Chapitre 188 : Septième semaine troisième jour (À une journée du temple) (Conrad)
Chapitre 188 : Septième semaine troisième jour (À une journée du temple) (Conrad)
« À l’aube ce matin-là »
Conrad est semble-t-il le premier à se réveiller, peut-être est-ce dû au fait qu’il dorme seul alors que beaucoup autour de lui sont serrés les uns contre les autres, ou en couples pour se protéger du froid de la nuit et de l’humidité du matin.
Quelques bûches sur les braises ravivent le feu et alors qu’il commence à retrouver un peu de chaleur, son regard se porte naturellement sur ceux parmi ses compagnons avec qui il a noué de forts liens d’amitié.
Un sourire orne ses lèvres quand son regard s’arrête sur le couple que forment Lorgan et Loup, la façon qu’ils ont d’être enlacés dans leur sommeil est une preuve incontestable de ce qu’ils éprouvent l’un pour l’autre.
Une légère grimace remplace son sourire quand le manque de son prince se fait ressentir, Conrad est maintenant parfaitement conscient de ses sentiments à son égard et n’attend plus que le moment proche maintenant, où il va pouvoir le serrer dans ses bras pour lui avouer son ressenti après ces longues semaines de séparation.
Quelque chose en lui a mûri. Il a maintenant une toute autre vision de ce qui avant toutes ces péripéties lui semblait naturelle, la preuve en est qu’il ne regarde plus d’un même œil les garçons autour de lui qui pourtant sont pour la plupart d’une beauté physique indéniable.
Les paroles d’Eldarian l’ont marqué plus qu’il n’y aurait pensé au moment où il les a entendues et qui au fil des jours l’ont convaincu qu’elles étaient celles de la raison, n’y voyant plus rien de réellement excitant à l’idée de découvrir le plaisir avec de nouvelles personnes.
Maintenant Conrad espère qu’il en sera de même pour Gaëtan, ce qui n’est pas gagné d’avance car connaissant mieux que quiconque les escapades de son ami d’enfance et ce même s’il n’en a jamais eu ni réellement la preuve, ni de véritables aveux de sa part, de la raison qu’il avait de s’échapper si souvent du château.
Pendant qu’il ressasse en boucle toutes ces choses qui maintenant prennent une importance autrement plus sérieuse qu’auparavant, Conrad prépare le gruau qui leur donnera à tous l’énergie nécessaire à la journée de cheval qu’il leur reste à parcourir pour qu’ils atteignent enfin le but de ce voyage et qu’il retrouve tous ses amis, sans oublier bien entendu celui qui lui manque le plus, son beau prince Gaëtan.
L’odeur du gruau doit sans doute agir sur le sommeil de ses compagnons de voyage qui commencent petit à petit à s’attrouper autour du feu, la tête encore en vrac de la nuit de sommeil passée à la belle étoile.
Une voix reconnaissable entre toutes résonne alors, faisant rire quelques-uns, mais sourire tout le monde par ces éternels grognements d’ours mal léché.
- Encore cette fichue bouillie pour les cochons !! Ça sert à quoi d’avoir le plus grand magicien de Goth avec nous si c’est pour nous faire avaler cette tambouille !!
Durin vu que ce ne pouvait être que lui, s’avance vers le jeune couple encore endormi et toujours amoureusement enlacé, pour leur donner quelques petits coups de pied quand même bien sentis dans les fesses.
- Debout là-dedans !! Allez !! Ce n’est plus l’heure d’essayer de faire un petit !!
Lorgan est le premier à ouvrir un œil et à regarder le jeune Nain, sans comprendre ce qui lui prend d’agir de la sorte.
- Ça ne va pas bien dans ta tête ce matin ?? Qu’est-ce qui te prend à nous secouer comme ça !!
- Y’a que j’en ai ma claque de me serrer la ceinture, mon père va finir par ne même plus me reconnaître tellement j’ai la peau sur les os depuis que je suis avec vous !!
Loup à son tour ouvre les yeux, amusé du ton que prend son ami pour se plaindre et son regard se reporte presque aussitôt vers sa bedaine bien ronde, la ceinture ne semblant pas avoir changé de trou depuis bien longtemps, beaucoup plus en tout cas que ce qu’il vient juste de prétendre.
Durin s’en rend compte, comme il se rend compte du sourire narquois de son ami qui contemplait jusque-là son ventre avant de plonger son regard dans le sien.
- Ouaih !! Ben…ça ne se voit peut-être pas, mais ce n’est plus que de l’air qu’il y a à l’intérieur.
- Ah oui ?? Vraiment ?? Alors faisons en sorte qu’il s’échappe avant de te rendre malade pour de bon !!
Durin sent alors ses intestins grondés, une énorme et irrépressible envie d’envoyer un vent le fait blêmir de honte, quand celui-ci finalement s’échappe en faisant un bruit de tonnerre, faisant se reporter tous les regards sur lui.
Il tente alors de s’échapper de sa démarche chaloupée, en poussant des jurons dignes d’un charretier tout en sentant bien que ce n’est que le début et qu’il ne va pas pouvoir retenir plus longtemps le chapelet de gaz qui se prépare, tous entendent alors les sons caractéristiques mêlés aux jurons allant decrescendo qui amènent un fou rire général.
Lorgan les yeux en pleurs, se tourne vers son chéri qui semble être particulièrement satisfait de sa plaisanterie.
- Tu as été vache avec lui !!
- Bah !! Il est toujours à se plaindre et puis ce ne sont pas des façons de réveiller les gens, en plus c’est bien lui qui se plaignait d’être tout ballonné !! Sa goinfrerie le perdra ! Hi ! Hi !
- Par contre il a raison quand même en disant qu’il y en a marre de ce gruau immonde, il m’a raconté comment tu avais transformé la cellule de la citadelle pour le bien-être de ton frère !!
- Ce n’était pas du tout la même chose, il serait mort de faim si je n’avais rien fait !! Alors que là et même si ce n’est pas la panacée pour un prince Nain ou même Elfe, il y a ce qu’il faut pour nous nourrir. Je n’ai toujours eu que du gruau le matin et je n’en suis pas mort, les autres ne se plaignent pas eux non plus il me semble.
Loup s’aperçoit alors que ces paroles qui pourtant ont été dites sans méchanceté, n’ont pas été prises comme telles par son chéri qui les a reçues comme un reproche lié à son rang.
Il s’empresse alors de le prendre dans ses bras pour se faire pardonner.
- Excuse-moi, mes paroles ont dépassé mes pensées !! Je voulais juste dire que la magie ne doit pas servir à ce genre de chose, c’est sans doute pour une raison semblable que les gens ont fini par se retourner contre elle, tu comprends ?? Elle n’est pas là pour servir le bien-être d’un petit nombre, mais doit être utilisée exclusivement pour le bien de tous.
Le regard couvert de larmes de Lorgan qui l’écoute en le fixant dans les yeux, fait rapidement tarir les paroles d’explications de Loup pour amener son visage contre le sien et l’embrasser avec toute l’émotion qu’il ressent de l’avoir rendu triste, faisant fi des regards de leurs compagnons qui comprennent sans ambiguïté possible la relation de nature jugée « immorale » qui unit les deux garçons.
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