Chapitre 5 : Partie 1/5

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- Le jet ! hurla Eileen en s’asseyant trop vite.

Aussitôt, le sang lui afflua à la tête et une migraine prit plaisir à la malmener. Elle s’écroula sur le matelas. Les yeux fermés, des vertiges l’envahissaient et la dissuadaient de faire quoi que ce fût.

- Ne bouge pas, lui conseilla Merielle. Tu dois encore te reposer. On m’a raconté ta prouesse, tu as fait un sacré effet !

Eileen sourit à peine et trouva la force de ramener ses bras vers son visage pour se masser les tempes. Le mal de crâne se calmait déjà. Débarrassée de cette douleur, elle se remémora ses derniers souvenirs : sa performance avait été inouïe ! Un peu plus tôt encore, elle s’extasiait devant un petit jet créé depuis les mains de Gaël, à présent elle pouvait extraire un geyser de la terre ? Une grande fierté prit le pas sur sa peur. Elle maîtrisait l’eau. Elle pouvait enfin quitter le royaume et poursuivre sa quête !

Oui, mais comment faire, seule ? Eileen ravala son soupir.

Elle se défit du drap et sortit du lit. Ses orteils se rétractèrent au contact du sol gelé. Elle se rua sur ses chaussures.

- Depuis combien de temps est-ce que je suis ici ?

- Deux jours.

- Deux jours !

- Tu as besoin de repos, répéta Merielle.

- Je vais bien, insista-t-elle.

- Eileen Harleyn, reste couchée !

Contrariée, Eileen se mordit l'intérieur des joues pour retenir une réplique désagréable. Elle n’était pas fatiguée et rester ici plus longtemps n’était qu’une perte de temps.

Des sons de trompettes retentirent.

- La garde doit être arrivée, abandonna Merielle. Le nouveau commandant va parler.

L’information enfin rendue publique, Gaël était donc officiellement à la tête de la garde ? Toujours en uniforme depuis le test, elle pesta de ne pas pouvoir prendre le temps de revêtir une tenue plus acceptable – et qu’on ne l’eût pas changée, pour une fois. Elle défroissa promptement ses vêtements et quitta la pièce en trombe.

Le hall était noir de monde. Les mestres encadraient les élèves dans un brouhaha sans nom et les guidaient jusqu’à la salle des cérémonies. Eileen se mêla au groupe. Les cuivres résonnèrent encore un long moment, le temps de réunir toute l’école. Un silence étonnant naquît lorsqu’ils se turent. Mais les murmures, puis à nouveau les discussions vives, ne tardèrent pas à redémarrer.

Eileen franchit le seuil, compressée par la foule, et étudia la pièce autant que sa petite taille le lui permettait. Des bancs installés sur différents niveaux emplissaient la pièce, à la manière d'un amphithéâtre, et s'arrêtaient juste devant une large estrade. Elle repéra Aera et se fraya un chemin pour la rejoindre au deuxième rang.

- Je pensais que tu devais rester couchée ! s’étonna-t-elle.

- C’est ce que Merielle m’a dit. Mais je me sens bien, donc me voilà. Tout le monde a réussi le test ?

- Non, seulement six personnes.

Les mestres s’alignèrent au fond de la plate-forme, sauf un qui s’avança. Eileen le voyait régulièrement dans les couloirs, il s’occupait des Niveaux 3 et 4. Ses longs cheveux blancs retombaient sur sa forte carrure que l’on devinait sous sa tunique travaillée avec finesse. Le dos droit, la tête haute et le visage ferme, il inspirait l’autorité. Il balaya la foule des yeux qui s’immobilisa. Il se racla la gorge. On pouvait entendre les mouches voler.

- Bonjour à tous. Ce matin, la garde royale nous fait l’honneur d’intervenir dans notre école pour délivrer un message de la plus haute importance.

Pendant qu’il parlait, des soldats passèrent à leur tour la large porte, menés par Gaël. Il les salua d’un signe de tête, le buste incliné.

- J’aimerais que vous écoutiez attentivement le nouveau dirigeant de la garde royale, le Commandant Kilenswar.

Le mestre recula et, d’un geste de la main, invita les hommes à prendre place sur l’estrade. Les yeux d’Aera se mirent à pétiller. Gaël n’était qu’à quelques mètres d’elle, mais il ne lui manifestait aucun intérêt, occupé à scruter la salle. Juste une seconde, son regard se posa sur Eileen qui lui sourit par réflexe. Vêtu de la même armure que l’ancien Commandant Ell’Tin, il dégageait une prestance considérable. Contrairement à celle que portait Illian avant lui, elle n’était pas marquée par le combat ou l’usure quotidienne, et brillait comme les cuirasses des vaillants chevaliers des jeux vidéo. Elle en oublia le jeune homme qui l’aidait lors de ses entrainements et ne vit plus que le guerrier prêt à mourir pour son royaume.

Les élèves le fixaient, suspendus à ses lèvres.

- Bonjour à tous. Je suis le Commandant Kilenswar, de la garde royale de Nergecye. Il y a quelques jours, vous avez passé un test qui sera renouvelé chaque mois jusqu’à nouvel ordre. Le réussir vous permettra d’écourter votre cursus ou d’intégrer la formation militaire. Comme vous le savez, nous sommes en guerre contre les Irnaths et la garde se bat activement sur l’Entre-Deux. Si le conflit n’a pas lieu sur notre sol, ça n’est plus qu’une question de temps. Nous avons déjà fait tomber des centaines de Nasombres, mais ils sont trop nombreux et notre armée, bien que puissante, manque d’effectifs.

Gaël marqua une pause dans son discours. Sa voix avait été claire et forte. Bien que sa posture fût soignée et son torse bombé, il ne trahissait pas la moindre fierté dans son regard. Non, il était plutôt empreint d’une tristesse à peine couverte d’un éclat de détermination. Malgré les apparences, Gaël ne parlait pas avec son titre, mais bien son cœur. Il reprit en étouffant un soupir.

- J’ai vu l’Entre-Deux souffrir. J’ai vu les villages en feu et les hommes se battre. Croyez-moi, les Irnaths regorgent de mauvaises surprises. Il est temps que vous sachiez la vérité sur ce qui vous attend. Le champ de bataille n’a rien de celui qu’on imagine. J’ai vu leur dragon déployer ses ailes au-dessus de nous. Je l’ai vu tout détruire sur son passage, attraper dans sa gueule ces hommes qui faisaient la fierté de leur peuple… et qui ne devaient certainement pas s’attendre à mourir ainsi, impuissants. J’ai vu des mères pleurer leurs bébés au milieu du chaos. Les maisons et fermes s’effondrer sous le poids des flammes. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont disparu… toutes ces familles qui ont péri pourraient être les vôtres si l’on ne se prépare pas. L’objectif des Irnaths est de nous envahir et ils le feront, tôt ou tard. Il ne fait aucun doute qu’ils trouveront le moyen de franchir notre dôme. Nous devons nous préparer à les accueillir.

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