Chapitre 51 : Premier jour des fêtes de la « double lune » (Décision du concile)
Chapitre 51 : Premier jour des fêtes de la « double lune » (Décision du concile)
***/***
« Haut siège de l’église, cathédrale des hautes plaines »
L’archiprêtre Don Artaud, premier prélat et chef de l’Église du dieu unique, repose sur son bureau la missive parmi celles apportées le matin même par les faucons messagers, celle-ci venant directement du domaine de sire Childebert.
Comme dans chaque domaine quand arrive le jour du « choix », un prêtre est spécialement mandaté pour y assister et est en charge de signaler tout fait significatif pouvant intéresser l’église.
Cela faisait de longues « doubles lunes » que rien de spécial n’en résultait et que l’église voyait d’un bon œil la disparition progressive des prétendants à la magie protégeant les châteaux.
Les pouvoirs de plus en plus faibles des Maistre magiciens en fonction ne donnant que plus de poids à l’église sur les populations.
ce sont ces mêmes populations pourtant qui ressentant le danger d’un tel affaiblissement pour leurs familles, ne trouvant plus que dans la prière le besoin de protection contre les attaques meurtrières de plus en plus fréquentes qui ravagent les hameaux des frontières.
La réapparition d’un Maistre éminemment puissant que l’église pensait mort et enterré depuis longtemps et qui plus est revient brusquement au-devant de la scène en réclamant son droit au « choix », pique particulièrement l’attention du prélat qui y voit là sinon un danger potentiel, du moins une forte contrariété de découvrir qu’une fois de plus les grands inquisiteurs ont pu laisser échapper un enfant porteur des marques de l’abomination.
C’est donc dans cet état d’esprit que Don Artaud sort de son bureau pour rejoindre le concile qui comme chaque matin l’attend pour la prière, mais aussi pour gérer les affaires quotidiennes de l’église.
Aucun doute pour lui quand il entre dans la nef, que déjà tous ressentent que quelque chose inquiète celui qui est en charge à vie du poste le plus envié mais qui représente également aux yeux des fidèles, la voix du seigneur.
Don Artaud prend place derrière sa chaire d’où comme chaque jour depuis sa nomination il sert la messe midi et soir aux fidèles des environs, ainsi qu’à ceux nombreux qui font le long chemin jusqu’à la cathédrale dans leur dévotion au dieu unique.
Le matin par contre reste réservé aux hauts dignitaires de l’église qui ensuite assistent au concile, cette fois encore ne dérogeant pas à la règle et attendant avec une impatience bien visible de prendre connaissance de ce qui trouble le premier prélat.
La messe dite, les voilà maintenant tous assis autour de la table à entendre les paroles de Don Artaud qui en premier lieu se contente de lire les quelques phrases inscrites sur le petit ruban de parchemin.
- Voilà messieurs les dernières nouvelles !! J’avoue qu’il ne semble pas y avoir là de quoi fouetter un chat, seulement cela prouve que malgré tous nos efforts certaines choses nous échappent encore !!
- Les populations cachent de mieux en mieux leurs nouveau-nés à la moindre apparition de la marque, depuis qu’ils ont compris qu’ils ne les reverraient jamais !!
- C’est certain, mais cela montre aussi le laxisme avec lequel nous traitons ces choses-là depuis déjà beaucoup trop longtemps !!
Don Artaud s’adresse en particulier au prélat qui vient de prendre la parole.
- Tu vas envoyer un grand inquisiteur avec une troupe de chevaliers de l’église au domaine de sire Childebert pour lui demander des explications !!
- Bien excellence !! Mais nous connaissons tous d’avance sa réaction et comme pour les autres seigneurs de domaine, il argumentera sur la nécessité de protéger ses terres !!
- J’en suis conscient, toutefois il voudra concilier avec l’église non sans avoir au préalable mis l’apprenti en lieu sûr et c’est là-dessus que je compte pour nous en débarrasser de façon définitive sans que rien ne nous accuse !!
- Je ne comprends pas votre excellence ??
- Nous enverrons quelques-uns de nos meilleurs hommes quelques jours avant la venue annoncée du grand inquisiteur, ils devront surveiller tout déplacement suspect suite à l’annonce de son arrivée et s’assurer du garçon pour s’en débarrasser sans laisser de traces !!
- La venue après coup du grand inquisiteur coupera l’herbe sous le pied de ceux qui accuseraient l’église de cette forfanterie !! Voilà un plan ingénieux excellence !!
- Nous ne devons à aucun prix laisser se perpétuer l’abomination que les peuples nomment la magie et poursuivre jusqu’à son éradication totale notre programme d’extermination de ceux qui en portent la marque !! La survie de l’église est à ce prix !! Les textes anciens sont suffisamment explicites pour que nous ne revenions pas en ces temps où ils régnaient en maître sur tout Penn, le combat et la mort valent mieux que l’esclavage !!
Un autre prélat prend la parole.
- Le risque est-il si grand de revenir en ces temps anciens ?? Les Maistre magiciens protègent les domaines, évitant les carnages des attaques non humaines sur leur terre !! Peut-être est-il bon d’en conserver quelques-uns afin de préserver un juste équilibre des forces, de plus leur puissance n’est plus qu’un succédané de ce qu’elle a été !! Le temps où ils pouvaient tuer par la seule pensée est révolu depuis des lustres, tout juste arrivent-ils désormais à maintenir leurs barrières de défense pour les alerter d’une intrusion sur leur terre !!
- Ce n’est peut-être qu’un leurre justement pour que nous les pensions incapables d’autre chose !!
- Mais… excellence !! Depuis le temps !!
- Le temps justement joue contre nous, de plus en plus de villageois répugnent à nous remettre les enfants portant la marque et les dissimulent même de leurs voisins, de peur d’être trahis et de voir arriver chez eux un grand inquisiteur avec sa troupe d’hommes d’armes !! Tu te fais l’avocat du diable, je ne tolérerai pas cela plus longtemps en ma présence !! Aussi en pénitence, tu partiras durant quatre « doubles lunes » comme le nouvel ambassadeur de l’église au temple de Linn !! Les maîtres du temple te convertiront très certainement à leurs préceptes, là où nous avons échoué !!
Don Artaud lève la séance, visiblement contrarié qu’un prélat de haut rang émette ce genre de paroles prônant la tolérance, il reste ensuite seul avec celui qu’il a désigné comme chargé de mission afin de mettre au point sa stratégie pour se débarrasser du futur apprenti sans mettre en cause l’église.
Annotations
Versions