Chapitre 45 : Quatrième jour (Le choix) (suite)
Chapitre 45 : Quatrième jour (Le choix) (suite)
Alors que sire Childebert ne s’est pas encore rendu compte de la présence de son fils aîné parmi le nombre des futurs apprentis en le croyant toujours dans sa chambre à subir sa punition, Maistre Dogon par contre s’en est rendu compte dès la formation de la file devant la table du maître d’armes.
Un petit sortilège lui a permis de visualiser la fiche des premiers « choix », espérant un instant sans trop y croire que sire Willibert y aura mis son véto en biffant son nom comme c’est de règle habituellement quand un maître de corporation n’accepte pas l’apprenti malgré le désir de celui-ci d’intégrer sa guilde.
Voyant que ce n’était nullement le cas, Dogon soupire en fixant la nuque de Childebert qui ne s’est pas encore aperçu de la présence de Gaétan au milieu de la foule.
Comme pour sire Willibert, l’idée ne le rebute pas outre mesure et même y trouve-t-il un intérêt certain du fait même qu’un autre fils serait là pour l’épauler et le soulager de cette tâche ardue qu’est la gestion journalière d’un domaine, même si celle de Childebert est sans reproche au vu de la prospérité évidente qu’il a générée depuis sa prise de pouvoir à la mort de son père.
La fatigue marque le visage de Dogon qui depuis la découverte de l’existence d’Eldarian n’a pas pris une heure de véritable repos, cherchant dans ses grimoires ou autres parchemins tout aussi anciens, à corroborer les paroles sibyllines de Durin et ce n’est que très tôt ce matin-là, qu’il a enfin trouvé les références qu’il recherchait dans un livre si archaïque que les pages en étaient presque effacées, ne rendant pas facile une lecture d’un texte qui en plus était écrit dans l’ancienne langue.
La lecture lui a remis en mémoire ce que son ancien Maistre lui enseignait alors qu’il n’était qu’un tout jeune apprenti et qu’il ignorait encore tout, des pouvoirs qui étaient en lui.
C’était venu tout naturellement du fait de son immense curiosité d’alors à tout vouloir apprendre sur la magie disparue, celle de ceux qu’on appelait les hauts mages et qui était à peine inférieure à celle de leurs maîtres les rois dragons. Son Maistre lui avait alors raconté comment sur la simple pensée et sans même psalmodier une incantation, ceux-ci pouvaient réaliser des choses défiant tout ce que l’imagination pouvait rêver en maîtrisant non seulement les quatre piliers de la magie que sont l’eau, le feu, la terre et le vent, mais également en pouvant se nourrir directement aux canaux de magie souterrains qui à cette époque traversaient Penn tout entière un peu comme le font les veines dans le corps humain.
Sa question suivante avait fait sourire son maître quand il lui avait demandé naïvement s’ils avaient tous la même puissance ou si certains l’étaient encore plus que d’autres et c’est sa réponse qu’il cherchait à se remettre en mémoire, le grimoire l’y aidant particulièrement en citant quelques cas particulièrement troublants où deux enfants portant la marque et nés du même œuf pouvaient se partager leurs forces.
L’un prenant la force et l’agilité physique alors que l’autre cumulait sa magie avec celle de son jumeau dans son seul esprit, lui donnant une puissance telle que les rois dragons eux-mêmes ne pouvaient égaler et qui a fini par la décision qu’ils ont prise d’éradiquer dès la naissance ces enfants heureusement peu nombreux et cela bien avant que l’inquisition ne décide d’en faire autant pour l’ensemble de ceux qui portent la marque.
Du coup deux problèmes se posent pour Dogon, le premier consistant à poursuivre ses recherches en questionnant Eldarian sur les souvenirs qu’il pourrait lui rester de sa plus tendre enfance afin de découvrir s’il a ou non connaissance d’un frère jumeau et le deuxième beaucoup plus immédiat étant de prévenir Childebert pour son fils Gaétan avant que celui-ci ne fasse un esclandre en public, connaissant sa propension à ne pas supporter qu’on lui désobéisse et qui semble pourtant l’un des passe-temps favoris du jeune prince depuis quelque temps.
