15. Le Livre solaire

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Nero parcourut l’Arche en quête d’un exemplaire papier du Livre Solaire, avec la certitude qu’il en trouverait un parmi les douze cents passagers. L’Agence avait formellement interdit le recueil à bord, car il véhiculait selon elle de fausses informations risquant de mettre en péril le voyage. Les versions immatérielles du Livre n’avaient pu passer les contrôles informatiques pointus, mais Nero pariait sur l’existence de versions papier introduites discrètement avec les effets personnels de certains voyageurs en manque de spiritualité. Il en interrogea plusieurs : des membres d’équipage, des infirmiers, des docteurs, prétextant une nécessité professionnelle. Après quelques réticences à lui répondre, un homme l’aiguilla vers Rose Gérard, une des cantinières.

« Elle en a un, je suis sûr, affirma-t-il. Sa famille suit le Culte depuis des générations et même si elle s’est détournée de son dieu pour le voyage, elle a certainement emmené un de ces bouquins dans ses bagages. Je serais vous, j’irais la voir. »

Nero le remercia et rencontra la cuisinière dans le réfectoire. Quand il lui réclama le Livre, elle afficha une mine sceptique :

« Qu’est ce que vous voulez en faire, de c’truc ? »

Nero lui expliqua qu’il avait passé sa communion pendant son enfance et que le voyage lui donnait envie de relire le saint manuel.

« Je suis nostalgique, que voulez-vous… »

Elle ne sembla pas convaincue, mais consentit à lui céder l’ouvrage contre la promesse d’une restitution rapide.

« Et gare à vos fesses s’il est abîmé ! » menaça-t-elle alors qu’il partait.

Une fois seul dans sa cabine, Nero s’assit sur son lit et tourna les pages jaunies du vieux grimoire. L’usure témoignait leur ancienneté, et certaines menaçaient de se décrocher. Malgré tout, Nero trouvait le livre magnifique. Ses illustrations séculaires lui conféraient toute sa légitimité et les citations écrites d’une encre noire foncée paraissaient sortir directement de la gorge d’une entité supérieure. En le relisant, Nero comprit le pouvoir attractif de l’objet. Même les numéros inscrits en bas des pages respiraient d’une certaine pureté.

Il ne savait pas réellement ce qu’il cherchait. Alors il commença par le début et lut pour la première fois depuis des années ces lignes que sa mémoire avait conservées. Parfois, la tournure d’une phrase lui revenait et il la marmonnait sur ses lèvres.

Les heures passèrent sans qu’il ne s’en rendît compte. C’était tout un pan de son enfance qui se rappelait à lui par les mots. Il se souvenait du temple-pyramide, du médaillon Sol qu’il portait au cou, des prêtres Lumineux et de leurs incessantes prières…

Le chapitre XIX s’intitulait Les Ténèbres de la Nuit. Un titre plutôt évocateur censé faire frissonner quiconque tombait dessus. Une mise en garde. Nero s’empressa de le lire :

« Là où les rayons solaires n’éclairent plus, au-delà de la ceinture de fer, la Nuit se terre. Gisant, sommeillant dans l’outre-monde fait de glace et de ténèbres. En ces lieux de mort, Sol ne voit plus, n’agit plus, ne sauve plus. Gare au voyageur qui s’y aventure ! Le Nihil l’attend et s’insuffle en lui. Il devient rage et folie, chagrin et misère. Autrefois humain, le voyageur devient monstre. Le voilà une créature de la nuit, un suppôt du Nihil. L'Éden de Lumière il ne pourra rejoindre. L’Incandescence il ne pourra atteindre. Sa chair gèlera, son sang se figera et son âme se brisera à tout jamais. »

La suite détaillait précisément le sort réservé au pauvre voyageur, avec pour seule issue la mort et la Cécité qui le condamnerait à l’errance éternelle.

Quelques pages plus tard, Nero tomba sur un autre extrait qui l’intrigua :

« Pour prévenir les humains du danger qu’ils encourraient à franchir cette limite, Sol envoya plusieurs messagers dans le monde des hommes. Sainte Gaïamenne vint en premier. Elle voulut dans sa grande générosité apporter la voie de la sagesse aux hommes. Mais de mauvais êtres détruisirent ses travaux et la répudièrent. Gaïamenne rejoignit son Maître dans l’Éden de Lumière. Heureusement, sa voix ne fut pas vaine et certains l’écoutèrent. Frappés de la vérité, ils comprirent quelles horreurs attendaient le voyageur. Grâce à eux, la vérité ne faiblirait jamais. »

Gaïamenne… Il effectua des recherches sur cette mystérieuse messie, sans succès. Les sites officiels évoquaient une légende inventée de toutes parts par les prêtres de Lumière. Rien de ce que racontait le Livre n’était prouvé, selon eux. Des niaiseries, des foutaises, disaient-ils.

Pourtant, en cherchant plus loin, il tomba sur une série d’articles qui tendaient à dire que Gaïamenne avait réellement existé. Peu à peu, à force de recherches, une nouvelle porte s’entrouvrit.

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