il devait lui parler. Elle ne tarda pas à remonter, l'air bouleversé. Le Capitaine avait dû encore faire des siennes. Il avait parfois l'impression qu'il était le seul à pouvoir la mettre dans de tels états. Habituellement, cela ne lui plaisait pas, mais il avait d'autres choses à penser pour le moment. Quand il vit la jeune femme arriver dans le dortoir, il sauta sur ses pieds pour l'attraper par la main. Elle résista un instant.
- Juste une seconde et je te suis, lui murmura-t-elle. - Je suis contente que nous soyons tous les... quatre réunis de nouveau. Je souhaitais m'excuser, cette situation est mon fardeau, mais vous avez accepté de le partager. Al…( elle serra la main de Phil plus fort ) est mort pour me protéger. Je ne vous demande pas ces sacrifices. Je tâcherai d'être plus sage à l'avenir et prudente. Mais je vous en supplie, si vous restez... faite le avant tous pour vous. J'ai l'impression que de nombreux obstacles nous attende. Néanmoins, comme le Capitaine, je vous promets de ne plus rien vous cacher... Je pense que j'étais simplement terrifiée à l'idée que vous ne m'aimiez plus en apprenant mon secret. Merci de m'avoir accepté.
Elle se tut attendant la réaction de ses coéquipiers. Un éclat de rire ne tarda pas à briser le silence pesant. Il s'agissait de Sam, il était rare de l'entendre rire si fort. Mais cela réchauffa le cœur de toute son équipe.
- Iris De Sylve vient-elle de nous avouer qu'elle peut ressentir la peur ? Encore une preuve que tu n'es qu'une pauvre humaine.
- avec du feu dans les mains, corrigea Louis un sourire aux lèvres.
La jeune femme laissa couler une larme de joie en posant sa main sur son cœur. Sam fit de même pour lui montrer qu'elle partageait son sentiment. Elle avait eut des doutes, mais il s'agissait seulement de la phase de deuil. À présent, elle savait qu'Iris était toujours la même. Louis posa une main sur l'épaule de Sam pour confirmer qu'il partageait lui aussi leur état d'esprit. Quant à Phil, il resta silencieux, mais Iris sentit son étreinte serrer ses doigts un peu plus forts. Elle savait qu'elle serait plus forte pour ses amis à partir de cet instant. Elle ne laisserait plus jamais l'un d'entre eux se sacrifier. Elle devait devenir digne de leur confiance et de leur amitié.
Phil l'entraîna avec lui dans le couloir devant les escaliers. Il prit soin de fermer la porte du dortoir pour qu'ils ne soient pas entendu. Une fois seul, le jeune homme attira sa compagne contre lui pour la serrer dans ses bras. À son contacte, il sentit toute la tension accumuler durant la semaine se libérer. Il ne s'était pas rendu compte à quel point elle lui avait manqué. Il lui en avait voulu, mais ce n'était qu'une première réaction. À présent, il avait les idées plus claires, il n'allait pas permettre à la deuxième personne la plus importante de sa vie de s'éloigner. Iris se laissa faire même s'il sentit une réticence de sa part. Elle resta immobile quelques secondes avant de le repousser doucement. Ce n'était pas de la faute du chef d'équipe, mais elle avait peur de le blesser. Elle avait vu ce dont elle était capable, ses mains étaient une arme qu'elle ne contrôlait pas. Le pire pour elle serait de blesser de nouveau l'un de ses camarades. C'est pour cela qu'elle garda les bras le long du corps, cherchant le regard de Phil. Il avait les yeux fatigués, d'épaisses cernes les soulignés. Il ne dormait plus beaucoup depuis la disparition de son frère.
- Phil...je ne sais quoi te dire, je suis si…
Il la coupa en levant un doigt, il le fit passer dans l'une de ses boucles noires.
- Je ne veux plus t'entendre t'excuser, nous ne pouvons pas revenir sur le passé.
Il avait une voix calme, la jeune femme sentit que cela cachait quelque chose alors elle le questionna.
- Comment vas-tu ? Répond moi sincèrement.
- J'ai besoin de ton aide. Mais je ne suis pas certain que tu acceptes.
Il hésita, avant de laisser tomber sa main le long de son corps. Son regard changea trahissant la souffrance et la supplication de ses intentions. Iris, inquiète l'encouragea à parler.
- Je sais que les autres ne voudront pas, mais toi tu peux me comprendre.
- Dis moi, Phil.
Il poussa un sourire frustrant avant de reprendre une inspiration pour se donner du courage.
- Ça peut paraître dingue, mais quand Al est mort je n'ai rien ressenti. Je n'ai pas compris pourquoi pendant plusieurs jours et j'ai noyé cette incompréhension dans des émotions fictives afin de combler ce vide. Mais j'ai compris à présent. Mon frère n'est pas mort, il est vivant. J'ai besoin de toi pour le sauver, Iris.
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