Chapitre 176 : Sixième semaine troisième jour (À une journée de marche du temple) (2/2)
Chapitre 176 : Sixième semaine troisième jour (À une journée de marche du temple) (2/2)
Il montre ensuite de la main ceux qui sont venus avec lui.
- Ni à quoi servent tous ces hommes et toutes ces femmes, formés depuis leur plus jeune âge aux disciplines les plus pointues de l’art du combat ?
Son regard se fixe à nouveau vers le haut mage qui boit ces paroles avec une attention palpable, attendant qu’il révèle enfin son secret.
- Pour une grande majorité des personnes vivantes, que ce soit dans les domaines, les forêts des Elfes ou les basses montagnes des Nains, nous ne sommes qu’une petite communauté restant cloîtrée dans un temple alors que nous sommes en vérité un domaine à part entière. Peu d’étrangers font le chemin qui y mène et ceux qui le font ne voient que ce pourquoi ils sont venus, sans jamais se poser la question de savoir de quelle façon nous subvenons à nos besoins. Pourtant il faut bien nous nourrir, nous habiller et entretenir le temple avec ce que cela demande comme main-d’œuvre. En fait ils ne voient qu’un vaste édifice qui ne sert qu’à former une élite de guerriers, ce en quoi nous ne cherchons pas à les détromper bien au contraire et même nous faisons en sorte que leur curiosité n’aille pas à vouloir aller regarder plus loin, alors que derrière nos murs se trouve une vaste vallée aussi grande qu’un domaine où des dizaines de milliers de gens vivent de leur labeur et sous notre protection. Ces gens n’ont jamais connu la haine ni la guerre, ils vivent en paix depuis les premiers jours qui ont suivi la grande fracture.
- Personne ne connaît leur existence ??
- Personne en effet !!
- Pourquoi m’en parler alors ??
- Je pense que vous ne m’avez pas bien entendu !!
- Mais enfin !! Où voulez en venir ??
- A vous faire réfléchir !!
- Me faire réfléchir !! Mais à quoi ?? Au fait qu’une partie de la population humaine vit en vase clos, avec les risques qu’ils encourent quant aux cousinages affaiblissants le corps et l’esprit. La trêve existe justement pour l’éviter et vous me dites que vous tenez sous protection plusieurs dizaines de milliers d’humains ?? Depuis quand déjà ?? Ah, oui !! La grande fracture !!
- (« Yoo ») Regardez nos gens, ressemblent-ils à des dégénérés ?? La trêve existe également chez nous et ce même si nous n’avons jamais reconnu qu’elle devait se faire sans heurt, nous retrouvons le même pourcentage d’enfants de la « double lune » que partout ailleurs sur Goth. S’ajoutent à ces enfants ceux que nous envoient les maîtres itinérants, vous comprendrez alors que les risques liés aux cousinages n’ont pas plus lieu d’être qu’ailleurs.
- Mais alors pourquoi cette conversation ?? Où voulez-vous en venir exactement ??
- Un vaste domaine où l‘église n’a eu et n’aura jamais aucune prise, un domaine où les enfants naissent sans que leurs parents craignent jamais qu’on les leur enlève et enfin un domaine où beaucoup se sont réfugiés au lendemain de la grande fracture, bien avant que la chasse aux sorcières ne soit d’actualité.
Voldarian commence à comprendre où le grand maître veut en venir, pourtant cette idée lui paraît tellement folle que son esprit ne peut s’y arrêter.
Trop de questions lui viennent alors pour qu’une seule ne sorte, le laissant muet de stupeur devant l’impossible que cherche à lui faire dire l’homme masqué qui le fixe avec une rare intensité.
Le haut mage se secoue, ses yeux clignent rapidement pour se détacher de ceux hypnotiques de maître « Yoo » et quand enfin il retrouve l’usage de la parole, c’est pour dire une ineptie maintenant que son cerveau commence à peine à croire au miracle.
- Impossible voyons !!
