Chapitre 152 : Le temps des semailles, quatrième semaine septième jour (Eldarian)

- Pourquoi ferais-je une chose pareille, alors que je ne l’ai vu qu’à peine une heure de toute ma vie ??
- (Voldarian) La prédiction inscrite sur vos médaillons si elle est prise à la lettre pourrait représenter un danger, voilà pourquoi depuis le début nous nous efforçons d’éviter cette rencontre.
- Nous ?? Qui ça nous ??
- Son Maistre Ebbon par exemple ou encore le magicien du château, Maistre… Dogon il me semble !!
- (Eldarian) Oui mais c’était avant que je rencontre mon frère, même si cela n’a pas duré bien longtemps !! Suffisamment en tous les cas pour nous serrer la main sans qu’un de nous y perde la vie !!
- Peut-être bien qu’à ce moment-là il n’y avait aucun danger, je veux bien l’admettre !! Mais ce n’est certainement plus le cas maintenant !! Écoute mon conseil, il ne t’a été donné que pour vous protéger le temps d’en apprendre davantage.
- Et où devrais-je aller selon toi ??
- À portée de vue pour avoir toujours ton frère à l’œil, mais suffisamment loin pour qu’il ne remarque pas ta présence.
- Hummm !!! Je verrai le temps venu, quelle sera ma décision. Pour l’instant je trouve que les choses ont assez duré !! Nous n’allons pas laisser mon frère plus longtemps dans cette prison avec maintenant un cadavre pourrissant à quelques mètres de lui.
- Je ne m’inquiète plus pour ton frère, plus rien ne pourrait le retenir contre son gré et s’il est encore là-bas, c’est qu’une bonne raison l’y pousse.
- Tu oublies juste qu’il se retrouve comme toi sur une terre dépourvue de toute magie, il est envisageable de penser qu’il n’ait plus la puissance nécessaire pour sortir seul de ce trou à rat.
- Je n’oublie rien mon fils !! Je comprends toutefois ton inquiétude, mais si ton frère reste là où il est ce n’est absolument pas à cause d’un manque de pouvoir.
- Comment peux-tu en être à ce point aussi certain ??
- À cause de ce que lui a fait boire ta grand-mère durant ces quinze dernières « doubles lunes », cette potion que ton frère a prise chaque jour et qui au fil du temps l’a transformé sans que personne ne s’en rende compte, ton frère n’a nullement besoin de la magie pour recharger ses pouvoirs, comme c’est mon cas et celui de tous ceux quelle que soit leur puissance, qui l’exercent sur Penn.
- Je ne comprends pas où tu veux en venir ?? Pour quelle raison mon frère serait-il autrement que les autres ??
- Parce que la magie fait partie de son corps, elle est partout !! Dans ses muscles, dans ses veines et dans ses os, ton jumeau n’est rien moins qu’une émanation du noyau de cette planète. Son corps charrie et fabrique la magie, comme nous autres nous le faisons de notre sang !! Comprends-tu maintenant ??
- Si tu dis vrai, cette potion aurait dû le tuer dès son plus jeune âge !!
- Elle l’aurait dû en effet… mais, elle ne l’a pas fait !!
- Dame Albi… grand-mère le savait pourtant ??
- Cela fait partie des mystères sur toi et ton frère qu’il me reste à élucider, comprends-tu mieux maintenant ma demande quant à ne pas vous rapprocher trop vite ?? Vous étiez semblables à la naissance, maintenant il ne reste plus que l’aspect physique et en partie mental, pour le reste nous avons tout à découvrir. Pour revenir à ta question de savoir pourquoi il reste prisonnier de la citadelle, la meilleure réponse qui me vient serait qu’il le fait parce qu’il a peur !! Peur de ce qu’il a sans doute appris durant tout ce temps passé avec Wulfoald, peur de ce que va devenir sa vie à présent et enfin, peur de cette puissance qu’il doit sentir gronder en lui et qui l’éloigne inéluctablement du simple fils de paysan vivant en communion dans une famille aimante qui était sa vie jusqu’à présent, une vie sans doute joyeuse qu’il regrette sûrement d’avoir perdue au point d’hésiter comme il le fait à prendre son nouveau chemin.

Mille questions traversent l’esprit d’Eldarian, pourtant il se contente de faire un signe de tête à son père avant de s’éloigner suffisamment de lui pour méditer sur ces paroles.

Cette histoire de potion le trouble plus que tout le reste, il va falloir qu’il remonte rapidement cette information au temple et que les grands maîtres inscrivent ce fait nouveau dans leurs archives, pour ensuite se concentrer dessus afin de réorienter leurs réflexions sur la prédiction en y adjoignant ce fait nouveau qui pourrait changer la nature des choses.

Maître « Too » prendra alors, lui seul, la décision qu’il convient de prendre, Eldarian faisant une entière confiance dans celui qui lui a tout donné de ce qu’un enfant avait besoin pour son équilibre.

Plus que pour tout autre au temple, il a été un véritable père pour cet orphelin de la « double lune » qu’il était et si son esprit est épris de justice, c’est bien par la grâce de cet homme qui a su le guider tout au long de son enfance puis de son adolescence sans jamais faillir.

Un homme qui lui a donné tant d’amour, qu’Eldarian en ressent toujours les effets quand, comme en ce moment, ses pensées vont vers lui et que ses yeux rougissent, alors que ses joues se mouillent de larmes qu’il ne cherche même pas à retenir.

Eldarian repense à toutes ces histoires merveilleuses que maître « Too » lui racontait pour l’endormir, des histoires à la réalité troublante ressemblant plus à des souvenirs, que le vieil homme lui narrait chaque soir en pensant qu’il serait bien trop jeune pour s’en souvenir et qui lui permettait surtout à lui de se remémorer une époque où tout semblait merveilleux, bien au-delà de celle qui est maintenant la leur.

Une en particulier lui revient pour la première fois en mémoire depuis tout ce temps, celle où son maître rencontra l’amour qu’il dut lui aussi quitter après les fêtes de la « double lune ».

Une histoire suffisamment semblable à celle de son père pour qu’elle lui revienne soudainement et que le trouble le prenne au point d’envisager l’impossible, son esprit libéré par son état de méditation lui refait vivre cet instant où enfant il écoutait émerveillé cette histoire alors qu’il entrait dans un demi-sommeil.

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« Quatorze « doubles lunes » en arrière »

Maître « Too » se tenait comme chaque soir assis sur un tabouret près de sa couche en lui tenant la main, de ses lèvres s’échappait un doux son de voix qu’il écoutait avec dévotion et qui lui contait une nouvelle histoire merveilleuse, sortant de l’imaginaire de cet homme bon qui trouvait toujours du temps pour s’occuper de lui malgré la charge qui était la sienne.

Les dernières paroles de cette histoire en particulier avant qu’il ne s’endorme et qu’il lui faille attendre le lendemain pour en entendre une autre toute aussi merveilleuse.

"J’ai appris plus tard que nous avions eu un enfant, une fille magnifique que je ne verrai jamais et à qui j’ai fait porter en cadeau de naissance un médaillon venant de mon enfance, prédisant…"

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Eldarian rouvre les yeux, comprenant que l’enfant qu’il était alors a dû s’endormir et qu’il est inutile de pousser plus loin sa mémoire à la recherche d’un souvenir forcément inexistant.