Lourd.
Épais.
L'air… Difficile à respirer.
Aucune branchie pour filtrer l'oxygène, du déluge des brumes immobiles.
Le temps est à l'orage.
Et la colère me gagne.

À l'unisson d'un ciel éructant sa charge, je débagoule ma rage.
Je gueule, je jure, je cogne, tout ce qui me tombe sous la main.
L'inertie du monde épuise mes élans de violence.
Et se calme l'animal.
Que ça me plaise ou non, pour vivre, il faudra faire face.

La pluie, comme un cilice, me griffe la peau, me fait du bien.
La douleur dehors, pour échapper à la douleur, dedans.
La pluie n'y suffira pas.
Mon corps l'ordonne et je cours. Je choque le sol de tout mon poids, à chaque pas.
Je refuse d'entendre mon cœur se plaindre, je refuse de répondre à mon souffle qui s'écourte.
Je cours, comme on frappe, jusqu'au bout de mes forces. Malgré moi, mes jambes se dérobent.
La douleur dehors.
Et se calme l'animal.

Je suis prisonnière du monde, du temps, de ma chair…
Alors, ce n'est qu'une geôle de plus, une cellule dans une autre… qu'importe ?
L'orage continue de gronder, alimenté d'une colère bien plus vaste. Son air est saturé de fureur, la mienne se délite.
Et se calme l'animal.

Il n'y a pas de combat sans adversaire et il n'y a pas d'adversaire ; il n'y a que moi…
Et dedans, la douleur, c'est encore moi.
Si seulement les fluides du ciel pouvaient me laver, emporter avec eux, les souffrances à venir.
Il n'y a pas de combat, mais il est perdu d'avance.
Il faudra faire face.
Décaler les priorités, regarder ailleurs ; casser la transe morbide d'observance, qui accélère l'issue de cette illumination -ridicule qu'elle en soit une-, cet implicite de nos vies : je vais mourir… Je suis mortelle ! Je suis une mortelle sans crédit.

Comme elle s'est bien battue la chèvre de Monsieur Seguin !
Et elle a usé sa vie sur le dard d'une évidence : c'était couru d'avance.
Pourquoi refusait-elle d'y croire ?
Et se calme l'animal.

La pluie tombe en rideau, je n'ai toujours pas de branchies ; ce n'est pas grave, je m'entraîne pour une apnée éternelle.

Inspirez...