Maître « Yoo » sourit sous son masque, il comprend bien l’effarement de cet homme qui depuis l’enfance s’est fait une raison sur le fait d’être le dernier de son espèce.
- Et pourquoi donc ??
- Parce que je le saurais si c’était le cas !! Les flux de pouvoir m’auraient prévenu que d’autres avaient survécu, alors qu’il n’en a rien été depuis que je suis en âge de les ressentir.
- Peut-être de connaître la raison première de l’implantation du temple dans cette région vous aiderait-il à accepter ce qui vous semble si peu probable et comprendre la raison majeure de ce manque de…connexion, qui vous fait douter de mes paroles.
- Il faudrait pour ça que la magie en soit totalement absente, qu’aucune veine n’ait jamais alimenté une région complète de Goth.
- C’est bien le cas, comme je vous l’ai dit notre domaine n’est qu’une vaste vallée située au cœur de la montagne avec les hautes murailles du temple qui en barre l’accès et la raison de l’y bâtir à cet emplacement a été prise justement parce que la magie y a été de tout temps inexistante, ce qui respectait en tout point les dogmes premiers de notre ordre qui interdit toute magie en son sein.
- Quelques familles Goths auraient donc survécu, sans source de magie pour développer leurs dons !!
- Je dirais une petite dizaine de milliers au total, reconnaissable à leurs yeux identiques aux vôtres !! Avec un petit pourcentage non négligeable portant les marques, qu’ils soient nés chez nous comme c’est le cas pour la plupart ou tout simplement récupérés par nos maîtres guerriers lors de leur itinérance. Vous comprendrez mieux maintenant le rôle qui était le leur, pourquoi aujourd’hui révéler la vérité me direz-vous ?? Tout simplement parce que notre mission prend fin, qu’un nouveau et puissant roi dragon va avoir besoin d’un peuple avec qui il pourra ramener l’ancienne paix de Penn.
Voldarian écoute maître « Yoo » avec un tel ahurissement que ce dernier ne peut s’empêcher d’éclater de rire, se doutant bien que les chiffres qu’il vient de citer lui semblent astronomiques alors que le haut mage avait retrouvé l’espoir de pouvoir rencontrer tout au plus quelques familles.
- Le temple est loin de ce à quoi vous pensiez ! Hi ! Hi ! Pourtant il était absolument impératif pour nous que seule la crainte de notre force soit imprégnée dans la mémoire des peuples.
Voldarian reprend ses esprits, le fait d’entendre rire lui permet à lui aussi de pouvoir enfin montrer la joie de son cœur et dans un élan incontrôlé, prendre dans ses bras le maître guerrier pour le remercier d’avoir permis que son peuple survive.
Un long moment passe ainsi, jusqu’à ce que maître « Yoo » l’écarte gentiment de lui et lui redonne le conseil qui a été le début de toute cette conversation.
- Vous comprendrez mieux pourquoi il serait bon d’attendre qu’Eldarian soit rentré, son frère pourrait réagir inconsidérément quand il apprendra l’existence d’autant de porteurs de la marque. Rappelez-vous que ces gens n’ont aucune idée de ce qu’elle représente pour eux, ni qu’ils sont des vecteurs potentiels de pouvoir. Pour toutes ces personnes, ce n’est rien de plus qu’une couleur de cheveux comme une autre.
Maître « Yoo » hésite.
- Enfin…presque !!
- Comment ça, presque ??
- Disons que nous les avons mis à l’écart, donc pour eux tout le monde est comme ça, vous comprenez ?? Nous ne pouvions les laisser aller librement comme les autres, sinon ils n’auraient pas compris pourquoi la trêve ne les concernait pas et nous ne pouvions évidemment pas les laisser voyager sur Goth sous le nez des grands inquisiteurs.
- Combien sont-ils au juste ??
- Tout un village, au moins cinq à six cent je dirais !! Le plus jeune est encore au biberon alors que le plus ancien doit avoir plusieurs centaines de « doubles lunes » au bas mot, seul le premier grand maître a accès à ces informations.
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