Le plus simple serait de lui détourner l’attention le temps que Gaétan et Conrad passent devant sire Willibert, il sera bien temps ensuite de le raisonner une fois en privé et Dogon connaît les mots qui porteront pour que cela se fasse sans trop de vagues, mais pour cela il lui faut du temps et ce n’est pas ici qu’il le trouvera, les deux godelureaux étant trop proches du maître d’armes pour que Childebert ne s’aperçoive bientôt de leur présence.
Dogon s’approche de son « ami » en incantant à voix basse une formule qui les isolera du reste du monde le temps qu’il lui parle.
Childebert surpris se tourne vers lui.
- Mais qu’est-ce que tu fais ?? Ce n’est vraiment pas le moment pour tes tours !!
- Il faut que je te parle, c’est urgent !! J’ai découvert quelque chose qui pourrait bien concerner Eldarian et…
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Personne ne se rend compte du subterfuge et tous continuent à voir le seigneur et son Maistre magicien attentifs à observer le déroulement du choix, enfin tous sauf un très vieil homme accompagné de son serviteur tout aussi invisible que lui et qui s’interroge sur ce qui pousse Dogon à utiliser ce sortilège d’isolement.
Ebbon puisque c’est de lui qu’il s’agit, est resté le temps du choix, non plus pour découvrir ce fameux jeune damoiseau ayant soi-disant aux dires de son serviteur le pouvoir de voir un gnome ainsi qu’à travers ses sortilèges de protections et ce pour la bonne raison qu’ils l’ont trouvé la veille visitant la cité, mais pour assister au déroulement du choix auquel le vieil homme n’avait plus eu l’occasion d’assister depuis des lustres.
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Tilbo l’a repéré au moment où il sortait d’une ruelle et ils l’ont suivi en passant régulièrement devant lui sans qu’il semble un seul instant les avoir remarqués, Tilbo faisant pourtant toutes les pantomimes imaginables pour attirer son attention et ce sans aucun résultat, jusqu’à ce qu’Ebbon en dernier recours ne lui lance un sortilège de détection et découvre la marque habilement camouflée sous une lotion colorante.
Malgré cette particularité pourtant bien présente et fortement marquée, il a bien fallu convenir que le garçon n’avait pas la puissance nécessaire et suffisante en lui pour qu’il ait pu faire ce que prétendait Tilbo, aussi c’est fortement en colère contre lui qu’Ebbon s’en est retourné pour passer la nuit dans un repaire conservé à cette fin depuis de nombreuses « doubles lunes » du temps où il était le Maistre magicien du domaine et qu’il éprouvait déjà le besoin de s’isoler hors des murailles du château.
S’en est suivie une dispute qui laissa Tilbo contrit, ne sachant plus s’il avait vraiment vécu son histoire ou si celle-ci n’était due qu’à son imagination et son besoin d’y croire depuis le temps que son maître était à la recherche d’une telle personne.
Pourtant le matin venu, Dogon pour une raison qu’il ne saurait définir n’a plus éprouvé le besoin de partir mais au contraire d’assister au « choix » comme il le faisait avec le père de Childebert et c’est donc pour cette seule raison qu’il se trouve là au milieu du peuple à suivre le déroulement de la journée.
Tilbo comme on peut sans peine l’imaginer se fait tout petit au côté de son maître, cherchant encore ce qui a bien pu lui prendre d’imaginer toute cette histoire et pour passer le temps, il observe les humains et leurs étranges comportements à pousser des cris d’allégresses à des moments qui ne lui semblent pas plus opportuns les uns que les autres, n’ayant aucune connaissance des besoins de ces mêmes humains à montrer leur joie quand un des leurs est accepté par un maître de guilde.
Il repère Durin et Lorgan qui discutent avec deux jeunes humains, semblant eux aussi joyeux d’être en leur compagnie et trouve étrange qu’un jeune nain accompagné qui plus est d’un Elfe tout aussi jeune assiste à ce rassemblement sans adulte de leur race pour les accompagner, sans crainte apparente et surtout aussi visiblement heureux de se retrouver en compagnie de tous ces jeunes humains.
Tilbo suit alors leur regard dirigé vers un point précis d’une des files d’attente et ses épais sourcils se plissent de surprises en découvrant encore une fois le même jeune humain qui a fait l’objet de son attention mais aussi de la colère de son maître contre lui.
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