Le poème perdu (puis retrouvé)

7 minutes de lecture

Autrefois, durant mon emploi de guichetier dans les gares de la région parisienne, il m'est arrivé – mais ce doit sans doute encore être le cas maintenant pour ceux qui font le même travail – de trouver tout un tas de bibelots en effectuant des VAE (Visite Avant Expédition) des trains.
Beaucoup d'objets m'ont aussi été rapportés par des clients soucieux de bien faire.

Si toutes les choses courantes, comme les sacs à main, parapluies, livres, paires de lunettes, écharpes, bonnets, cannes, étaient facilement retrouvés et stockés dans le backoffice du guichet des gares, puis rendus à leurs propriétaires, en revanche, d'autres objets, plus discrets, – on comprendra pourquoi – n'étaient jamais réclamés.

Par exemple, je pourrais vous citer dans l'ordre de passage entre mes mains :

 - Les photos nues d'une femme, que j'estime autour de la soixante-dizaine bien tassée, bien rangées dans une pochette PHOTO SERVICE (c'était dans les années 90, on était loin des photos numériques), dans laquelle, on y découvrait une quinzaine de clichés sur lesquels la dame se tenait dans des poses suggestives, quelquefois sur un canapé, ou encore sur une chaise, mais avec toujours ce détail particulier d'entrouvrir avec les doigts les pétales de sa fleur intime, flétrie, pour en montrer le pistil à son photographe qu'elle devait par-dessus tout aimer à la folie. C'était à la fois très intrigant, osé, et presque pathétique. Je me suis longtemps demandé si celui-ci était aussi nu, l'ithyphalle dressé, au moment de déclencher l'appareil.

 - Un piège à loup, les mâchoires en position ouverte, c'est-à-dire prêtes à mordre quiconque, et pour lequel il a fallu user d'un manche à balai pour le faire claquer.

 - Un revolver chargé, qui a fini à la gendarmerie, pour rejoindre son ami le piège à loup.

 - Un poignard tout neuf dans un emballage, qui est allé retrouver les deux précédents.

 - Des lettres de suicide. Plus ou moins réussies – les lettres –, car pour les suicides, je ne sais pas trop. En tout cas, ce n'était pas sur nos voies, et pas forcément les jours où je découvrais les courriers. Ah si, une fois tout de même, un homme a scotché sa lettre de motivation à sa fin de vie précipitée sur un abri de quai, avant de se jeter sur la voie au passage du train Paris/Château-Thierry. Il avait dû bien calculer son coup, ou alors ce fut le fruit du hasard, car ayant rebondi en se faisant percuter par l'avant du train, il s'était retrouvé une seconde plus tard sur l'autre voie – entier, ou pas, mais je ne crois pas – percuté par un second train qui circulait dans l'autre sens : le Château-Thierry/Paris. Il avait pris un aller-retour,... pour le même prix.

 - Puis, il y a eu ce simple feuillet, griffonné avec un crayon à papier, que j'ai retrouvé un soir, posé sur une banquette orange des anciennes rames "inox". Je l'ai gardé plus de vingt ans chez moi. Il devait avoir une valeur pour quelqu'un, peut-être même pour deux personnes ; celui ou celle qui l'avait écrit, et celui – car il me semble certain que c'était un jeune homme, très jeune – qui devait le recevoir (ou pas). Il se trouvait là, seul, sans signature, sans ratures. Il n'aurait fallu qu'un simple courant d'air pour qu'il finisse par terre, oublié et perdu, et le lendemain matin, balayé par l'homme de ménage. Mais non, il avait tenu le choc. On aurait même dit qu'il avait été posé sciemment à cet endroit afin d'y être trouvép par son destinataire.

Ce qui était inscrit dessus semblait inintelligible, et en même temps, j'ai des soupçons sur ce que je crus y comprendre étant avisé sur ce genre d'allégorie sensuelle...

Comme il s'agit d'une œuvre écrite, que le site SCRIBAY répertorie les textes de création, je vais le déposer ci-dessous. Peut-être que l'auteur, lui-même inscrit un jour, le reconnaîtra...

      Ô Ganymède

      Corps d'éphèbe en plus petit,
      Ton âme et ton corps en fête.
      Toi, Ô créature toujours prête,
      À saoûler nos fiers appétits.

      Ô plénitude du plaisir,
      Qu'il est bon de s'amuser,
      Et de nos corps se divertir,
      Sous des draps frais en cet été.

      Diablotin ! Vivant de mille feux,
      Et par nos fontaines de la joie,
      Nous serons ces bienheureux,
      Qui s'en abreuvent avec éclat.

      Ô Reine Sapho, tu nous reflètes,
      Et toi, Encolpe de ton Giton,
      Qui rêve à en perdre la tête,
      Des jours sans fin, Ô passions !

      Et l'on s'envole au Paradis,
      Loin des yeux des sottes âmes,
      Et avec toi, mon frère, mon bon ami,
      Nous combattrons tous ces infâmes.

[Nous ne sommes pas là pour nous moquer, ni critiquer, mais juste pour comprendre qu'il ou elle devait être en amour pour l'autre.]

