Chapitre 7

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Richard est en panique. Son cerveau refuse d'accepter l'évidence. Il erre dans le garage, le jardin, en les appelant. Elles se cachent : « Manon ! Andréa ! », il va les trouver. Leurs prénoms voyagent, portés par la brise glacée qui le saisit et le transperce soudain comme une lame. Hagard, il revient vers la maison. Ce n'est pas un jeu ! Elles ont disparu ! Ses bébés ne sont plus là. Son regard interroge Gladys.


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De son côté, elle non plus ne comprend pas. Puis, voyant ses cadeaux chiffonnés, constatant le désespoir de leur père et que son sac s'est envolé : elle sait ! Comment l'annoncer à Richard qui ne cesse de les chercher ? Elles jouent bien à cache-cache, mais sur un terrain plus vaste qu'il ne l'imagine. Les fillettes ont fait une fugue ! Hier soir, tout c'était bien passé, si elle était rentrée, tout cela ne serait pas arrivé.


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« Mais où sont-elles ? lance-t-il perdu.

— Je crois qu'elles sont parties...

— Parties ! Mais où ça ?

— Elles ne doivent pas être bien loin, on va les retrouver. Si elles ont fugué...

— Qu'est-ce que tu racontes ? Fuguer, mais t'es malade, elles ont dix ans ! s'énerve Richard, angoissé.

— Je crois qu'elles n'ont pas apprécié de voir que j'étais encore là ce matin...

— C'est impossible, elles sont bien trop petites ! »


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Richard repart fouiller les moindres recoins. Dans sa tête les idées se mélangent : « Une fugue, mais on nage en plein délire ! Pourquoi feraient-elles ça ? C'est absurde, c'est sournois, c'est une vengeance, c'est Manon. » Il finit par s'écrouler dans le fauteuil face à Gladys.

Elle, préfère ne pas penser la suite, quand elles découvriront ses secrets en fouillant dans son sac.

« Où ont-elles pu aller ? lui demande-t-elle.

— Je ne sais pas...

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— Réfléchissons ! Chez tes beaux-parents ? Des amis à toi, à leur mère ? Des copines d'école ? Avec ce temps, elles ne vont pas rester dehors...

— Mon Dieu, faites qu'il ne leur arrive rien ! Viens, on va tourner en voiture ! Mado et Jean ne sont pas là, on va passer voir chez les parents de leurs camarades de classe... »

Richard envisage, et élimine au fur et à mesure, toutes les possibilités qui lui passent par la tête.

Gladys prend le volant.


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Andréa suit sa sœur mais n'est pas très rassurée. C'est la première fois qu'elles se baladent juste toutes les deux. Sa jumelle, au contraire, est grisée par cette liberté qu'elle expérimente. Pas un adulte à l'horizon pour lui dire quoi faire ! Elles s'arrêtent dans l'abribus, à l'entrée de leur zone pavillonnaire. Manon trouve un billet dans le sac de Gladys, tend la main, le car stoppe devant elles, la porte s'ouvre et elles grimpent.


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Le chauffeur s'étonne :

« Qu'est-ce que vous faites là, seules toutes les deux ?

— Papa a eu un accident, on rejoint maman à l'hôpital » invente Manon.

Il lui tend deux tickets en soulevant les sourcils.

« On va où ? chuchote Andréa, inquiète.

— À l'école.

— Mais c'est fermé aujourd'hui, réplique-t-elle.

— Ça, je sais, banane ! Mais après c'est moins loin pour aller chez Mamy ! »

Andréa est en admiration devant sa jumelle qui pense à tout.


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Après une bonne heure de marche, elles arrivent enfin, escaladent le petit muret sans difficulté, soulèvent le pot de fleurs en forme d'escargot, prennent la clef et s'introduisent dans la maison déserte. Manon se débarrasse de son manteau, il ne fait pas très chaud, mais bien meilleur que dehors. Andréa l'imite. Elle n'en revient pas d'être là ! Sa peur s'estompe et l'agréable sensation d'être une grande la remplace.


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Elles sont chez elles ici, ouvrent le placard, sortent une casserole, font chauffer de l'eau, cherchent la passoire et se chamaillent pour savoir si les pâtes sont cuites.

« C'est génial ! Comme on a assuré ! crane Andréa.

— Papa va voir ce que ça fait de s'faire abandonner, réplique Manon. Et on va vivre ici avec Mado et Jean !

— Ah ouais ? Ça va être trop bien.

— Puisqu'il préfère sa Gladys, c'est bien fait pour lui ! » conclut-elle.


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Andréa met la chaîne des dessins animés.

Manon, assise en tailleur sur le canapé, vide le sac de Gladys devant elle, s'empare de son smartphone et fait un jeu. Elles en réclament un depuis longtemps, mais Richard ne cède pas, les grands-parents non plus, même pas un pour deux. Trop jeunes qu'ils disent tous. En même temps à l'école la maîtresse les confisque. Mais là c'est cool, elle propose :

« Si on allait sur FaceBouque ?

— Ah ouais ! »


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Richard et Gladys tournent dans le quartier. L'inquiétude grandit.

Il sera bientôt midi et ils n'ont aucune piste. Personne n'a vu les jumelles. Elles ont dû partir tôt. À chaque fois qu'il pose la question à quelqu'un, Richard culpabilise. Il ne supporte pas l'idée qu'elles puissent se balader seules, avec tous les malades dont parlent les médias à longueur de temps. Il va devenir fou !

Ils passent devant l'école, tout est désert.


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Gladys ne sait que faire pour le réconforter. C'est la première fois qu'elle le voit dans cet état. Elle demande :

« Où se trouve la tombe de leur mère ? »

Aussitôt, ils décident de se rendre au cimetière, passent devant chez Mado et Jean, tout est fermé. Richard a envie de les appeler, mais ne trouve pas le courage.

« Ça ne sert à rien de les affoler, ils ne peuvent rien faire, avance Gladys.

— Tu as raison » répond Richard que cela arrange.


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Il se précipite dans les allées, ses pas crissent sur les gravillons : il n'y a personne. Elles ne sont pas là ! Elles ne sont nulle part ! Il revient à la voiture, essoufflé. Gladys propose le parc. Il se laisse conduire : pas plus de succès.

La panique s'empare de lui, vaincu, il annonce gémissant :

« Ça ne sert à rien tout ça, il faut prévenir les autorités ! Je dois signaler leur disparition ! On aurait dû commencer par ça. »


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Gladys acquiesce et démarre. Pourtant, elle préférerait rentrer chez elle, hélas elle n'a même plus ses clefs. Le silence règne dans l'habitacle. Ne devrait-elle pas tout lui dire maintenant ? Ça va mal se finir pour elle, c'est imminent. Mais il est déjà si malheureux. Elle ne peut pas ! Elle se gare devant le commissariat, coupe le contact et regarde l'homme qu'elle aime, blanc comme un mort, prêt à s'effondrer à ses côtés.


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Ils sortent de la voiture, se dirigent vers les grilles et sonnent à l'interphone. Une voix résonne :

« Oui, c'est pour quoi ?

— Mes filles ont disparu » répond Richard gagné par un sanglot en formulant l'horreur.

Le clap d'ouverture du portillon se déclenche. Ils s'avancent tous les deux jusqu'au guichet.

« Asseyez-vous Monsieur, intervient un policier en uniforme. Expliquez-nous ce qui vous arrive. »

Gladys lui caresse le dos pour le réconforter.

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