Chapitre 125 : Le temps des semailles, deuxième semaine sixième jour (Eldarian)
Chapitre 125 : Le temps des semailles, deuxième semaine sixième jour (Eldarian)
« À l’intérieur de la citadelle religieuse. »
L’archiprêtre Don Artaud est levé depuis l’aube comme à chaque jour qui passe pour mener à bien ses tâches, qui bien que nécessaires au bon fonctionnement de l’église, ne lui apportent qu’ennui et mauvaise humeur, préférant de loin celles qui consistent à voir souffrir ceux et celles possédant la moindre parcelle de magie et qui lui tombent entre les mains.
Une ombre d’inquiétude ce matin-là pourtant marque son visage, le fait d’avoir emprisonné un maître du temple en étant la principale raison et s’il le maintient encore en vie ce n’est certainement pas par charité, mais bien par crainte des représailles qu’engendrerait inévitablement sa mort si la cause remontait jusqu’à lui.
Il en est donc à chercher un moyen radical pour que cette accusation n’ait pas lieu d’être, il lui faut trouver des coupables tout en restant dans la continuité des témoignages de ceux qui ont assisté à son enlèvement.
Les renégats sont tout trouvés, ne serait-ce l’excuse recevable pour avoir commis de tels agissements alors qu’il aurait été plus simple de tous les passer aux fils de leurs épées.
Il lui faut donc faire en sorte qu’une demande de rançon suffisamment conséquente soit envoyée au temple et qu’une fois celle-ci payée, l’otage soit tué malgré tout.
Don Artaud n’est pas fou, il sait très bien combien son histoire est tirée par les cheveux car il aurait été bien plus simple mais surtout beaucoup moins dangereux de s’en prendre plutôt aux jeunes princes qu’à un maître guerrier du temple, seulement le temps presse et rien de mieux ne lui vient à l’esprit, si ce n’est peut-être l’erreur sur la personne.
Un sourire sardonique défigure un instant son visage en comprenant qu’il tient là l’idée qui devrait faire avaler la couleuvre, ne reste plus qu’à la mettre en œuvre en trouvant les personnes qui seront sacrifiées bien avant qu’une éventuelle capture ne leur fasse révéler la vérité.
L’église pourra alors se vanter d’avoir retrouvé les coupables d’une telle forfaiture, méritant ainsi la reconnaissance de l’ordre du temple pour avoir vengé la mort d’un des leurs.
C’est donc avec la mine plus joviale qu’au réveil, que l’archiprêtre reprend sa tâche consistant à mettre en place les pions nécessaires pour la résolution de ce problème.
Une pensée soudaine lui vient alors à l’esprit, celle qu’il doit garder son prisonnier en parfaite santé le temps qu’il faudra pour qu’un doute si minime soit-il ne s’installe lorsque le corps sera retrouvé.
Il se lève donc de son bureau afin de donner les ordres en conséquence et lui faire apporter l’eau ainsi que la nourriture nécessaire pour tenir les quelques jours qu’il va lui falloir pour que son plan se déroule correctement.
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« Eldarian »
Quand Eldarian ouvre les yeux, il imagine tout d’abord que son père n’a pas pu le renvoyer dans sa prison et sa première pensée va à son frère qui doit se morfondre à attendre dans le noir à trembler de tout son corps devant les diverses agressions de ses sens.
Ensuite en comprenant enfin ce qu’il a sous les yeux, il ne peut retenir l’immense éclat de rire qui le prend soudainement devant les changements opérés pour transformer ce lieu de terreur en sinon un petit paradis, tout du moins un confort qui lui fera trouver l’attente des secours beaucoup moins pénible qu’il s’y préparait déjà mentalement.
Eldarian une fois avoir retrouvé son sérieux, ne peut retenir ses paroles qui bien entendu ne seront que pour lui seul.
- Hé bien mon cochon !! Pour un apprenti tu ne t’en sors pas trop mal !!
La lumière douce de sa cellule lui permet d’en faire un tour d’horizon et s’il se retrouve ébloui, c’est plus par le changement de décor que par l’acuité de la lumière.
Les murs sont recouverts de végétaux aux senteurs de menthe poivrée, le sol n’est plus qu’un tapis de feuilles sèches où ça et là est déposée une variété de fruits à en faire pâlir un maître de guilde.
Une petite fontaine d’eau pure s’écoule dans une vasque ressemblant à un coquillage autour duquel quelques petits arbustes sont recouverts de baies chatoyantes qui lui mettent immédiatement l’eau à la bouche, n’ayant rien mangé ni bu depuis qu’il a été livré à ses bourreaux.
Eldarian se lève avec un sourire qu’il était loin d’avoir en revenant ici, son corps ressentant un confort inattendu le fait s’observer en constatant jusqu’où son frère a poussé le luxe pour son bien-être.
Des vêtements de laine, épais et confortables remplacent avantageusement ceux malodorants, sales et humides de plusieurs jours qu’il portait en se réveillant le matin même, donnant l’envie soudaine à Eldarian de serrer son jumeau contre son cœur en remerciement de toutes ses attentions.
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Ce n’est que quelques temps plus tard, une fois sa soif et sa faim étanchées pour un temps, que le jeune maitre guerrier retrouve suffisamment de curiosité à son environnement pour que son regard se reporte au-delà des grilles de sa geôle, découvrant grâce à la lumière qui lui permet enfin de situer la silhouette avachie de l’homme squelettique que l’archiprêtre lui avait fait découvrir à sa première visite des cachots.
Une autre information lui vient alors à laquelle il n’avait pas prêté attention jusque-là, trop subjugué par les changements de son environnement réalisés par son frère.
Cette information n’est rien moins que le silence total des lieux depuis son retour, alors que les hurlements de souffrances venant du pauvre homme lui déchiraient jusque-là les oreilles.
Eldarian fixe intensément le corps rabougri en position fœtal étendu sur le sol de l’autre cellule, sa première pensée étant qu’il avait enfin trouvé le repos dans la mort.
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