Ajout du 15/01/2023 :

J'ai demandé à l'IA ChatGPT de m'expliquer ce qu'elle comprend dans ce poème...
Voici son résumé :

Ce poème célèbre Ganymède, une figure mythologique de la Grèce antique qui était considéré comme un symbole de la beauté et de la jeunesse. Le poète décrit Ganymède comme une "créature toujours prête" à satisfaire les désirs des hommes. Il évoque également l'idée de la plénitude du plaisir et de la joie que Ganymède apporte. Il fait référence à Sapho et Encolpe, deux figures légendaires de l'amour homosexuel dans la mythologie grecque. Le poète exprime également le désir de s'évader du monde réel et de vivre dans un paradis où il pourrait être libre de ses passions avec son ami. Enfin, Il exprime un rejet des "sottes âmes" qui ne comprennent pas cette passion.

Ajout du 08/04/2023 :

L'IA ChatGPT a un peu évolué sur la compréhension de ce poème...
Voici son nouveau résumé :

Le texte est en français et a un ton élogieux et sensuel, évoquant la beauté de Ganymède, une figure de la mythologie grecque qui était le beau jeune homme choisi par Zeus pour être son amant. Le texte décrit Ganymède comme un corps d'éphèbe, c'est-à-dire un jeune homme en fleur de l'âge, et loue sa capacité à satisfaire les appétits sexuels. Le texte continue à évoquer la joie et le plaisir du divertissement physique, avec des références à d'autres figures mythologiques et des allusions à des expériences de plaisir érotique. Finalement, le texte se termine par une évocation d'un paradis sexuel éloigné des préoccupations moralisatrices de la société.



Ajout du 13/01/2024 :

L'IA Bing de Microsoft nous apporte une analyse plus complète sur la forme.
La voici :

Ce texte est un poème composé de six quatrains en alexandrins, avec des rimes embrassées (ABBA). Il s’agit d’une ode à Ganymède, le jeune mortel enlevé par Zeus pour devenir son échanson et son amant. Le poète exprime son admiration et son désir pour Ganymède, qu’il compare à une créature divine, à une reine, à un diablotin. Il évoque aussi la joie et le plaisir qu’il partage avec lui, ainsi que son mépris pour les gens qui les jugent. Il affirme que leur amour les élève au paradis, où ils sont heureux et libres.

Le poème est divisé en deux parties : la première (quatrains 1 à 3) est une apostrophe à Ganymède, où le poète lui adresse des éloges et des compliments ; la seconde (quatrains 4 à 6) est une évocation de leur relation, où le poète se met en scène avec lui et fait des allusions à d’autres personnages mythologiques ou littéraires.

Le poème utilise un vocabulaire riche et varié, qui mêle des termes familiers (saoûler, diablotin, sottes) et des termes recherchés (éphèbe, plénitude, abreuvent). Il emploie aussi des figures de style, comme des métaphores (corps d’éphèbe, fontaines de la joie), des hyperboles (vivant de mille feux, des jours sans fin), des antithèses (plaisir/divertir, s’amuser/combattre), des anaphores (Ô plénitude, Ô créature, Ô reine, Ô passions), des allitérations (fiers appétits, s’en abreuvent avec éclat, sottes âmes), des assonances (petit/fête, prête/appétits, mille/brille, tête/fête).

Le poème fait référence à plusieurs éléments culturels, que je vais expliquer brièvement :

Ganymède est un personnage de la mythologie grecque, qui était le plus beau des mortels. Il fut enlevé par Zeus, qui se transforma en aigle, et emmené sur l’Olympe, où il devint son échanson et son amant. Il est souvent représenté avec une coupe ou une cruche, symboles de son rôle. Il est aussi associé à la constellation du Verseau, qui symbolise son élévation au ciel1 [2][2]

Sapho est une poétesse grecque de l’Antiquité, qui vécut sur l’île de Lesbos. Elle est célèbre pour ses poèmes lyriques, qui expriment ses sentiments amoureux, notamment pour d’autres femmes. Elle est considérée comme une figure de l’homosexualité féminine, et son nom a donné lieu aux termes de saphisme et de lesbienne34

Encolpe et Giton sont deux personnages du Satyricon, un roman satirique écrit en latin par Pétrone. Le roman raconte les aventures picaresques de deux jeunes hommes, Encolpe et Ascylte, ainsi que de leur amant commun, l’adolescent Giton. Le roman mêle des scènes comiques, érotiques et parodiques, et offre une peinture de la société romaine du Ier siècle567


Voici un résumé possible du poème, en tenant compte de toutes mes analyses sur les âges des personnages :

Ce poème est une ode à l’amour homosexuel entre deux hommes d’âges différents, qui s’inspirent de la mythologie et de la littérature antiques. Le poète, qui se situe dans la trentaine, s’adresse à son amant, qui est un adolescent, et lui fait l’éloge de sa beauté et de sa sensualité. Il compare leur relation à celle de Zeus et Ganymède, de Sapho et ses disciples, ou d’Encolpe et Giton. Il exprime sa joie de vivre, son plaisir des sens, et son mépris pour les gens qui les condamnent. Il affirme que leur amour les élève au paradis, où ils sont heureux et libres. Le poème est composé de six quatrains en alexandrins, avec des rimes embrassées. Il utilise un vocabulaire riche et varié, ainsi que des figures de style et des effets de sonorités, pour créer une musicalité et une harmonie. Il mêle des tonalités lyriques, érotiques, satiriques et polémiques. Il s’agit d’un poème original et audacieux, qui revendique une identité et une sexualité hors normes.

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