Chapitre 130 : Le temps des semailles, deuxième semaine septième jour (Wulfoald)

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Chapitre 130 : Le temps des semailles, deuxième semaine septième jour (Wulfoald)

C’est le gémissement lancinant venant de l’autre cellule qui réveille Loup ce matin-là. Il augmente l’intensité lumineuse du sous-sol qu’il avait baissée durant la nuit pour son confort de sommeil et se tourne ensuite vers son misérable compagnon d’enfermement, apercevant son visage émacié par le manque de nourriture se diriger vers lui.

- Vous allez bien monsieur ?? Je n’ai pu faire mieux hier pour soulager vos souffrances, mon père voudrait que je vous aide à vous trancher la main mais seulement je ne peux m’y résoudre.

Une voix faible s’échappe alors de la bouche du vieillard, si faible que ne serait-ce l’oreille particulièrement perçante de Loup il n’aurait pu l’entendre.

Le langage étrange lui pose un instant problème avant qu’il ne se rende compte que l’homme parle en ancien, quelques mots lui deviennent alors suffisamment compréhensible pour qu’il s’efforce de les relier entre eux afin de donner un sens à ses paroles.

Loup écoute sidéré ce qui semble donner raison à la décision de Voldarian, le vieillard précisant bien que c’est la seule solution au vu de la situation dans laquelle ils se trouvent aussi bien l’un que l’autre et que seulement alors il pourra enfin ne plus être parcouru par cette souffrance qui lui ôte toute velléité de penser.

- Permettez-moi de prendre quelques instants de réflexion avant d’en arriver à cette extrémité, il y a sans doute une autre solution qui évitera d’en arriver là !!

Un geignement sinistre lui parvient en guise de réponse, laissant Loup proche d’accéder à sa demande au plus vite et de ne pas tergiverser plus longtemps, alors que son compagnon de cellule est visiblement au bout du rouleau.

Pourtant quelque chose le retient encore, son esprit cherchant désespérément une solution autre que celle à laquelle il n’arrive toujours pas à se résoudre et c’est en fixant les barreaux de sa cage mais plus précisément l’énorme serrure, que l’idée lui vient alors, lumineuse comme un soleil.

Il cherche dans sa mémoire la traduction des mots qui lui viennent à l’esprit et une fois chose faite, lance toute sa volonté dans le sort en fixant intensément le verrou qui commence alors à rougir en dégageant une fumée âcre pour fondre rapidement en larmes de feu et d’acier retombant sur le sol.

Un coup de pied ferme fait s’ouvrir la porte à la volée, Loup fixant son esprit sur la serrure de l’autre cellule qui comme la première ne résiste pas plus longtemps au sort lancé avec toujours autant de force.

Loup s’élance alors jusqu’au vieillard pour s’agenouiller devant lui et commencer à le libérer du gant en maille d’acier, faisant fondre à son tour la goupille sertie qui le maintenait serré autour de son poignet.

Il ne lui reste plus qu’à prendre en main celle squelettique du vieillard, qu’il laisse pendre vers le sol pour que l’anneau s’en échappe et ne s’éteigne enfin de cette lueur malsaine qu’il avait jusque-là.

Le jeune rouquin l’écrase alors d’un pied ferme jusqu’à ce que la terre battue de la cellule ne le recouvre entièrement, son attention se reportant ensuite sur les traits du vieil homme visiblement soulagé de ne plus rien ressentir que les douleurs de son propre corps.

L’heure qui suit n’est utilisée qu’à nourrir lentement son compagnon d’infortune, jusqu’à ce qu’il s’endorme malgré les cris de plus en plus nombreux venant de l’escalier, de ceux qui enfin comprennent qu’ils ont été bernés et cherchent désespérément une solution pour les atteindre.

***/***

« Six jours plus tard. »

Loup comme plusieurs fois par jour, humecte les lèvres du vieil homme qui ne s’est toujours pas réveillé depuis qu’il l’a libéré de l’anneau maléfique.

Les pensées du garçon depuis tout ce temps, ont été à tenter de comprendre qui est en définitive cet homme et surtout depuis combien de temps il est enfermé dans cette geôle sans aucune nourriture ni eau, avec ces seules terribles souffrances occasionnées par la folie d’un homme se prétendant le représentant du seul dieu.

En pensant à l’archiprêtre, Loup se dit qu’il aura mis du temps à comprendre que désormais ce niveau d’oubliettes ne lui est plus accessible, du fait, ce n’est que depuis la veille que plus aucun bruit ne vient troubler leur solitude.

Il va pour retourner dans sa cellule jusqu’à ce qu’il soit de nouveau temps de s’occuper à hydrater le pauvre homme, quand il sent une main décharnée le retenir faiblement par la manche de son haut de corps.

La surprise le fige un instant avant que son regard ne se reporte dans celui du vieillard qui le fixe intensément, ayant retrouvé visiblement une certaine force dans ce long sommeil réparateur.

Ses yeux ressemblent à s’y méprendre à ceux de son père, ne serait-ce le fait qu’ils sont ternes et que le jaune de ses iris est comme fané, loin de ceux irisés de Voldarian.

Quelque chose en Loup lui dit que cet homme arrive à la fin de sa vie et qu’il lui a fallu une force de volonté hors du commun pour garder cette étincelle qui le maintient encore en ce monde, comme s’il avait un important secret en gage qu’il lui fallait révéler à une personne de confiance avant de se laisser aller vers la mort.

Un son sort alors des lèvres exsangues de son compagnon qui s’accroche toujours à lui, ne voulant ou plutôt craignant certainement qu’il ne s’en aille et ne l’écoute lui révéler son histoire.

- Wulfoald !!
- Que veut dire ce mot ??
- C’est mon nom !!
- Ah !! Enchanté alors, moi c’est Loup !!

L’homme semble étonné que son nom n’amène pas plus de réaction ou au moins de souvenirs à ce garçon portant pourtant la marque flamboyante de ce qu’il ne peut qu’être, surtout après ce qu’il lui a vu faire pour le sauver.

- En quelle "double lune" sommes-nous ??
- Nous sommes la mille vingt huitième « double lune » après la grande fracture !! Pourquoi cette question ?? Depuis combien de temps vous retient-on dans cette cellule ??

Les paupières du vieil homme se ferment sous le choc de ce qu’il vient d’apprendre, il reste quelques secondes ainsi avant de se reprendre et de rouvrir les yeux, observant intensément une fois encore le jeune homme qui lui apporte le secours auquel il ne croyait plus.

- Cela fait quelque huit cents « doubles lunes » mon garçon !!

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