Chapitre 10 : Le jour du départ (Hameau de Loup) (Dernières recommandations)
Chapitre 10 : Le jour du départ (Hameau de Loup) (Dernières recommandations)
« Lever du soleil. »
Étiennette se lève à l’aube comme chaque matin pour préparer l’épais gruau à base de céréales et de lait qui servira à remplir les ventres affamés de toute la famille, pour ensuite s’atteler avec son ardeur bien connue au dur labeur du quotidien.
Pourtant ce matin-là, elle n’a pas la joie simple du travail à venir au cœur comme c’est le cas habituellement et la raison en est bien simple, puisque ce jour marque le départ de deux de ses fils qui se verront absents de la ferme durant trois longues semaines avant de les quitter après un bref retour pour cette fois-ci quatre longues « doubles lunes » durant lesquelles ils n’auront que très peu d’occasions de revenir les visiter.
Étiennette essuie subrepticement quelques larmes de tristesse, puis se force à reprendre le dessus sur ses sentiments afin de ne pas trop montrer son désarroi aux deux garçons qui ne doivent pas être dans un bien meilleur état d’esprit qu’elle ce matin-là.
Elle tourne une dernière fois le gruau maintenant bien crémeux dans la marmite avant de la sortir de la cheminée afin de la déposer sur la table, profitant des quelques minutes de calme qu’il lui reste pour faire sortir les bêtes de la maison et pour ensuite passer un bon coup de balai sur le sol en terre battue afin d’évacuer le paillis couvert des excréments de la nuit.
Foulque transportera ensuite l’ensemble jusqu’au bac à compost avant d’en réétaler du frais sur le sol de la seule pièce que possède la masure et qui fera disparaître l’odeur nauséabonde qui lui fait plisser le nez malgré l’habitude, depuis qu’elle s’est levée.
Elle termine juste son ouvrage quand le reste de la maisonnée lève la tête à tour de rôle de leur paillasse respective, souriante pour certains d’une nouvelle journée également riche en labeur qui s’annonce et grimaçante pour Loup et Tancrède qui ne l’avoueront pas, mais dont la nuit a été longue d’inquiétudes autant que de questionnements avant que le sommeil finalement ne les surprenne enfin.
Une toilette rapide dans le grand bac à eau extérieur et après avoir passé leurs vêtements de jour, les voilà tous installés autour de la table à tendre leurs écuelles tandis que le père les remplit d’un bon coup de louche généreuse et qu’ensuite il casse le pain pour en distribuer une part à chacun.
C’est Morin qui le premier relève la tête de son écuelle, observant ses deux frères d’un œil plein de compréhension pour eux, ayant lui-même connu quelques « doubles lunes » en arrière cette boule au ventre de devoir quitter pour la première fois la chaleur du foyer.
- C’est bien la première fois qu’on ne vous entend pas les deux gnomes ??
- Laisse tes frères, tu n’étais pas mieux qu’eux à leur place il me semble !!
- Et j’en suis revenu vivant m’man !! Ils devraient plutôt vivre cela comme une nouvelle expérience au lieu de se morfondre comme ils le font depuis deux jours !!
- Chacun vit cet événement différemment suivant ce qu’il ressent !! Moi par exemple, j’étais tellement excité que mon père a dû me calmer d’une forte calotte qui a failli m’assommer !! C’est un souvenir qui me restera gravé à jamais et pourtant je ne lui en ai pas voulu, tout cela pour vous dire les garçons que c’est pour vous la fin de votre jeunesse et le début de votre vie d’adulte qui commence, vous allez connaître d’autres gens et vous faire de nouveaux amis, au final vous reviendrez plus mature avec une autre vision des choses !!
- Vous comprendrez que notre monde ne tourne pas qu’autour de cette ferme, du hameau et de vos deux nombrils, père a raison !! Vous y gagnerez en maturité et vous cesserez alors vos sempiternelles âneries de gamins.
Ode prend la parole à son tour, visiblement amusée par les explications de son grand frère.
- Ça ne risque pas pour eux ! Hi ! Hi !
Étiennette écoute avec émotion les paroles qui ne sont dites que dans l’esprit d’apaiser leurs doutes, pourtant elle aussi s’inquiète de cette séparation et certainement pas pour la raison évoquée, mais surtout parce qu’elle craint pour Loup qu’il en oublie de prendre sa potion et que soit révélé aux yeux de tous un secret que lui-même ignore complètement.
Foulque peut lire l’angoisse de son épouse sur son visage, connaissant lui aussi les mêmes inquiétudes envers celui qui pour lui a et aura toujours la même place dans son cœur que ses enfants légitimes et c’est donc d’une voix se voulant grave mais marquée d’un léger tremblement, qu’il s’adresse à ses fils avant de les laisser quitter la table pour s’emparer de leurs baluchons et prendre ensuite le départ pour les deux journées de marche qui les séparent du château de sire Childebert dont dépend le hameau.
- N’oublie surtout pas de prendre ta médication mon fils !! Tancrède en a une fiole en sa possession pour le cas où tu égarerais la tienne, rappelle-toi qu’il est impératif que tu la prennes chaque jour !!
- Pourrais-tu me dire quel mal me ronge depuis toujours, que je doive prendre absolument ce remède ?
- Il ne sert à rien que tu le saches, cela ne t’amènerait que le trouble dans ton esprit !! Sache juste que c’est grâce à lui si tu es encore parmi nous en bonne santé, son pouvoir vient de la magie mineure et il est issu des plantes et des incantations d’une magicienne qui a su voir à temps quel mal rongeait le bébé que tu étais alors et que nous avons recueilli dans notre cœur ainsi que dans notre foyer comme un troisième fils.
- Un jour tu pourras cesser de prendre ce remède !!
- Quand, mère ??
- Quand nous ne craindrons plus pour ta vie mon fils !! Mais ce moment n’est pas encore venu, il te faudra écouter les recommandations de ton père et de ne surtout jamais oublier de prendre une goutte de cette potion chaque jour, comme tu le fais depuis que tu es assez grand pour comprendre.
- Je te le promets mère et à toi aussi père !!
- Alors c’est très bien mon fils !! Il est temps pour vous de partir, le chemin est long jusqu’au château et vous êtes attendus ce soir pour passer la nuit au hameau de Haute Fourche où notre ami Taurin avec sa famille vous accueilleront pour le gîte et le couvert, vous y serez en sécurité bien plus sûrement que sur les chemins ou dans le bois des Elfes.
Morin croit bon de préciser.
- En plus, leur fille Ada repartira avec vous car c’est aussi pour elle l’âge du choix !!
- Wouaouhhh !! Cool !! Moi qui la croyais plus jeune d’au moins une « double lune » !!
- Si l’âge était fonction de l’aspect physique, tu ne serais pas près de partir le « Loupiot » ! Hi ! Hi !
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